fonctionnement
Question de :
M. Guy Teissier
Bouches-du-Rhône (6e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 19 avril 2001
M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe Démocratie libérale.
M. Guy Teissier. Ma question s'adresse également à Mme la ministre de la justice.
Alors que le procès de Guy Georges vient de s'achever, dans un climat d'horreur et d'effroi, aux assises de Paris, un autre tueur en série, Patrick Allègre, qui a reconnu cinq des six crimes qui lui sont attribués, a, d'après l'avocat d'une de ses victimes, toutes les chances d'être aujourd'hui remis en liberté.
M. Lucien Degauchy. Bravo !
M. Guy Teissier. Cette situation invraisemblable est l'une des conséquences perverses d'une loi qui, je crois, s'appelle la loi Guigou, sur la présomption d'innocence, entrée en vigueur le 1er janvier de cette année. Le code de procédure pénale précise, en effet, qu'une personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà de quatre années, même lorsqu'elle est poursuivie pour crime.
M. Lucien Degauchy. C'est un scandale !
M. Guy Teissier. Bien que ce texte mêle quelques bonnes intentions à beaucoup d'angélisme, l'opposition, lors du débat, avait dénoncé le fait que l'équilibre des forces était bouleversé au seul profit des délinquants.
La complexité des enquêtes menées dans ce genre de crime, la lourdeur de la procédure, les demandes d'expertises complémentaires et l'absence de mise en place d'un fichier des empreintes génétiques, dont vous avez parlé hier, madame la ministre, sans nous donner satisfaction ni l'ombre d'un espoir que ce soit pour bientôt, font que l'instruction se prolonge. Patrick Allègre pourrait donc comparaître libre à son procès, s'il se présente à l'audience, ce que n'a pas fait la terroriste allemande soupçonnée d'avoir participé à l'attentat de la rue Marbeuf en 1982. Cette militante d'extrême-gauche, remise en liberté en application de cette même loi, s'est bien évidemment soustraite à son contrôle judiciaire.
Alors, madame la ministre, face à cette situation inouïe, quelles nouvelles dispositions comptez-vous prendre, afin que ce genre de situation ne se reproduise plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, cette loi que vous avez appelée loi Guigou, ce qui fera plaisir à Elisabeth Guigou, parce que c'est un grand texte (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), a été votée sur tous les bancs de cette Assemblée nationale.
M. François Goulard. Non !
Mme la garde des sceaux. C'est la loi de votre Assemblée, et je crois que vous pouvez en être fiers, puisque, récemment, vos représentants à la commission d'enquête parlementaire me disaient à quel point ils avaient été dramatiquement choqués par le nombre de personnes en détention provisoire pendant un an, deux ans, trois ans et plus. Il fallait demander aux magistrats instructeurs d'encadrer le délai de la détention provisoire.
Au-delà du délai prévu, deux ans dans un premier temps, si le magistrat instructeur veut prolonger l'instruction, il doit dire pourquoi il peut alors éventuellement obtenir une ou deux années de plus.
Dans le cas que vous avez décrit longuement, et sur lequel je n'ai pas le droit de m'exprimer, je peux au moins vous rassurer sur ce point. Si le magistrat instructeur n'a pas fini l'enquête sur le cinquième crime, il peut déjà communiquer le dossier des quatre premiers, et la personne sera traduite devant une cour d'assises. Je n'imagine pas un seul instant, et vous non plus, qu'un magistrat, pour je ne sais quelle raison, sauf l'envie de vous provoquer peut-être (Sourires), estime, après avoir clos les quatre premiers dossiers, que cet homme peut attendre en liberté. Nos magistrats sont sérieux, ils appliquent la loi, et rien dans la loi ne permet à cet homme d'être libéré au mois d'octobre.
Si, au bout de deux ans, une instruction sur des criminels en série n'est pas achevée, parce qu'on a besoin de croiser des renseignements, aucun juge de la liberté et de la détention dans ce pays, disposant d'un dossier montrant à quel point un homme ou une femme est dangereux, ne prendrait plaisir à le libérer au nom de la loi. Les magistrats de notre pays ne sont pas ainsi. Mais, ils sont respectueux des droits, aussi largement que nous, respectueux des libertés publiques. La loi veut éviter une détention provisoire excessive, mais elle préserve d'abord la société et les victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Guy Teissier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 avril 2001