secteur public et secteur privé
Question de :
M. Pascal Clément
Loire (6e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 25 avril 2001
M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, pour le groupe DL.
M. Pascal Clément. Monsieur le Premier ministre, l'actualité politique montre de plus en plus, au sein de notre société, le clivage entre secteur public et secteur privé. Vous annoncez aujourd'hui l'arrêt des négociations avec la fonction publique et vous donnez des leçons aux entrepreneurs privés pour les obliger à négocier plus encore. Vous êtes incapable d'appliquer les 35 heures dans la fonction publique sans augmenter les effectifs et vous les imposez aux petites et moyennes entreprises et aux très petites entreprises dès 2002. Vous refusez aux salariés du privé un complément de retraite par capitalisation alors que les fonctionnaires bénéficient depuis longtemps d'un système de retraite par capitalisation, la PREFON.
Vous légiférez dans l'urgence afin de vous donner une posture humaniste. Il est, en effet, toujours plus facile de légiférer pour autrui que pour soi-même. Mais l'Etat patron est brutal avec ses fonctionnaires et en contravention avec la loi, comme le relève aujourd'hui même la Cour des comptes. De plus, vous êtes incapable de faire fonctionner nos services publics.
Secteur privé, secteur public, deux poids, deux mesures.
Ne sentez-vous pas un sentiment d'injustice qui monte du pays profond alors que vous faites le contraire de vos belles intentions affichées ?
Vous qui vous faites le chantre de l'égalité, avez-vous l'intention d'aligner les règles en vigueur dans le secteur public et dans le secteur privé ? En matière de retraites, de négociations salariales et les 35 heures, pouvez-vous assurer à tous les Français une égalité de traitement ?
Monsieur le Premier ministre, je suis sûr que si vous preniez cette décision et que si vous vous montriez capable de la mettre en oeuvre, les fonctionnaires comme les salariés y gagneraient. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, nous agissons, quand il le faut nous réagissons, et en même temps nous préparons.
Nous agissons selon nos engagements, et les engagements essentiels pris par ce Gouvernement en juin 1997,...
M. Bernard Accoyer. Les retraites !
M. le Premier ministre. ... contrairement à ce qui s'est passé au cours de la période antérieure (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui a abouti pour les intéressés à la mauvaise surprise des élections législatives de 1997...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
M. le Premier ministre. ... ont été tenues par ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Nous avons fait de la bataille contre le chômage et pour l'emploi la priorité essentielle de notre gouvernement. Nous avons su restaurer, puis maintenir, une croissance forte qui nous distingue des autres pays européens comparables (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).
M. Lucien Degauchy. Opportuniste !
M. le Premier ministre. ... 1,5 million d'emplois ont été créés, le chômage a reculé de plus d'un million de personnes. Et cette bataille de l'efficacité économique, nous l'avons accompagnée de mesures sociales: lutte contre les exclusions, couverture maladie universelle, et, dernière proposition de cette législature dans la continuité des réformes déjà engagées, l'allocation personnalisée d'autonomie que tant de personnes âgées attendaient. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
De la même manière, la priorité à la lutte contre l'insécurité est au coeur de l'action du Gouvernement pour la fin de cette législature.
M. Jean-Claude Lenoir. Ce n'est pas la question !
M. le Premier ministre. Nous réagissons, lorsqu'une épidémie de fièvre aphteuse menace d'envahir le pays et nous la jugulons. (Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous réagissons lorsque des populations sont menacées dans leur sécurité à Vimy, et nous le faisons de façon exemplaire grâce aux services de l'Etat.
M. Gilles de Robien. Soyez modeste !
M. le Premier ministre. Nous le faisons dans la Somme pour venir au secours des populations sinistrées et j'aurais sans doute encore des choses à dire, à cet égard, monsieur de Robien, lorsque nous pourrons faire le bilan de cette situation.
Nous n'opposons pas le secteur public au secteur privé.
M. Yves Bur. Vous n'arrêtez pas de le faire !
M. le Premier ministre. Nous sommes capables, comme vous, de les distinguer: dans l'un, il y a la sécurité de l'emploi; dans l'autre, continuent à régner la précarité de l'emploi et la menace du chômage. C'est une différence essentielle, qui justifie que l'on agisse de façon différente.
Non, nous n'avons pas refusé de négocier avec les fonctionnaires ! Je vous rappelle d'ailleurs que nous avons signé un accord salarial en 1998, donc que nous avons emprunté avec succès la voie de la négociation. Cette fois encore, le ministre de la fonction publique a négocié avec les syndicats.
M. François d'Aubert. Ca n'a pas marché !
M. le Premier ministre. Il est vrai qu'il n'a pas été possible de parvenir à un accord, accord dont je voudrais d'ailleurs rappeler que ceux qui le réclament ne sont pas toujours ceux qui le signent. En effet, si nous avions été assurés de la signature de toutes les grandes organisations syndicales, nous aurions peut-être pu poser les questions autrement, mais nous sommes aussi comptables du budget de l'Etat, de la nécessité de limiter le déficit, de garder des sommes pour l'investissement et le fonctionnement. Les grandes politiques publiques doivent se faire autrement qu'en fonction du salaire des fonctionnaires. Cela dit, nous préservons complètement le pouvoir d'achat de ces derniers et si nous avons su, pour certaines catégories particulièrement méritantes et confrontées à des problèmes, prendre des décisions de revalorisation significatives - je pense, par exemple, au protocole hospitalier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Georges Frêche. Très bien !
M. le Premier ministre. Et puis, nous préparons l'avenir, y compris sur les retraites. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Bernard Accoyer. Non !
M. le Premier ministre. Le fait que le nombre de chômeurs ait diminué de un million, que l'emploi soit là, que les cotisations soient à nouveau versées, que des salaires soient distribués nous donne une base plus solide pour régler le problème des retraites dans la perspective de 2020. Nous avons mis en place un fonds pour les retraites. Nous avons rapproché les points de vue et nous continuerons à le faire.
M. Bernard Accoyer. Mensonge !
M. le Premier ministre. La majorité qui, pendant quatre ans, a soutenu ce gouvernement a aussi construit cette politique équilibrée. Je ne doute pas qu'elle continuera dans ce sens, car le vide de vos propositions (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendant), dont parlait un instant Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, est tel que, le moment venu mais seulement le moment venu, le peuple sera juge. En effet, je ne reconnais, avec le Gouvernement et la majorité, qu'un seul juge: le peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Arnaud Lepercq. Nous sommes quand même les représentants du peuple !
Auteur : M. Pascal Clément
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 avril 2001