Question au Gouvernement n° 2745 :
taxe générale sur les activités polluantes

11e Législature

Question de : M. Yves Cochet
Val-d'Oise (7e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 3 mai 2001

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a récemment rendue publique son opinion sur ce que je nomme, quant à moi, la «pollutaxe-carbone-énergie» et qu'on appelle en France la TGAP-énergie. En résumé, Bercy est défavorable à cette taxe et propose de lui substituer un mécanisme qui reposerait sur des engagements volontaires et contractuels des entreprises, ainsi que l'instauration d'une sorte de marché des permis à polluer. Or cette solution, d'inspiration assez libérale d'ailleurs («Oh !» sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ne me paraît favorable ni pour l'économie ni pour l'écologie.
Le ministère de l'environnement, quant à lui, a réaffirmé son attachement à la TGAP-énergie, qui vise simplement à mettre en oeuvre le principe pollueur-payeur, et ce à fiscalité constante, voire décroissante, puisque nous baissons les impôts. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est donc question non pas d'un nouveau prélèvement, mais simplement d'un changement d'assiette. Il s'agit en fait de moins taxer le travail et plus la pollution.
Bien évidemment, et vous n'en serez pas étonné, monsieur le Premier ministre, je partage la position du ministère de l'environnement. Pouvez-vous m'indiquer quel mécanisme sera choisi par le Gouvernement pour nous permettre de garantir nos engagements de Kyoto, c'est-à-dire de diminuer la pollution ? Par ailleurs, nos partenaires européens ayant déjà mis en oeuvre une TGAP-énergie incluant l'électricité, il importe que notre pays se dote au plus vite d'un dispositif comparable. Quand allez-vous présenter un projet à l'Assemblée ? J'espère que ce sera avant la fin de cette session. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, vous savez dans quelles conditions la TGAP-énergie a été votée par votre assemblée, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2000 que j'avais présentée, puis annulée par le Conseil constitutionnel.
A partir du mois de janvier, M. le Premier ministre a donc demandé aux ministres concernés d'étudier d'autres solutions et de les lui soumettre. C'est ainsi que les choses se passent lorsqu'un arbitrage du Premier ministre doit être rendu. Il est normal que chacun fasse valoir sa position. Il est préférable toutefois que la concertation ne se fasse pas dans la presse...
Sur la question précise que vous avez posée, j'apporterai trois éléments de réponse.
Je rappellerai tout d'abord, monsieur le député - mais vous ne l'ignorez pas car vous êtes spécialiste de ces choses - que, depuis maintenant quatre ans, nous nous attachons à mettre en place une véritable fiscalité écologique. En la matière, les progrès sont réels. La liste de mesures législatives très importantes qui ont été prises grâce à vos votes, et en particulier au vôtre, monsieur Cochet, est fort longue: baisse de la TIPP sur les carburants propres, exonération des biocarburants, taux réduit de TVA sur le tri sélectif, amortissement exceptionnel sur les équipements destinés à économiser l'énergie...
C'est entre 1998 et 1999 qu'a été mise en place, étape par étape, la fameuse TGAP. Avec la loi de finances rectificative pour 2000, il s'agissait simplement de l'étendre. Mais la disposition a été annulée par le Conseil constitutionnel.
L'un des problèmes juridiques soulevés par le Conseil constitutionnel tient à ce que l'électricité émet moins de gaz à effet de serre que les autres sources d'énergie. En outre, si tout pollueur doit être payeur, il faudrait aussi faire payer la taxe à des personnes juridiques qui ne sont pas concernées actuellement comme les collectivités publiques et les personnes privées. Vous comprendrez que cela pose un problème.
Que pouvons-nous faire dans ces conditions ? Même s'il existe d'autres possibilités que l'action par la fiscalité, celle-ci doit être menée à bien. En dépit des difficultés causées par la décision du Conseil, le Gouvernement conserve la conviction qu'il est nécessaire de mettre en oeuvre un dispositif volontariste de lutte contre les émissions polluantes des entreprises, comme le prévoit, d'ailleurs, le programme national de lutte contre le changement climatique. Nous nous sommes donc mis au travail.
Plusieurs pistes sont ouvertes: aménagement de la taxe - si l'on peut répondre aux objections du Conseil -, engagements volontaires négociés, mesures internes diverses, échanges de crédits. Nous pouvons aussi nous inspirer de ce que font nos partenaires européens, en général une sorte de mélange de tout cela. A partir de ces différents éléments et des arbitrages que rendra le Premier ministre, nous devrions être en mesure de présenter des propositions à votre assemblée avant la fin du mois de juin.
Enfin, monsieur le député, puisque vous avez fait allusion au sommet de Kyoto, j'ajouterai une précision puisque je reviens de Washington, où j'ai eu des discussions avec les autorités américaines sur ce point. Je le dis à l'Assemblée, qui en est bien consciente, le combat en la matière sera extrêmement difficile car les Américains sont décidés à remettre en cause ce protocole, alors que nous, Français, nous Européens, tenons au contraire, dans une optique écologique, à ce que ces dispositions soient respectées.
M. Jean-Paul Charié. Très bien !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il n'y a là rien de «libéral». C'est une approche volontariste et respectueuse du droit.
M. Jean-Paul Charié. C'est ça être libéral !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Soyez assuré, monsieur Cochet, qu'au plan national aussi bien qu'international, nous aurons, en matière écologique, cette position volontariste et respectueuse du droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Yves Cochet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 mai 2001

partager