cannabis
Question de :
M. Patrick Delnatte
Nord (9e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 24 mai 2001
M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe RPR.
M. Patrick Delnatte. Monsieur le Premier ministre, vous avez été interrogé sur la déclaration faite par votre ministre de la santé, le 20 février dernier à Stockholm, par le biais d'une question de Bernard Accoyer publiée au Journal officiel. A ce jour, toutefois, aucune réponse n'y a été apportée alors pourtant que l'affaire est grave. M. Kouchner a en effet déclaré que le tabac et l'alcool créaient de façon irréfutable plus de dépendance et occasionnaient plus de ravages que le cannabis. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Or l'augmentation rapide et considérable de la consommation de cannabis, en particulier chez les jeunes, est précisemment en partie explicable par l'image ludique et inoffensive qu'on lui attribue trop souvent par conformisme ou ignorance. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Lucien Degauchy. C'est grave !
M. Patrick Delnatte. Pour étayer ces déclarations, le ministre de la santé s'est appuyé uniquement sur le rapport rédigé en 1999 par le professeur Roques sur la dangerosité des drogues. Or ce document n'a donné lieu à aucune évaluation contradictoire et ses références bibliographiques datent de plus de dix ans. En outre, M. Kouchner a omis d'indiquer que le cannabis est devenu en trente ans, et par sélection génétique, neuf fois plus concentré en principes actifs.
M. Jacques Myard. Eh oui !
M. Francis Delnatte. Cette teneur élevée en principes actifs comporte des effets non négligeables sur la santé des consommateurs. La consommation de cannabis peut ainsi provoquer de véritables drames. Je prendrai pour seul exemple le cas de ce jeune garçon de dix-huit ans qui, après avoir consommé un double joint de cannabis fortement dosé, a été pris d'un violent malaise et a sauté du troisième étage de son immeuble. Il est aujourd'hui définitivement paraplégique. Pourtant, il fumait pour la deuxième fois seulement et n'avait ni bu d'alcool ni pris de médicament.
Monsieur le Premier ministre, des travaux concordants démontrent les effets délétères du cannabis sur le comportement et le cerveau.
M. Alain Calmat. On le sait !
M. Patrick Delnatte. Au regard de la gravité des affirmations de l'un de vos ministres, nous souhaitons donc savoir ce que vous comptez faire. Votre gouvernement va-t-il continuer à limiter son action à ce type de déclarations inquiétantes ? Ou allez-vous enfin prendre des mesures pour fournir aux jeunes une information sanitaire objective sur les effets du cannabis, fondement de toute politique de prévention ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la santé.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Monsieur le député, je veux bien croire que j'ai déclaré qu'il y avait moins de dépendance au cannabis qu'à l'alcool ou au tabac, puisque c'est vrai !
Mme Yvette Benayoun-Nakache et M. Jean Pontier. Très bien !
M. le ministre délégué à la santé. Cela étant, je vous l'accorde, le problème est plus large. Vous avez fait allusion à un travail très circonstancié mené en 1999 par le professeur Pierre-Bernard Roques, éminent pharmacologue et chercheur mondialement connu. N'oubliez pas toutefois que vingt-cinq autres chercheurs de tous les pays participaient à ce groupe de travail et ont affirmé la même chose.
Mme Christine Boutin. Il y en a d'autres tout aussi célèbres qui disent le contraire !
M. le ministre délégué à la santé. Il s'agissait de classer des groupes de dépendance, pas de porter un jugement moral. Et je ne me suis fait l'apôtre d'aucune consommation de toxiques; ce n'est pas mon genre, et cela ne correspond pas à ce que je pense.
La dépendance relève de ce qu'on appelle le «circuit de récompense». L'organisme s'habitue à une substance qui procure du plaisir et il est donc ensuite très difficile de s'en détacher.
Dans notre pays, monsieur le député, et je le dis sans chercher à stigmatiser une attitude, la consommation d'alcool - et sûrement pas de vin dont nous nous réjouissons qu'il soit meilleur qu'ailleurs (Sourires) - et de tabac a créé des milliers de dépendances supplémentaires. Selon toutes les études, en revanche, la consommation de cannabis n'a jamais entraîné plus de 7 % à 8 % de cas de dépendance. Disant cela, je fais simplement observer qu'il ne faut pas avoir une espèce de racisme à l'égard des toxiques extérieurs (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et une trop grande fierté pour les nôtres. En la matière, il importe surtout d'informer et de faire en sorte que notre jeunesse échappe à tous les toxiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Patrick Delnatte
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Drogue
Ministère interrogé : santé
Ministère répondant : santé
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 24 mai 2001