Question au Gouvernement n° 2818 :
Président de la République

11e Législature

Question de : M. Alain Tourret
Calvados (6e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 30 mai 2001

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe RCV.
M. Alain Tourret. Monsieur le Premier ministre, il nous paraît nécessaire de connaître votre position sur la responsabilité pénale du chef de l'Etat. («Ah !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
L'article 68 de la Constitution ne prévoit sa mise en cause qu'en cas de haute trahison commise dans l'exercice de la fonction présidentielle. Son caractère obsolète ne semble plus contesté par quiconque. Le Président est-il donc, comme l'a souligné l'un d'entre nous, le dernier des intouchables, protégé par un avis du Conseil constitutionnel qui, c'est un euphémisme, ne fait pas l'unanimité ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, écoutez la question de M. Tourret.
M. Alain Tourret. Le Président de la République est une institution; il représente l'ensemble de la nation et doit donc être protégé de manière préalable de toute mesure coercitive ou contraignante. Pour autant, il ne saurait, pour les cas les plus graves détachables de son mandat ou commis hors de son exercice, bénéficier d'une suspension de l'action publique qui pourrait être sans limite si, par hasard, elle n'était pas prescrite.
Rien n'est pire que la condamnation de l'opinion. Répondre devant un juge, avec toutes les garanties dues à la fonction présidentielle, c'est finalement protéger la présidence elle-même.
Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, faire connaître à la représentation nationale la position du Gouvernement sur le régime de l'immunité présidentielle ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. («Ah !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises, en particulier devant vous, pour indiquer avec netteté ce qu'est ma conception du débat politique et des principes qui doivent l'inspirer.
Je l'ai dit et je le redis: comme Premier ministre et comme responsable politique, je ne souhaite pas que les affaires soient utilisées dans le débat public («Ah !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe démocratie libérale et Indépendants) et je n'en prendrai pas l'initiative. (M. Henri Emmanuelli et M. Jean-Yves Le Drian applaudissent.)
C'est pourquoi, s'agissant d'une initiative récente tendant à la mise en oeuvre de l'article 68 de la Constitution, je répète que je ne l'approuve pas. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Toutefois il est vrai, comme l'ont déjà observé plusieurs personnalités, que le dispositif juridique sur la responsabilité pénale du chef de l'Etat est imparfait et justifie un débat approfondi. Une proposition de loi constitutionnelle vise, semble-t-il, en modifiant l'article 68 de la Constitution, à poser le principe de la responsabilité pénale du Président de la République pour les crimes et délits extérieurs à l'exercice de ses fonctions. Le régime qui serait ainsi fixé et précisé par une loi organique s'appliquerait postérieurement à la prochaine élection présidentielle. Cette proposition me paraît donc claire et saine dans son principe.
M. Hervé de Charette. C'est une manoeuvre !
M. le Premier ministre. Les orientations qu'elle suggère me semblent raisonnables et il serait légitime qu'elle puisse, en dehors de toute considération partisane (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) être soumise à la discussion parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - «Tartuffe !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Données clés

Auteur : M. Alain Tourret

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Etat

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mai 2001

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