Question au Gouvernement n° 2835 :
politique industrielle

11e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Chevènement
Territoire-de-Belfort (2e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 31 mai 2001

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour le groupe RCV.
M. Jean-Pierre Chevènement. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le Premier ministre a déclaré avant-hier: «Au service de l'emploi, l'Europe doit avoir une ambition industrielle forte.» Le Gouvernement a-t-il aujourd'hui une ambition industrielle pour la France ?
On aimerait bien savoir, en effet, quelle est, du point de vue de l'intérêt public, la position du Gouvernement sur de grandes restructurations comme la fusion d'Usinor avec Arbed, la fusion Vivendi-Seagram, le projet avorté de reprise de Lucent par Alcatel et, bien sûr, la fusion ABB-Alstom, assortie de la vente à General Electric de nos turbines à gaz, alors que tombent à Belfort des lettres de licenciements pudiquement dénommées «lettres de mise en congé formation» et que viennent d'être prononcés quatre-vingt-cinq licenciements dans une entreprise externalisée, Gaussin-Industrie..
Il y a dans tout cela un certain paradoxe. Il y a vingt ans, la gauche s'intéressait beaucoup aux choix industriels, trop sans doute aux yeux de l'actuelle opposition, mais, aujourd'hui, le Gouvernement semble s'être mis aux abonnés absents. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Patrick Ollier. Vive la gauche plurielle !
M. Jean-Pierre Chevènement. Les grandes restructurations financières et industrielles que nous connaissons semblent être un sujet tabou. Pourtant, les conséquences sont lourdes pour l'emploi, l'aménagement du territoire et la cohésion de notre tissu industriel.
Ainsi, les alternateurs de 150 à 1 500 mégawatts, hier encore fabriqués à Belfort, le seront désormais à Mannheim et à Bihr. Ce ne sont pas seulement les fabrications, ce sont aussi les services techniques qu'on laisse partir à l'étranger, pour les turbines vapeur comme pour les alternateurs.
Dans ces conditions, plusieurs questions se posent.
Les petits alternateurs de 100 mégawatts actuellement fabriqués pour l'unique client qu'est General Electric pourront-ils continuer à l'être si sont dispersés les compétences et les savoir-faire ? Le président d'Alstom Power avait pris un certain nombre d'engagements écrits en juin 2000 pour permettre la réindustrialisation d'un site où près de 2000 emplois ont été supprimés depuis 1996. Ils n'ont pas été tenus à ce jour. Est-il possible, monsieur le ministre, que vous interveniez pour rappeler ces engagements ?
Si les compétences et les savoir-faire sont dispersés, comment assurer la maintenance ou, à nouveau, la fabrication des grands alternateurs et des turbines de 900 à 1 500 mégawatts qui entrent, chacun le sait, dans la partie classique des centrales nucléaires ?
M. le président. Monsieur Chevènement, pardonnez-moi, pourriez-vous conclure ? Le deuxième intervenant de votre groupe est M. Mamère, et je ne voudrais pas déséquilibrer les interventions.
M. Jean-Pierre Chevènement. Je pense, monsieur le président, que vous êtes sensible au sort de l'usine de Belfort.
M. le président. J'y suis très sensible !
M. Jean-Pierre Chevènement. Si EDF assurait un niveau minimal de commandes de un à deux rotors par an, alors que des fissures ont été constatées sur les turbines, cela permettrait de préserver une capacité de fabrication dans le domaine de l'électronucléaire, alors que le président Bush aux Etats-Unis vient de relancer un tel programme. Cette décision, conforme à l'intérêt national, sera-t-elle prise ?
Enfin, est-il raisonnable de laisser s'opérer la dissociation d'EDF en trois tronçons - production, transport, distribution -, ce qui conduit à accélérer la libéralisation du marché de l'électricité ?
Bref, monsieur le ministre, j'aimerais connaître la politique industrielle de la France en matière énergétique, pour Alstom comme pour EDF. (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Chevènement avec nous !
M. le président. Pour respecter l'équilibre, il vous reste trente secondes pour répondre, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie. (Sourires). Sinon, nous amputons le temps de parole de M. Mamère.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. En effet, monsieur le ministre, on ne peut pas concevoir l'insertion de l'industrie française dans un contexte mondialisé sans une véritable ambition économique et industrielle (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui place au premier rang des capacités d'infléchir le futur la capacité de l'Etat à réagir pour encourager, inciter, imposer une perspective de long terme dans une stratégie industrielle et une politique industrielle que le Gouvernement s'honore de conduire pour conserver à la France un rôle de centre et de pôle mondial d'excellence, notamment en matière d'investissement.
M. Jean-Louis Debré. C'est nul !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Comme vous le savez, l'investissement français dans les industries manufacturières croît entre 6 et 8 % par an, pour permettre à la France de conserver son rôle de localisation de recherche et développement et de rester ce qu'elle est aujourd'hui, un centre européen de croissance économique et d'innovation.
Les entreprises françaises, l'an dernier, ont investi 175 milliards d'euros à l'étranger. Elles doivent évoluer, s'adapter et avoir toujours pour objectif la compétitivité de l'entreprise et du site France.
M. Thierry Mariani. Ce n'est pas la question.
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Parler de politique industrielle et économique, ça vous est radicalement étranger, je le sais. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Huées sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République; claquements de pupitres.)
S'agissant d'Alstom, nous avons avec vous-même et le président Forni longuement négocié, pendant des mois, avec les dirigeants de cette entreprise pour assurer la pérennité de l'entreprise sur le site France et la préservation des compétences.
Des engagements précis, dont je vous ai tenu régulièrement au courant, sont pris,...
M. Thierry Mariani. Lesquels ?
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. ... et il y a déjà des transferts de production vers Belfort. Des ingénieurs et des techniciens de Belfort sont aujourd'hui mobilisés pour le développement de nouvelles gammes d'alternateurs de petite puissance. Un comité interministériel d'aménagement du territoire a été consacré entièrement, ou presque, à la situation de Belfort, et l'industrialisation et l'investissement en recherche et développement sont encouragés dans un programme de long terme à Belfort.
M. Lucien Degauchy. C'est du pipeau !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Quant à la politique énergétique, le maintien du nucléaire comme pilier de cette politique, avec, évidemment, les énergies nouvelles renouvelables, exige que nous maintenions les compétences nécessaires en France en matière de recherche et de développement, et en particulier à Belfort.
Oui, nous avons une politique ambitieuse ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Oui, nous avons une politique industrielle pour la France ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste. - Huées sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République; claquements de pupitres.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Chevènement

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 mai 2001

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