reconduite aux frontières
Question de :
M. Louis Mermaz
Isère (8e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 7 juin 2001
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour le groupe socialiste.
M. Louis Mermaz. Monsieur le ministre de l'intérieur, deux enfants âgés de trois et cinq ans, de nationalité camerounaise, viennent de passer quatre nuits en zone d'attente sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy. Ils étaient arrivés du Cameroun le vendredi 1er juin en compagnie de leur père, qui vit en France, en situation régulière et qui est marié à une Française.
Je crois savoir que vous êtes d'ores et déjà intervenu et je vous en remercie. Mais je vous demande de veiller à ce que de telles situations soient, à l'avenir, gérées différemment.
Ces enfants se sont vu appliquer, de façon mécanique et cruelle, la procédure classique car, à la différence de leur père, ils n'étaient pas munis de visas. Au bout de quatre jours passés en zone d'attente, en l'occurrence dans un hôtel souvent réquisitionné, ils ont été présentés, hier, au juge délégué du tribunal de grande instance de Bobigny qui a ordonné leur maintien en zone d'attente. Si mes renseignements sont exacts, la procédure de maintien en zone d'attente ne porterait pas trace du père. Les deux enfants - de trois et cinq ans - assistés d'un avocat, ont été invités à ester en justice, le juge leur demandant de signer la décision les concernant. (Murmures.)
L'avocat a fait appel devant la cour d'appel de Paris qui doit statuer aujourd'hui ou demain, l'appel n'étant pas, au demeurant, suspensif.
La préfecture de Seine-Saint-Denis a fait savoir que, dans l'immédiat, les enfants ne seraient pas reconduits au Cameroun et qu'ils étaient admis à titre provisoire sur le territoire. Ils doivent être présentés aujourd'hui au parquet des mineurs aux fins d'un placement à l'aide sociale à l'enfance.
M. Yann Galut. C'est une honte !
M. Louis Mermaz. Je vous laisse deviner le désarroi de ces enfants soustraits à leur famille et qui, sans l'intervention in extremis de la préfecture, allaient être expulsés.
Aujourd'hui, en France et en Europe, se pose un problème dû à l'affluence de mineurs en provenance des pays en proie à la guerre civile. Je pense que des mesures d'ensemble doivent être prises d'urgence pour qu'ils reçoivent un accueil digne de notre pays.
Je vous indique, enfin, monsieur le ministre, que j'ai visité en fin de soirée, le lundi 21 mai, la zone d'attente de l'aéroport de Roissy où j'ai pu voir des dizaines de personnes entassées dans une pièce, assises sur des bancs mais aussi par terre. Trois cents personnes en moyenne se présentent, chaque jour, elles sont souvent demandeurs d'asile.
Le président Raymond Forni a pris l'initiative de réunir dans cet hémicycle, samedi 16 juin, 577 réfugiés sous l'égide du Haut-commissariat aux réfugiés.
Mme Odette Grzegrzulka. Très bien !
M. Louis Mermaz. Il importe que notre pays ait une politique d'ensemble, digne des traditions dont nous nous prévalons si souvent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, sachez que je partage votre émotion.
M. Jean-Louis Debré. Et alors ?
M. le ministre de l'intérieur. Le 2 juin 2001, la police aux frontières de Roissy a refusé l'admission sur le territoire national de deux jeunes enfants âgés de 3 et 5 ans. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mme Sylvia Bassot. On a compris !
M. Christian Jacob. C'est la question ! Il nous faut la réponse !
M. le ministre de l'intérieur. La photographie de ces deux enfants avait été collée sur le passeport camerounais d'une personne adulte qui les accompagnait et qui affirmait être leur père. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
S'agissant de cette question, vous pourriez faire preuve d'un peu de dignité !
La police aux frontières a donc demandé que toute pièce d'état civil ou tout document attestant de la réalité de la filiation lui soit apporté sans tarder pour permettre à ces enfants d'être remis à leur père. Ces vérifications apparaissaient nécessaires puisque les enfants étaient dépourvus de tout visa d'entrée sur le territoire et qu'aucune précision n'était donnée par l'adulte qui les accompagnait, sur leur mère ou la personne qui en avait juridiquement la garde.
Il ressortait des premiers éléments de l'enquête que le père était marié à une Française qui n'était pas la mère des enfants. Ceux-ci ont donc été placés en zone d'attente, conformément à la législation en vigueur, mais, compte tenu de leur très jeune âge, dans des conditions particulières: ils ont été logés à l'hôtel, en compagnie d'une nurse qui ne les a jamais quittés. Entre-temps, la personne qui les accompagnait avait été, dès son arrivée, hospitalisée en Seine-Saint-Denis à la suite d'une crise aigue de paludisme.
C'est dans ces conditions, et en l'absence de toute preuve de filiation, que le juge a prononcé, hier, la prolongation de la rétention en considérant que la procédure suivie était totalement justifiée et régulière en la forme.
Compte tenu des vérifications effectuées par la police aux frontières lors de cette même journée de mardi, et des incertitudes qui subsistaient sur la filiation de ces enfants, les services de police, en concertation avec le parquet, les ont admis sur le territoire. Ils ont été placés dans un foyer de l'aide sociale à l'enfance.
Ces indications doivent vous assurer, ainsi qu'à Mme la défenseure des enfants, qui s'est transportée sur place, qu'en l'absence de toute preuve de parenté, l'intérêt même de ces jeunes enfants exigeait des mesures de précaution, qui ont été prises et qui sont, désormais, relayées par l'autorité judiciaire.
Tels sont, mesdames, messieurs les députés, les éléments que je pouvais vous communiquer. Ils témoignent du sérieux avec lequel nous appliquons les textes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Louis Mermaz
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 7 juin 2001