licenciement collectif
Question de :
M. Michel Bouvard
Savoie (3e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 20 juin 2001
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe RPR.
M. Michel Bouvard. Monsieur le Premier ministre, nous connaissons tous, et notamment ceux d'entre nous qui siègent à la commission des finances, l'importance du lien entre la croissance économique et la confiance. Nous savons aussi que la confiance est fortement conditionnée, pour les chefs d'entreprise, par des règles stables et durables.
Or le moins que l'on puisse dire, c'est que nous sommes entrés ces dernières semaines dans une période d'incertitude avec la loi de modernisation sociale, les tractations auxquelles elle a donné lieu, le report du vote et, plus récemment, les déclarations de deux membres du Gouvernement dont les compétences en matière économique sont indéniables: le ministre de l'économie et des finances, ancien Premier ministre, et le secrétaire d'Etat à l'industrie, qui a été rapporteur général du budget.
Le premier fait part de ses «interrogations par rapport à l'adaptation d'une nouvelle réglementation aux nécessités d'une économie moderne». Il ajoute que «la jurisprudence, en matière de licenciement, va introduire une nouvelle interprétation juridique avec une période d'incertitude». Il conclut que «la loi peut même avoir un effet dissuasif sur l'investissement et le recrutement». (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Le second, Christian Pierret, explique que «ce texte va soumettre l'ensemble de la vie économique à l'épée de Damoclès de délais qui vont retirer de la réactivité aux entreprises et vont placer la vie économique sous l'autorité judiciaire, qui va être seule juge des décisions». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Pierre Lellouche. Bravo, Pierret !
M. Michel Bouvard. Monsieur le Premier ministre, après ces longs débats et après cette cacophonie au sein du Gouvernement, comment comptez-vous rétablir la confiance des chefs d'entreprise, au moment où la croissance semble se ralentir dans l'ensemble du continent européen ?
Comment allez-vous faire pour que le Gouvernement - c'est une nécessité pour le pays - parle d'une seule voix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Vous avez tout à fait raison, monsieur le député, d'établir un lien entre la confiance et la croissance.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Qu'en pense Lambert ?
M. le Premier ministre. Au-delà du point de vue nécessairement subjectif que nous avons sur ces questions, forte est de constater, sur les quatre ans qui se sont écoulés, que ce lien de confiance avec les acteurs de la vie économique - consommateurs, salariés, mais aussi chefs d'entreprise et investisseurs -, nous avons su le recréer. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Les performances de l'économie française depuis quatre ans: 3 % de croissance en moyenne; le différentiel de croissance au profit de la France par rapport à tel ou tel grand pays de l'Europe; la capacité à être attentif aux réalités économiques, mais aussi aux aspirations sociales, tout cela, jusqu'à maintenant, a porté ses fruits, mais nous devons rester attentifs, bien sûr, à l'évolution de la conjoncture.
M. Pierre Lellouche. Vous allez voir le ralentissement de l'économie américaine...
M. le Premier ministre. En ce qui concerne le projet de loi de modernisation sociale, adopté en seconde lecture à l'Assemblée nationale mercredi dernier, je veux d'abord vous dire combien je suis satisfait de cet aboutissement positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'invite d'ailleurs les parlementaires à être cohérents, en faisant diligence dans les deux assemblées pour que l'incertitude touchant le droit du travail soit levée rapidement.
Ce projet va donc faire entrer - bientôt, je l'espère - des dispositions nouvelles dans le droit du travail. Il a été adopté à l'issue d'une discussion sérieuse (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) reposant sur une concertation qui a toujours eu lieu depuis quatre ans à l'intérieur de la majorité.
M. Pierre Lellouche. Magouilles de partis !
M. le Premier ministre. On entend souvent sur ces bancs, y compris ceux de l'opposition, s'exprimer le souci légitime de réhabiliter le statut et l'action du Parlement. Eh bien, vous ne voudrez pas vous étonner, messieurs, que ce gouvernement écoute sa majorité et dialogue avec elle pour aboutir à des décisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Il est vrai qu'après le vote positif intervenu ici même en première lecture, la discussion a été un peu plus difficile qu'attendu. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Mais entre-temps, le contexte s'était modifié et vous devez prendre en compte l'émoi de ceux qui ont vu tout d'un coup surgir des plans de licenciements économiques, l'émoi des salariés concernés, mais aussi l'émoi de l'opinion. Je vous demande de rester attentifs à ce que les Français, lorsqu'on les interroge, disent à propos de ces licenciements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - «Démagogue !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Nous avons donc travaillé, amélioré le texte, et nous l'avons fait avec une préoccupation que j'ai constamment rappelée: maintenir l'équilibre entre le nécessaire renforcement de la protection des salariés et la prise en compte des responsabilités et des contraintes de l'entreprise.
Il est particulièrement légitime que le ministre de l'économie et des finances se préoccupe de cet équilibre et du contexte dans lequel les entreprises françaises mènent leur action. Il sait d'ailleurs que je suis à ses côtés (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) dans une autre de ses missions, qui est de veiller sur les comptes publics de notre pays, non seulement en raison de nos engagements européens, mais également parce qu'il est nécessaire que nous les maîtrisions.
Je pense que le texte auquel nous sommes parvenus respecte cet équilibre...
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Equilibriste ! (Sourires à droite.)
M. le Premier ministre. ... et je souhaite aussi, pour préserver le climat de confiance auquel vous aspirez, que les chefs d'entreprise, notamment les grandes d'entre elles, soient eux-mêmes sensibles aux réactions possibles de leurs propres salariés et de l'ensemble de l'opinion, tant ces licenciements économiques ne paraissent pas toujours justifiés.
Voilà ce que je peux vous répondre. Nous avons débouché positivement; la croissance, l'emploi, les services publics, la diminution de la fiscalité, la progression de l'économie française, les réformes sociales...
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Les plans sociaux !
M. le Premier ministre. ... restent les grandes priorités de ce gouvernement et la majorité saura se rassembler autour de ces priorités en attendant... vos propositions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Michel Bouvard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 20 juin 2001