Question au Gouvernement n° 2912 :
services publics

11e Législature

Question de : M. Christian Bataille
Nord (22e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 21 juin 2001

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste.
M. Christian Bataille. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les mots peuvent, comme les épices en cuisine, magnifier la saveur d'un plat d'une idée forte. Employés à l'excès ou de façon inadéquate, ils dissimuleront et feront même oublier l'essentiel, bon ou mauvais.
Je prendrai un exemple en dehors de notre propos de cet après-midi: concernant les élections italiennes, on a vu surgir le qualificatif paradoxal de «post-fasciste». Peut-être s'agissait-il de dessiner les contours modernes de la notion de décadence. Plus simplement, ce qualificatif sert à dissimuler l'essentiel qui est, ne l'oublions pas, la présence de l'extrême droite au gouvernement italien. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Lucien Degauchy. Le gouvernement italien n'est pas votre affaire !
M. Christian Bataille. Il en va de même avec le goût indéfinissable et finalement assez peu agréable de l'expression «services d'intérêt général». Celle-ci a pour fonction de masquer l'essence forte du «service public», principe intraduisible auquel les Français, dans leur culture si particulière, sont très attachés.
Conscient de la nécessité d'une adaptation réaliste au parler bruxellois, mais désireux aussi de ne pas ignorer les saveurs essentielles, je veux vous interroger, monsieur le ministre, sur ce qu'il faut entendre par «services d'intérêt général».
M. Yves Fromion. Bavard !
M. Christian Bataille. Je veux par conséquent vous demander sur ce que pense le gouvernement français...
M. Pierre Lellouche. Il y a longtemps qu'il ne pense plus !
M. Christian Bataille. ... d'une possible privatisation des services publics.
Les services publics d'intérêt général.
M. Pierre Lellouche. Pléonasme !
M. Christian Bataille. ... sont au coeur de notre modèle de société et concourent à notre cohésion nationale. Leur efficacité n'est plus à démontrer.
M. le président. Posez votre question, monsieur Bataille !
M. Christian Bataille. J'y viens, monsieur le président...
M. Yves Fromion. Bavard !
M. le président. Mes chers collègues, l'adjectif «bavard» n'est peut-être pas celui qu'il convient d'utiliser dans cette enceinte. Ou alors, on aurait à formuler beaucoup de reproches, et à l'adresse de tous les bancs. (Sourires.)
Posez votre question, monsieur Bataille.
M. Christian Bataille. J'en viens à ma question, monsieur le président, qui ponctuera ma démonstration. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Quel prétentieux !
M. Christian Bataille. Le constat que j'ai fait était jugé hier archaïque par les partisans du marché. Il est aujourd'hui de plus en plus largement partagé.
M. Jean-Claude Abrioux. Bataille d'arrière-garde !
M. Christian Bataille. Les éléments les plus libéraux de chacun des pays européens, y compris chez nous, réclament la privatisation des services publics.
Si on lit ligne à ligne, mot à mot, les directives européennes (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...
M. le président. Non, monsieur Bataille !
M. Christian Bataille. ... on ne trouve pas trace de cette exigence et on est fondé à considérer que l'Europe est surtout un prétexte pour justifier les privatisations d'entreprises publiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Monsieur le ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale en la position du Gouvernement quant à la privatisation des services publics d'intérêt général, dans le dialogue que vous avez avec l'administration européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, à qui il ne reste, M. Bataille ayant parlé quatre minutes, qu'une minute pour lui répondre.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Je vous remercie de votre générosité, monsieur le président. (Sourires.)
Monsieur Bataille, les mots ont en effet un sens.
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Sauf si l'on a rien à dire !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Mais ce qui porte sens, ce sont surtout les faits et l'action des gouvernements en faveur des services publics. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
A Nice, le Conseil européen a adopté, dans le prolongement du travail accomplià Amsterdam au mois de juin 1997, une déduction sur les services d'intérêt général.
Comme vous l'avez très justement souligné, les services d'intérêt général participent du modèle économique et social de l'Europe par la compétitivité qu'ils procurent, la cohésion sociale, la cohésion territoriale et le développement durable dont ils sont porteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Dans ce cadre, le gouvernement français a obtenu la reconnaissance de la compatibilité des aides destinées à compenser les coûts entraînés par les missions d'intérêt général; ce point est central.
M. Pierre Lellouche. Et en français, ça veut dire quoi ?
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. C'est ainsi que nous avons pu renforcer les points d'appui pour nos services publics, comme La Poste, EDF, GDF ou nos services de transports. Bref, le caractère privé ou public de ces services ne relève pas des traités: le choix ne dépend que des Etats.
Quant à nous, nous avons fait les choix suivants: entreprises publiques, services publics, statut des personnels, développement européen et international, modernisation et croissance des entreprises concernées. Tous ces mots sont compatibles.
M. Yves Nicolin. Menteur !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Telles sont les orientations du Gouvernement, que nous entendons faire prévaloir lors des prochaines réunions européennes. Nous sommes bien calés sur une dynamique des services d'intérêt général servant le concept français de service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Le groupe du RPR ayant quasiment épuisé son temps de parole (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...
M. Jean-Louis Debré. M. Bataille a parlé plus de cinq minutes !
M. Bernard Accoyer. C'est injuste !
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Scandaleux !
M. le président. ... il ne dispose plus que de deux minutes. Nous reviendrons à la dernière question en fin de séance. (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs.)

Données clés

Auteur : M. Christian Bataille

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Secteur public

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juin 2001

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