Question au Gouvernement n° 2959 :
viandes

11e Législature

Question de : M. Michel Lefait
Pas-de-Calais (8e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 10 octobre 2001

M. le président. La parole est à M. Michel Lefait, pour le groupe socialiste.
M. Michel Lefait. Ma question s'adresse à M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.
La crise profonde et durable que connaît la filière bovine, consécutive aux affaires dites de la vache folle et de la fièvre aphteuse, n'en finit pas de faire sentir ses effets désastreux sur la situation économique, financière et sociale des éleveurs et producteurs de viande de notre pays.
Faute d'être rémunérés à un juste prix pour leur travail, nombre de ces agriculteurs sont aujourd'hui conduits à l'impasse budgétaire et au désespoir et n'ont d'autre alternative que la révolte ou la cessation à très court terme de leur activité.
J'illustrerai par un seul exemple le caractère ubuesque de cette situation. J'ai acheté hier à l'hypermarché de Longuenesse une barquette de quasi de veau à 119 francs le kilo, alors que les éleveurs de ma région me faisaient constater la veille avec amertume et indignation qu'ils avaient bien du mal à vendre leurs bêtes à 10 francs le kilo. Cherchez l'erreur ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. Edouard Landrain. Très juste !
M. Michel Lefait. Face à l'urgence que requiert la gravité de cette situation, monsieur le ministre, la question que je souhaite vous poser est double.
Premièrement, dans l'immédiat, quelle attitude le Gouvernement compte-t-il adopter par rapport à la demande de la profession de mise en oeuvre du programme Hérode prévoyant le retrait des veaux de moins de vingt jours afin d'enrayer la chute des cours et d'assainir le marché ?
Deuxièmement, dans un souci de moralisation, de transparence et de vérité sur le comportement de certains intervenants économiques, entre le producteur et le consommateur, avez-vous l'intention de rapidement mettre en place l'observatoire permanent des prix et des marges de la filière bovine que les usagers et la profession appellent de leurs voeux depuis longtemps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, la situation de la filière bovine continue de préoccuper très sérieusement le Gouvernement... (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est une réalité objective. La situation reste, pour les éleveurs, très douloureuse et économiquement et socialement très difficile.
Certes, les choses se sont améliorées sur plusieurs plans. La consommation des ménages notamment est presque revenue à son niveau d'avant la crise. Mais nous avons beaucoup de progrès à faire pour ce qui touche à la restauration hors domicile et à l'exportation ; nous avons à reconquérir des débouchés. Nous nous retrouvons de ce fait avec des dizaines, voire des centaines de milliers de bêtes sur pied dans les champs qui, aujourd'hui, pèsent sur les marchés.
M. Jean-Pierre Soisson. Il se passera quelque chose avant la fin de l'année !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Si rien n'est fait dans les semaines ou les mois qui viennent, cela peut durer encore des mois. Aussi y travaillons-nous au quotidien avec les intervenants de la filière bovine. Nous avons eu ce matin même une longue réunion de travail et nous nous revoyons la semaine prochaine : nous sommes, si j'ose dire, dans une logique de cogestion de la crise.
Cela dit, soyons clairs : ce n'est pas le Gouvernement qui fixe les prix des viandes dans les supermarchés. Ce que le Gouvernement peut faire, et il l'a fait, c'est mettre en place un observatoire des prix et des marges dans la filière bovine pour assurer un peu de transparence. Je l'avais promis le 6 septembre ; cela a été chose faite.
Ce n'est pas davantage le Gouvernement qui répond aux appels d'offres de la Commission européenne pour les dégagements de marchés. Ce que peut faire le Gouvernement, et il l'a fait, c'est taper sur la table lorsque certaines réponses aux appels d'offres s'apparentent à du sabotage, dans l'objectif d'être sûr que l'on ne soit pas retenu et qu'il n'y ait pas de dégagements de marchés. Nous avons réagi, et cela a marché ! Dès la semaine suivante, les dégagements de marchés ont repris, et à un bon rythme.
Ce n'est pas non plus le Gouvernement qui va acheter de la viande bovine en Allemagne. Ce qu'il peut faire, et la représentation nationale elle-même peut l'y aider, c'est inciter toutes les restaurations collectives, y compris vos cantines, mesdames, messieurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), y compris celles de l'Etat, sans « truander » ni sans casser les appels d'offres,...
M. Lucien Degauchy. Ben voyons !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. ... à faire preuve de ce que le Premier ministre appelle le patriotisme économique, à réagir à la crise en manifestant par ses achats un minimum de solidarité à l'égard des éleveurs bovins.
Reste le problème de la prime Hérode et de l'abattage des petits veaux. Sur ce point également, je tiens à être très clair.
Cette revendication est mise en avant çà et là par des éleveurs et des professionnels. Mais croyez-vous sérieusement que l'instauration d'un dispositif de destruction de dizaines de milliers de petits veaux, au moment même où nous essayons de reconquérir la confiance et de relancer la consommation de viande bovine, soit une bonne chose en termes d'impact dans l'opinion publique ?
M. Jean Auclair. Le problème, c'est de savoir ce qu'on fait avec les vaches !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Je veux vous mettre en garde sur cet aspect. Ajoutons que les effets d'une telle mesure sur le marché ne se produiront pas aujourd'hui, mais au plus tôt dans dix-huit mois, alors que c'est maintenant qu'il faut faire les dégagements de marchés.
Je suis prêt à étudier toutes les mesures, et nous le faisons avec les professionnels, pour peu qu'elles soient rapidement opérationnelles et efficaces. Quoi qu'il en soit, je peux vous assurer que cette concertation se poursuit et que nous n'hésiterons pas à prendre les mesures nécessaires pour améliorer la situation dans les jours qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Avant de suspendre la séance, je tiens à retenir un bref instant votre attention pour accomplir un agréable - et exceptionnel - devoir. Il y a deux jours, notre doyen, Charles Ehrmann, fêtait ses quatre-vingt-dix ans. Je souhaitais lui adresser nos plus vives félicitations, en mon nom personnel et au nom de la représentation nationale. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. Charles Ehrmann. Merci, monsieur le président !

Données clés

Auteur : M. Michel Lefait

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Agroalimentaire

Ministère interrogé : agriculture et pêche

Ministère répondant : agriculture et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 octobre 2001

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