machines et équipements
Question de :
M. Philippe Duron
Calvados (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 24 octobre 2001
M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Philippe Duron.
M. Philippe Duron. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, c'est au nom des députés socialistes du Calvados, Yvette Roudy, Laurence Dumont et Louis Mexandeau, ainsi que de notre collègue RCV Alain Tourret, que je vais poser ma question.
Une décision de justice a scellé l'avenir du groupe Moulinex.
Fragilisé par vingt années d'erreurs et de difficultés, handicapé par de trop nombreux changements de dirigeants, abandonné par son actionnaire majoritaire, étranglé par les banques, ce groupe privé, en faveur duquel l'Etat est déjà intervenu à de nombreuses reprises, n'a échappé que de peu à la liquidation totale.
La reprise par SEB, son concurrent historique, est cependant vécue comme un jour funeste par la Basse-Normandie et, plus encore, par le Calvados, qui subissent de plein fouet la fermeture des sites les plus importants : Alençon, Cormelles-le-Royal, Falaise et Bayeux.
Dans quelques jours, près de 3 140 salariés recevront leur lettre de licenciement. Le choc est rude, l'amertume, l'angoisse, voire le désespoir étreignent les ouvrières et les ouvriers qui, pour beaucoup, travaillent depuis plus de trente ans dans les usines Moulinex.
Le choc est rude aussi pour les villes pour lesquelles la taxe professionnelle de Moulinex représentait une recette essentielle. A Falaise, c'est 43 % de la recette issue de la taxe professionnelle qui disparaît ; à Bayeux, c'est le quart de cette ressource.
Nous sommes en présence d'un des plus grands sinistres industriels des dernières années. C'est toute une région qui est aujourd'hui affaiblie. C'est toute une région qui s'inquiète pour son avenir, d'autant que d'autres fermetures d'entreprises sont effectives ou annoncées : Valeo, Isoroy, Eurocel, sans parler des sous-traitants de Moulinex, dont quatre ont déjà déposé leur bilan.
Aujourd'hui, madame la ministre, nos premières préoccupations sont pour les salariés du groupe Moulinex.
Dans une interview accordée au journal Ouest-France le 27 septembre dernier, le Premier ministre avait indiqué que le Gouvernement se préoccuperait du sort de chacun d'entre eux.
En un temps où le Gouvernement et la majorité s'apprêtent, avec le projet de loi de modernisation sociale, à renforcer le droit des salariés et la responsabilité des chefs d'entreprise pour favoriser le reclassement, la formation et la revitalisation des territoires (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République),...
M. le président. Monsieur Duron...
M. Philippe Duron. ... pouvez-vous nous préciser les moyens que le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre pour redonner des perspectives à chaque salarié, pour favoriser la réindustrialisation des bassins d'emplois touchés par ces fermetures d'usines et pour renforcer la compétitivité de la Basse-Normandie ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. Monsieur Duron...
M. Philippe Duron. J'ai presque fini monsieur le président.
M. le président. Venez-en rapidement au terme de votre propos !
M. Philippe Duron. Madame la ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la méthode et le calendrier que le Gouvernement entend se donner afin de répondre efficacement au séisme que vient de connaître notre région et faire jouer pleinement la solidarité nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Duron, les salariés de Moulinex ont beaucoup souffert depuis dix ans. Une nouvelle crise très grave les frappe aujourd'hui.
Quatre usines vont fermer : trois dans votre département du Calvados, à Falaise, à Bayeux et à Cormelles et une dans l'Orne, à Alençon.
Vous vous êtes fait le porte-parole des députés du Calvados. Je vous ai reçu la semaine dernière.
Il s'agit non seulement d'un drame personnel pour les salariés - certains ont déjà été frappés par plusieurs plans de restructuration -, mais aussi d'une catastrophe économique pour la région de Basse-Normandie.
Le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts depuis le dépôt de bilan du groupe Moulinex à la suite de la défection de son actionnaire.
M. René André. C'est plutôt le Gouvernement qui devrait déposer son bilan !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement a tout fait pour éviter la liquidation totale du groupe, qui aurait conduit au chômage de 10 000 personnes. Il a permis et favorisé la reprise industrielle du groupe Brandt, qui peut poursuivre maintenant ses activités, et a tenté de faire émerger une solution pour Moulinex.
Concernant Moulinex, une décision a été prise par le tribunal de commerce. C'est à partir de cette décision que le Gouvernement doit agir pour permettre que s'opère une mobilisation générale et que s'exerce la solidarité nationale en faveur de chaque salarié de Moulinex.
M. Lucien Degauchy. Baratin !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous prenons aujourd'hui deux engagements forts devant vous.
D'une part, nous ferons un effort analogue à celui qui a été consenti pour les Chantiers du Havre, lorsqu'ils ont été en crise en 1998. D'autre part, nous chercherons une solution pour chacun et chacune des 3 140 salariés concernés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Pour ce faire, nous allons déployer des moyens exceptionnels.
D'abord, au sein d'une cellule de crise, constituée au niveau national (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), mes services, avec l'ensemble du service public de l'emploi, s'engageront pour mobiliser l'ensemble des aides à notre disposition (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs), qu'il s'agisse de l'ANPE, de l'UNEDIC ou des fonds publics. (« Baratin ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Nous allons en outre mettre en place auprès du préfet de région de Basse-Normandie une cellule de crise (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), dirigée par M. Michel Bove, qui a déjà réussi la reconversion des Chantiers du Havre. Nous lui avons fixé comme objectif la réalisation des deux engagements que j'ai pris devant vous.
M. Claude Goasguen. Baratin !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous allons rechercher des solutions individuelles, avec des moyens humains : perspectives de reclassement, créations d'entreprise, mesures de départ en préretraite, solutions de reconversion industrielle pour les sites touchés. Laurent Fabius ou Christian Pierret pourront vous en dire davantage sur ce second volet.
Vous le voyez, le Gouvernement se mobilise. Il continuera de le faire en associant les élus et les organisations syndicales et professionnelles afin d'agir avec l'ensemble des acteurs concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Philippe Duron
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 octobre 2001