Afghanistan
Question de :
M. Noël Mamère
Gironde (3e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 25 octobre 2001
M. le président. Pour le groupe Radical, Citoyen et Vert, la parole est à M. Noël Mamère. (« Irrévocable ! Irrévocable ! » sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues !
M. Noël Mamère. Je peux répondre à mes collègues.
M. le président. M. Mamère n'a rien dit et vous commencez à protester ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Noël Mamère. Je m'aperçois avec soulagement que le ridicule ne tue pas. (Rires et applaudissements sur les mêmes bancs.) Mais je savais déjà depuis longtemps que si le ridicule devait tuer, nous serions de nombreuses victimes sur ces bancs. (Sourires sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Elle porte sur un sujet qui nous préoccupe tous, bien qu'éloigné géographiquement, je veux parler de l'opération « Liberté immuable », qui a déjà commencé depuis plusieurs semaines.
M. Yves Fromion. De manière « irrévocable » !
M. Noël Mamère. Les bombardements sur des villes comme Kaboul, Herat, Mazar-e-Charif, non seulement font des victimes, mais provoquent des dégâts collatéraux dont on ne connaît pas bien l'importance.
Encore une fois, c'est la population qui est la première victime de cette terrible guerre. Des femmes, des enfants, des vieillards sont jetés sur les routes et sont, pour la plupart d'entre eux, bloqués par l'armée pakistanaise, notamment au poste frontière de Chaman.
Le peuple afghan a vécu le pire sous la dictature intégriste des talibans. Il a vécu aussi la sécheresse. Et aujourd'hui, tandis que l'hiver s'approche, des milliers de réfugiés s'entassent dans des camps à Peshawar ou à Quetta au Pakistan.
La France, pour sa part, a indiqué, dès le 1er octobre, qu'elle comptait mettre en place un plan appelé « opération Afghanistan ». Le 17 octobre, l'Union européenne a donné quelques orientations sur l'aide qui pourrait être apportée aux réfugiés afghans.
L'engrenage - comme l'a très bien dit ici M. le Premier ministre - s'est mis en marche et on ne pourra certainement pas l'arrêter.
M. Pierre Lellouche. Qui a commencé, monsieur Mamère ?
M. Noël Mamère. Monsieur le ministre des affaires étrangères, que compte faire la France pour apporter une aide d'urgence aux 15 000 réfugiés qui sont bloqués par l'armée pakistanaise ? Que compte faire la France pour répondre aux appels du Haut Commissariat aux réfugiés, qui n'arrive plus à gérer ces réfugiés ?
M. Yves Fromion. On va envoyer Mamère !
M. Noël Mamère. Enfin, la France compte-t-elle lancer un appel à la communauté internationale pour apporter une aide durable, plus sérieuse que l'opération militaro-humanitaire des Américains, qui se contentent de lancer des colis à des personnes déjà affamées qui, de toute façon, n'en profiteront pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, je voudrais d'abord rappeler la situation de ce pays, qui compte moins de 25 millions d'habitants.
Depuis des années - et ce n'est pas du fait des actions en cours qui sont légitimes, indispensables et ciblées,...
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. le ministre des affaires étrangères. ... et que nous avons tous approuvées, car, même si c'est pénible, il faut le faire - on compte près de 4 millions de réfugiés afghans en Iran et au Pakistan et un petit peu en Asie centrale. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
A l'intérieur de l'Afghanistan, du fait des guerres antérieures et parce que la sécheresse a complètement détruit l'agriculture de ce pays, près de 8 millions d'Afghans avaient besoin d'aide. Depuis les événements récents, dans lesquels les actions militaires n'entrent que pour une petite part, environ un million supplémentaire d'Afghans se sont déplacés.
C'est donc un peuple totalement déstabilisé, victime de tous les événements qui se sont accumulés depuis vingt ans. Voilà le contexte. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Le 6 octobre, les pays donateurs ont décidé tous ensemble de donner 700 millions de dollars supplémentaires pour l'aide aux Afghans. L'urgence est là. En quantité, l'aide est à peine suffisante et puis il y a un vrai problème d'acheminement. Aujourd'hui, on peut aider les réfugiés dans les camps situés dans les pays périphériques. Mais les Américains eux-mêmes reconnaissent que la solution des parachutages, qui a provoqué des polémiques inutiles, n'est pas la bonne solution. Hormis le CICR, qui arrive à aller jusqu'aux villes de Kaboul, d'Herat et de Mazar-e-Charif, on ne peut pénétrer plus profondément dans le pays et ce sera le cas tant que ce pays n'aura pas été arraché aux griffes des talibans, comme nous le disons depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous étions quelques-uns à le dire depuis longtemps, avant même le 11 septembre.
Il y a un problème de quantité, un problème d'approvisionnement, un problème de logistique et un problème d'accès aux populations.
L'aide française, nous l'avons réaffirmé il y a quelques jours, se monte à 208 millions de francs à titre bilatéral, auxquels s'ajoutent 64 millions pour le programme ECHO. Notre aide est relayée par de nombreuses ONG françaises, dont je salue le travail, notamment dans les pays périphériques ; elle passe également par l'ONU et par le CICR.
Je voudrais dire enfin que notre préoccupation ne se borne pas, même si c'est très important, à l'aide humanitaire d'urgence, car, comme le précise le plan pour l'Afghanistan que nous avons présenté il y a quelques jours, nous tenons à bien distinguer l'action humanitaire du processus politique. Dans quelque temps, il faudra s'intéresser non pas à la reconstruction de l'Afghanistan - le « re », malheureusement, est de trop - mais à la construction d'un pays moderne, notamment grâce à un plan agricole de grande envergure et un immense plan de déminage.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le ministre des affaires étrangères. Faute de quoi, les réfugiés ne reviendront pas dans leur village et ils ne pourront pas relancer l'agriculture de ce pays, qui est totalement détruite.
Il nous faut déjà penser à ce devenir, et là, l'Europe aura un grand rôle à jouer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Noël Mamère
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 octobre 2001