perspectives
Question de :
M. Pierre Méhaignerie
Ille-et-Vilaine (5e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 15 novembre 2001
M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour le groupe UDF.
M. Pierre Méhaignerie. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Il est des moments où la situation internationale et la situation économique exigent de rassembler plutôt que de diviser.
Alors que les entreprises doivent aujourd'hui faire face au ralentissement économique actuel, aux 35 heures, vous allez encore ajouter dans le projet de loi dit « de modernisation sociale » un dispositif qui n'a fait l'objet d'aucune négociation entre les partenaires sociaux, si ce n'est un accord personnel entre vous, monsieur le Premier ministre, et M. Robert Hue. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lucien Degauchy. C'est ça la démocratie !
M. Pierre Méhaignerie. Pour un grand nombre d'observateurs, ce dispositif va accroître l'insécurité juridique des entreprises.
Agir avec retard dans l'adaptation des entreprises, c'est, hélas ! risquer d'aggraver à terme le nombre de licenciements et, en même temps, de décourager l'embauche ou de développer l'intérim.
Votre propre ministre de l'économie s'interrogeait il y a quelques semaines sur l'adaptation d'une nouvelle réglementation aux nécessités d'une économie moderne, qui, dans l'intérêt des salariés, doit être, disait-il, rapide et réactive.
Votre circulaire datée du 26 janvier 1998 prévoit que les projets de loi doivent être accompagnés d'une étude d'impact et de simulations. Disposerons-nous de cette étude avant le vote de ce texte ?
Par ailleurs, de très nombreuses entreprises qui sont à l'origine de la création de dizaines de milliers d'emplois ces dernières années vous ont lancé un appel et évoqué les risques graves qu'un tel dispositif ferait peser sur la croissance. Accepterez-vous de discuter avec eux et qu'allez-vous leur répondre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, nous devons veiller au développement de l'appareil productif français, à la performance de nos entreprises, et, en même temps, faire en sorte que leurs résultats profitent aux hommes et aux femmes qui y travaillent, contribuent à leur prospérité et à celle du pays lui-même.
C'est pourquoi, depuis quatre ans et demi, le Gouvernement a constamment veillé à faire avancer ensemble la recherche de la croissance maximum et le progrès social (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste),...
M. Richard Cazenave. Moulinex !
M. le Premier ministre. ... ce qui est à mon sens la finalité de toute communauté humaine, en particulier d'une communauté nationale. Telle est en tout cas l'inspiration qui a guidé l'action de Gouvernement depuis quatre ans et demi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous évoquez l'entreprise Moulinex ! On voit bien, justement, que l'on ne peut pas séparer prospérité économique et droits sociaux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. Francis Delattre. Et Vilvorde ?
M. le Premier ministre. Depuis quatre ans et demi, jusqu'au retournement massif de conjoncture qui s'est opéré à l'échelle internationale, la France s'est plutôt bien portée de la politique économique que nous avons conduite (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) : la croissance a été plus forte qu'ailleurs, le chômage a baissé fortement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lucien Degauchy. Quand ça va bien, c'est grâce à vous. Sinon, c'est la faute des autres !
M. le Premier ministre. Ces performances économiques globales, qui n'ont pas interdit à nos entreprises de faire des profits et d'être efficaces, ont en même temps été accompagnées de grandes réformes sociales comme les 35 heures ou les emplois jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Nous avons également su opérer à l'échelle européenne des restructurations industrielles prometteuses, comme la construction du grand groupe aéronautique et spatial EADS, ou le redressement de Thomson (« Un franc ! » sur plusieurs bancs du groupe socialite), devenu ensuite Thales, alors qu'on connaissait sa situation antérieure.
Quant à Air France, alors que des compagnies aériennes européennes sont menacées de faillite et de disparition, et je ne m'en réjouis pas, notre entreprise, restée publique mais ouverte en même temps au capital privé, résiste bien dans la bourrasque aéronautique d'aujourd'hui.
Au moment même où la croissance économique mondiale se retourne par l'effet de la stagnation économique aux Etats-Unis,...
M. Pierre Lellouche. Là, ce n'est plus votre faute !
M. le Premier ministre. ... par l'effet de la crise structurelle au Japon,...
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Ce n'est pas la question !
M. le Premier ministre. ... par l'effet sur la psychologie des acteurs des événements tragiques du 11 septembre, on constate qu'après avoir eu une croissance plus forte en période d'expansion, nous avons une réduction moins forte en période de ralentissement économique mondial. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
En même temps, quand se produisent des licenciements chez Moulinex, groupe privé, ou chez Marks & Spencer, quand il y a des menaces de licenciement dans tel ou tel groupe privé quand n'est pas réglée, par exemple, la question cruciale, pour un grand secteur de la création, des intermittents du spectacle (Murmures sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ce n'est pas vers les entreprises ou les partenaires sociaux qu'on se tourne, mais vers le Gouvernement. C'est le pouvoir politique qu'on interpelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
On ne doit donc pas s'occuper d'économie sans considération sociale ou rechercher le progrès social sans tenir compte des contraintes économiques.
M. Richard Cazenave. Personne ne fait ça !
M. Patrick Devedjian. Ce n'est pas la question !
M. le Premier ministre. Nous essayons de tenir compte de ces deux réalités, et c'est ce que nous faisons dans le projet de loi de modernisation sociale. Il vise, pour l'essentiel, à dire aux chefs d'entreprise que nous les aidons dans leur action, mais qu'ils doivent prendre en considération les revendicatons de leurs salariés en matière de revenus et de stabilité de l'emploi parce que, quand l'angoisse du chômage frappe, c'est toute l'économie qui est ébranlée.
M. Pierre Lellouche. L'intermittent, c'est vous !
M. le Premier ministre. C'est pourquoi je suis heureux qu'en quatre ans et demi, nous ayons créé ensemble 1,5 million d'emploi et fait baisser le nombre de chômeurs de près d'un million. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur de nombreux bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)
Auteur : M. Pierre Méhaignerie
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2001