Question au Gouvernement n° 3089 :
protection

11e Législature

Question de : M. Alain Vidalies
Landes (1re circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 21 novembre 2001

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.
M. Alain Vidalies. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la justice.
En cette journée des droits de l'enfant, je souhaite évoquer le scandale que constituent les violences sexuelles faites aux mineurs, et plus particulièrement un phénomène qui tend à s'aggraver, la prostitution d'enfants et d'adolescents.
L'UNICEF estime le nombre de jeunes prostitués à plusieurs milliers aujourd'hui en France. Il existe malheureusement une demande, que les réseaux mafieux stimulent en contraignant par la force des mineurs, la plupart du temps étrangers, à vendre leur corps.
La mission d'information sur les diverses formes d'esclavage moderne, présidée par Christine Lazerges, dont je suis le rapporteur, a recueilli suffisamment de témoignages pour établir que l'avilissement et l'exploitation de ces jeunes imposent des réponses urgentes.
Les trottoirs de Paris ou de certaines villes ressemblent trop aujourd'hui à ceux de Manille, qui révoltaient autrefois les bonnes consciences.
Le droit punit très sévèrement les proxénètes d'enfants. La priorité demeure l'action de démantèlement des réseaux proxénètes.
Mais devant le caractère intolérable de cette situation, il est manifestement temps de poursuivre les clients qui satisfont leurs pulsions en avilissant des enfants et des adolescents. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Or notre code pénal, en fixant une majorité sexuelle à quinze ans, ne donne pas à la police et à la gendarmerie les instruments qui leur permettraient de protéger les victimes que sont ces jeunes prostitués et d'éradiquer un phénomène qui est une honte pour notre société.
Mme Bernadette Isaac-Sibille. Tout à fait !
M. Alain Vidalies. Il n'est évidemment pas question de remettre en cause notre droit sur la liberté des relations sexuelles entre personnes consentantes, mais ce principe ne peut continuer de servir de prétexte à des pratiques relevant à l'évidence d'un esclavage qui n'a d'ailleurs rien de moderne.
Madame la ministre, le Premier ministre, lors des états généraux de la protection de l'enfance, a annoncé une initiative du Gouvernement sur ce sujet. Pouvez-vous nous en donner les détails et nous préciser le calendrier de sa mise en oeuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Verts ainsi que sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que la prostitution est l'une des formes les plus abominables de l'esclavage moderne. Cet avilissement génère aussi parfois la haine, la vengeance, les crimes, la violence, la délinquance, et vous avez aussi raison de parler de prévention en ce jour de la protection des enfants.
Ségolène Royal est aujourd'hui à Budapest. Elle apporte vos témoignages et les résultats du travail que vous menez avec Christine Lazerges, pour que l'on puisse enfin parler au niveau mondial de la protection des enfants contre le commerce terrible de leur prostitution.
C'est vrai qu'en France le nombre de condamnations pour proxénétisme aggravé augmente depuis 1999, et je tiens, monsieur le ministre de l'intérieur, monsieur le ministre de la défense, à remercier les policiers et gendarmes qui agissent en ce sens. On l'oublie trop souvent, parce que cela se fait sans bruit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert ainsi que sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Ces arrestations nombreuses ont malheureusement conduit certains réseaux organisés à installer leurs têtes de pont à l'extérieur de nos frontières. C'est pourquoi nous devons travailler étroitement avec nos collègues européens pour réussir.
Pour commencer, il est hors de question de continuer à supporter qu'une pratique que nous condamnons dans le monde, ce que nous appelons pudiquement mais terriblement le tourisme sexuel, ait lieu sur nos trottoirs. C'est pourquoi le Premier ministre a souhaité qu'au moment où Ségolène Royal défendra le texte sur l'autorité parentale au Sénat, je demande aux sénateurs, puis à vous, de modifier le code pénal pour accroître les peines. Il est absolument anormal, en effet, que la prostitution soit moins grave quand il s'agit d'un jeune entre quinze et dix-huit ans. Nous ne devons pas attendre que les faits soient démontrés pour agir. Il suffira que quelqu'un soit pris en flagrant délit de discussion de prix pour des relations sexuelles pour être condamné.
Mme Brigitte Douay. Très bien !
Mme la garde des sceaux. C'est la plus grande avancée de ce texte, et c'est à l'honneur des parlementaires.
Le nouveau texte réprimera le recours à la prostitution des mineurs âgés de quinze à dix-huit ans et le punira de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. La procédure pénale propre à la recherche des faits de proxénétisme, notamment la possibilité de perquisitionner de nuit, s'appliquera aussi à cette nouvelle incrimination. C'est l'honneur de notre pays d'avoir un tel texte, mais aussi de porter haut et fort une demande européenne et mondiale pour que s'arrête cet esclavage humain. Christine Lazerges et vous-même, monsieur Vidalies, allez nous aider à l'encadrer plus fermement par la rédaction d'une circulaire de politique pénale dans les jours qui viennent. Merci d'avoir posé une telle question, qui montre que les mineurs sont aussi des victimes alors qu'ils sont souvent désignés comme des délinquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Alain Vidalies

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 novembre 2001

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