Question au Gouvernement n° 310 :
politique de l'emploi

11e Législature

Question de : M. Jean-Claude Sandrier
Cher (2e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 15 janvier 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
M. Jean-Claude Sandrier. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, vous avez annoncé, il y a quelques semaines, que l'année 1998 se solderait pas la suppression de 450 000 emplois. De la banque au textile, tous les secteurs sont menacés.
Une telle perspective, au moment où les chômeurs expriment avec force et dignité leurs aspirations, au moment où le Gouvernement a engagé de premières mesures pour l'emploi, notamment les emplois-jeunes et les trente-cinq heures, impose une action urgente et déterminée pour mettre un coup d'arrêt aux licenciements et aux suppressions d'emplois envisagés.
Que compte faire le Gouvernement afin que la collectivité nationale n'ait pas à supporter la stratégie de ceux qui sont avant tout guidés par les marchés financiers ?
Autrement dit, quelles mesures compte prendre le Gouvernement, y compris par la voie législative, pour empêcher tout licenciement sans reclassement préalable, et contre les délocalisations, dont le but est d'accroître le rendement des revenus du capital ?
Envisage-t-on certaines mesures, notamment fiscales, pour pénaliser les licenciements et favoriser la création d'emplois ? Et, dans l'urgence, un moratoire sur les licenciements ?
Des mesures devraient également être impulsées au niveau de l'Europe pour supprimer les paradis fiscaux où se réfugie l'argent gagné parfois dans des enfers sociaux et pour taxer les transactions financières.
En clair, quelles dispositions sont envisagées pour désarmer le pouvoir financier qui, en développant chômage et précarité, est en train de déstabiliser la démocratie, en France et ailleurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, j'ai en effet été amenée à dire que le budget du ministère du travail et de l'emploi avait été fondé sur une hypothèse de 450 000 licenciements, chiffre basé sur l'année 1996 et sur la tendance du premier semestre 1997.
Heureusement, même si c'est loin d'être satisfaisant, la tendance, à la fin de l'année 1997, était moins importante et le nombre de licenciements, sera très certainement, pour 1997, de 400 000.
J'espère que la baisse des licenciements se poursuivra; elle était de 17 % en décembre, par exemple, par rapport au chiffre enregistré en décembre de l'année précédente.
Mais 400 000, c'est trop, et c'est beaucoup trop, comme vous l'avez dit, surtout dans des secteurs et dans des régions déjà fortement touchés par le chômage.
Je voudrais donc vous rappeler que dès l'arrivée du Gouvernement, j'ai été amenée, dans le sens de ce que vous avez dit, à demander aux préfets d'être extrêmement vigilants en matière de licenciements économiques.
Ce n'est pas à la collectivité nationale de financer, par des préretraites et par des aides diverses, des licenciements lorsqu'ils résultent d'une non-anticipation des évolutions économiques, de l'organisation du travail, de la pyramide des âges, et lorsqu'ils interviennent dans des grandes entreprises dont les résultats sont, par ailleurs, importants.
C'est la raison pour laquelle, dans la directive, qui a été adressée aux préfets et aux directeurs départementaux du travail, il leur a été demandé d'anticiper sur les évolutions, par la gestion prévisionnelle, par toutes les mesures permettant aux salariés de s'adapter, par la réduction de la durée du travail. Et permettez-moi de vous dire, mesdames, messieurs les députés, que la prochaine loi que, j'espère, nous allons voter tous ensemble...
Mme Odette Grzegrzulka et M. Jean Glavany. Oui !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... devrait permettre d'éviter des licenciements; la réduction de la durée du travail devrait empêcher que certains ne se retrouvent dehors.
Ces mesures sont déjà en place. Elles permettront aux grandes entreprises de contribuer bien davantage que par le passé au coût des licenciements, lorsqu'ils ne peuvent être évités.
Mais il faut aller plus loin, vous l'avez dit, monsieur le député. Il nous faut travailler sur des procédures de licenciement qui prennent en compte l'ensemble de la gestion prévisionnelle des emplois. Comment mieux prévenir l'avenir ? Comment mieux prévoir les métiers de demain ? Comment y préparer individuellement et collectivement les salariés ? C'est la grande réforme de la formation permanente que nous devons mettre en place.
Je l'ai déjà dit devant vous, nous devons à la fois accorder des garanties aux salariés et limiter l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent les entreprises.
Nous sommes en train de travailler, peut-être d'ailleurs en innovant, pour les petites et moyennes entreprises; des solutions locales interentreprises devraient permettre de trouver des moyens de reclassement pour les salariés.
Je ne reviens pas sur l'ensemble des mesures que le Gouvernement a prises depuis son arrivée pour faire en sorte que l'emploi soit la priorité n° 1: relance de la croissance, qui explique d'ailleurs la baisse actuelle - toute relative, j'en conviens - des licenciements, relance par les nouveaux emplois, réduction de la durée du travail, aide aux plus défavorisés, aides d'urgence à ceux qui souffrent le plus - tout ce que le Premier ministre a annoncé dès vendredi dernier.
C'est autour de l'ensemble de ces mesures que nous arriverons à réduire les licenciements en France et à aider ceux qui en souffrent le plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Sandrier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Emploi

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 janvier 1998

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