chômeurs
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 21 janvier 1998
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Monsieur le Premier ministre, depuis son installation, le Gouvernement a axé sa politique autour de la lutte contre le chômage. (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Louis de Broissia. C'est la méthode Coué !
M. Jean-Marc Ayrault. Les mouvements de chômeurs ont rappelé un nombre de situations de détresse, matérielle et morale, dont la cause principale est le chômage de longue durée.
Vous avez, monsieur le Premier ministre, annoncé la semaine dernière un certain nombre de mesures significatives. En particulier, le fonds d'urgence, doté de un milliard de francs, a été mis en place. Dans tous les départements, les services de l'Etat, en liaison avec les collectivités locales et leurs services les plus qualifiés, tels les centres communaux d'action sociale, se sont immédiatement mis au travail dès le début de cette semaine et traitent d'ores et déjà de très nombreux dossiers.
Par ailleurs, concernant la lutte contre toutes les exclusions, vous avez confié une mission à Mme Join-Lambert qui a commencé ses consultations.
Nos concitoyens ressentent, pour eux et pour leurs proches, l'angoisse du chômage. Ils sont sensibles à ce qu'expriment de douleur et de colère les mouvements de chômeurs. En même temps, ils savent que tout n'est pas possible tout de suite et à n'importe quelles conditions. Ils attendent donc un message de confiance et d'espoir.
Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, comment le Gouvernement entend-il prolonger son action contre le chômage et ses conséquences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le président du groupe socialiste,...
M. Francis Delattre. Un bon groupe !
M. le Premier ministre. ... les événements récents, les mouvements d'occupation, la mobilisation de chômeurs et de militants, quelles qu'en soient l'importance et la forme, ont rappelé à nouveau à l'ensemble des Français que le chômage était la question centrale de notre société.
M. Francis Delattre. Y compris au Gouvernement !
M. le Premier ministre. C'est précisément au coeur de sa politique que le Gouvernement a placé la lutte contre le chômage et son action pour l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Je souhaite que, au-delà de l'Etat, l'ensemble des acteurs de la société, les entreprises, les partenaires sociaux et nos concitoyens se sentent aussi interpellés et mis en mouvement par les événements récents.
Quelle est l'attitude du Gouvernement ? («Mauvaise» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Michel Ferrand. La matraque !
M. le Premier ministre. Il fallait d'abord répondre de manière urgente aux situations qui étaient révélées. Nous l'avons fait. Je rappelle que, à partir d'un mouvement qui posait la question non pas des minimas sociaux en général mais d'une prime de Noël pour faire face aux situations de détresse, nous avons débloqué un milliard de francs pour les missions d'urgence dans les départements, milliard de francs qui se trouvera relayé par l'action des collectivités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupedu Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Nous avons dialogué, malgré les obstacles et les hésitations de certaines forces sociales, avec des associations de chômeurs.
M. Jean Bardet. Avec Robert !
M. le Premier ministre. Nous allons veiller à ce que les coupures d'eau, d'électricité, de gaz ne puissent plus se produire. Les décisions, pour ce qui nous concerne, ou les contacts, quand d'autres entreprises sont concernées, ont été établis à cet égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Les expulsions ne sont pas possibles dans cette période de l'année, mais nous travaillons pour que, à la fin de l'hiver, soit substituée à une démarche fondée essentiellement - on le comprend - sur des préoccupations d'ordre public une démarche sociale et de prévention. Déjà, au mois d'octobre 1997, une circulaire de Jean-Pierre Chevènement et de Louis Besson a prévu que les préfets pouvaient, lorsqu'ils étaient saisis, prendre en compte les situations sociales pour intervenir. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Lucien Degauchy. Baratin !
M. le Premier ministre. Dans la loi sur l'exclusion, qui sera discutée au Parlement, il est envisagé que, si une procédure de justice est déclenchée, le préfet doit être saisi afin qu'il puisse examiner l'aspect social...
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le Premier ministre. ... et répondre aux préoccupations des bailleurs en utilisant le fonds de solidarité logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Il faut aussi répondre à ce que révèle cette situation d'urgence.
Peut-on le faire en relevant tous les minima sociaux de 1 500 francs par mois ?
M. Guy Teissier. Peut-il le faire ?
M. le Premier ministre. Les Français savent que tout n'est pas possible tout de suite. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Relever de 1 500 francs par mois les minima sociaux pour 3,3 millions de familles représenterait un coût immédiat de 60 milliards de francs. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. François d'Aubert et M. Pierre Lellouche. Et alors ?
M. Jean-Michel Ferrand. Il est encore plus mauvais que la semaine dernière !
M. le Premier ministre. Accorder un revenu minimum aux jeunes de moins de vingt-cinq ans signifierait un coût immédiat de 10 milliards de francs. Nous ne pouvons pas alourdir le déficit budgétaire de 70 milliards de francs ! Nous ne pouvons pas demander aux Français de supporter des impôts supplémentaires de 70 milliards de francs ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Michel Ferrand. Ca sent la fin de règne !
M. le Premier ministre. En outre, mesdames, messieurs les députés, le problème n'est pas que budgétaire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Il faut savoir que si nous augmentions de 70 % les minima sociaux, c'est tout le problème des relations entre ceux qui vivent, parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement, des allocations allouées...
M. Jean-Michel Ferrand. Alors, Robert, qu'est-ce que tu fais ?
M. le Premier ministre. ... et ceux qui sont payés au SMIC, qui se trouverait posé au point de dérégler l'ensemble des relations sociales et des rapports au travail. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Si nous augmentions le RMI de 70 % pour des couples sans ou avec enfants, ce serait un revenu supérieur au SMIC, c'est-à-dire supérieur à ce que gagne un homme ou une femme qui va au travail chaque matin. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Or le travail est, pour nous, au coeur du lien social. Nous ne voulons pas une société d'assistance, mais une société fondée sur le travail et l'activité productrice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Nous avons déjà engagé l'action pour que, au-delà des minima sociaux, il soit répondu à la question du logement par l'augmentation de l'allocation logement («Très bien !» sur les bancs du groupe socialiste), qu'il soit répondu à la question de l'école en permettant aux enfants de revenir à la cantine...
M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
M. Jean-Michel Ferrand. Et d'apprendre l'histoire !
M. le Premier ministre. ... en travaillant pour les zones difficiles.
Nous travaillons également sur les problèmes de santé pour aller vers une couverture universelle permettant l'accès aux soins des plus démunis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
En outre, nous allons - c'est la mission qui a été confiée à Mme Join-Lambert - analyser l'ensemble du dispositif qui lie l'assurance chômage et les minima sociaux.
M. Jean-Michel Ferrand. C'est la fin !
M. le Premier ministre. A l'issue de cette mise à plat de l'ensemble des processus, nous examinerons les réformes qui seront utiles pour chercher, comme une circulaire de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité l'a déjà prévu, à concentrer les dispositifs des contrats emploi-solidarité sur les chômeurs de longue durée, en particulier, sur ceux qui sont au chômage depuis plus de deux ans. Nous ferons cela dans la concertation. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Enfin et surtout, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous allons mener et gagner la bataille pour l'emploi ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Michel Ferrand. Robert, qu'est-ce que tu fais ?
M. le Premier ministre. Nous avons rompu avec le fatalisme de l'ancienne majorité. Nous avons engagé une politique volontariste pour l'emploi: croissance plus forte, inflexion de la politique européenne vers la croissance et l'emploi, emplois-jeunes. Aujourd'hui, 40 000 jeunes ont déjà un emploi-jeune; ils ont été concrètement arrachés à la menace du chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Au cours de l'année 1998, 150 000 emplois-jeunes seront créés: 150 000 jeunes seront ainsi arrachés à l'assistance mais aussi au chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Diminution du temps de travail: un grand débat va s'ouvrir sur les trente-cinq heures, prenant en compte les réalités économiques, mais exerçant un effet de levier sur l'emploi. Nous verrons comment chacun se situera par rapport à ce débat fondamental. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Enfin, aides systématiques à l'esprit d'initiative, à l'esprit d'innovation, en particulier sur les nouvelles technologies en direction des petites et moyennes entreprises.
M. Arnaud Lepercq. Et les chefs d'entreprise ?
M. le Premier ministre. C'est le succès de cette politique conduite dans la durée, dont le cap doit être rappelé, qui fera reculer le chômage et l'exclusion. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Ce cap doit être maintenu, il ne faut pas compromettre son succès.
M. Philippe Martin. Des discours !
M. le Premier ministre. Nous avons été élus voilà sept mois par les Français pour engager et pour gagner la bataille contre le chômage. Nous avons été élus pour davantage de justice sociale. Nous avons commencé à rééquilibrer l'impôt sur le capital et l'impôt sur le travail. Nous allons gagner la bataille pour l'emploi. C'est la raison d'être de cette majorité. C'est le devoir et la responsabilité de ce gouvernement ! (Mmes et MM les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme !
S'il nous reste un peu de temps, le groupe socialiste pourra poser tout à l'heure une autre question.
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Emploi
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 1998