Question au Gouvernement n° 3136 :
tribunaux

11e Législature

Question de : M. Pierre Méhaignerie
Ille-et-Vilaine (5e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 6 décembre 2001

APPLICATION DES 35 HEURES DANS LA JUSTICE

M. le président. Pour le groupe UDF, la parole est à M. Pierre Méhaignerie.
M. Pierre Méhaignerie. Monsieur le Premier ministre, il y a des gouvernements qui utilisent l'article 49-3. Mais il en est d'autres, comme le vôtre, qui retirent systématiquement les projets dès qu'il faut faire preuve de courage pour affronter les réformes difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Alors que tous nos partenaires européens ont engagé ces réformes, le gouvernement français les a systématiquement repoussées à demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Auberger. Les retraites, la réforme de Bercy, l'Europe...
M. Pierre Méhaignerie. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la justice.
L'application obligatoire des 35 heures n'a pas fini de produire ses effets pervers dans tous les services publics, qu'il s'agisse de l'hôpital, de la police, de la gendarmerie ou des prisons, au point d'ailleurs de remettre gravement en cause l'autorité de l'Etat. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Pour la justice, qui doit faire face à la complexité croissante des textes et à la modification incessante des règles, source des principales difficultés actuelles, un nouveau choc se profile à l'horizon 2002 l'application des 35 heures. Déjà, une circulaire de juin 2001 impose aux tribunaux de réduire la durée des horaires des audiences, délibérations comprises, à six heures maximum, alors que beaucoup de tribunaux ont des audiences plus longues. Demain, l'application des 35 heures, en particulier dans les greffes, risque d'entraîner de nouveaux retards et des délais de plus en plus longs.
M. Lucien Degauchy. Et on relâche les gens !
M. Pierre Méhaignerie. Madame la ministre, peut-on demander à la justice tout et son contraire ? Réduire les temps d'audience, mettre en place les 35 heures, appliquer des textes de plus en plus complexes et, en même temps, juger mieux et dans des délais raisonnables ? Voilà la principale source du profond malaise que connaît la justice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Posez votre question, monsieur Méhaignerie.
M. Pierre Méhaignerie. Pour le bon fonctionnement de la justice, n'estimez-vous pas nécessaire, madame la garde des sceaux, de retarder ou de suspendre l'application des 35 heures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le seul texte, à ma connaissance, dont le Gouvernement ait volontairement suspendu l'examen, est celui relatif au mode de scrutin pour les élections européennes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Dans le domaine qui est le mien, un texte - un seul - n'a pas pu aboutir. Il devait être soumis au Congrès mais le Président de la République en a décidé autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Monsieur le député, vous connaissez bien la justice mais je relève une erreur dans les remarques que vous avez faites sur l'application des 35 heures dans ce secteur. La limitation de la durée des audiences, notamment des audiences correctionnelles et de comparution immédiates n'a rien à voir avec les 35 heures. En effet, elle était réclamée bien avant la loi en question, par tous les magistrats, qui estimaient avec raison que ce n'était pas une bonne façon de juger que de commencer à quatorze heures et de finir parfois à vingt-deux ou vingt-trois heures. Depuis que, avec les chefs de juridictions, nous avons limité la durée des audiences, des réorganisations ont pu avoir lieu et je ne crois pas que vous puissiez citer un seul chef de juridiction qui désapprouve cette nouvelle gestion. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Par ailleurs, à l'occasion des entretiens de Vendôme, nous avons beaucoup travaillé sur l'organisation des audiences et sur les relations avec les avocats. Vous le savez, près d'un tiers des affaires appelées en audience sont reportées. La décision étant souvent prédéterminée, il nous a paru important de mieux organiser les audiences, de prévenir toutes les personnes convoquées - victimes, agresseurs, avocats - lorsqu'un report était décidé, pour éviter des déplacements incessants et inutiles.

Enfin, vous avez parlé des 35 heures. Vous le savez, monsieur le député, depuis quatre semaines, nous avons signé des accords avec tout le monde, sauf avec les surveillants de la pénitentiaire. Les personnels se sont battus longtemps pour obtenir des avantages particuliers, compte tenu de la grande complexité de leur organisation de travail. Il est vrai que, dans l'ensemble, ils ne sont pas au même niveau horaire que le reste de la fonction publique. Nous avons toutefois réussi à adapter le système, même si j'entends bien que certains regrettent que les anciens repos compensateurs soient aujourd'hui considérés comme des reports ARTT. En tout cas, un accord a été signé avec l'administration centrale, avec les greffiers et fonctionnaires, avec la protection judiciaire de la jeunesse. Il reste à conclure celui avec les surveillants. Un point est encore en débat : le rappel en cas d'astreinte. Il n'était pas rémunéré depuis des années, ce qui était un problème réel. Le Premier ministre en est convenu avec moi, un effort sur plusieurs années doit être entrepris. Je rappelle d'ailleurs que ce budget, que vous avez sans doute voté avec enthousiasme (Sourires), prévoit 2 800 créations de postes et que ses crédits sont en augmentation de 5,5 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Arnaud Lepercq. Il ne sera pas appliqué !
Mme la garde des sceaux. Je dispose donc d'une large marge de manoeuvre pour appliquer les 35 heures et même pour aller au-delà. Ainsi, alors que l'application des 35 heures dans la pénitentiaire nécessitait la création de 700 postes, nous en créons 1 500. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Briand. Les personnels sont dans la rue !
Mme la garde des sceaux. Pourquoi ? Parce que nous rattrapons le plan pluriannuel que vous n'avez pas pu appliquer du fait du revirement de M. Toubon. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.). Rattraper ce plan a été un véritable tour de force pour Mme Guigou et moi-même, sous l'autorité du Premier ministre. Les 1 200 créations de postes de magistrat annoncées et les 2 400 postes de fonctionnaires supplémentaires sont de nature à éviter tout conflit. C'est d'ailleurs le cas : il n'y a pas de conflit avec les magistrats et les fonctionnaires, monsieur Méhaignerie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Méhaignerie

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 décembre 2001

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