Question au Gouvernement n° 3158 :
institutions communautaires

11e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Chevènement
Territoire-de-Belfort (2e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 13 décembre 2001

SOMMET DE LAEKEN ET CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour le groupe RCV.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le Premier ministre, dans deux jours s'ouvrire le Conseil européen de Laeken. Le moins qu'on puisse dire est que l'Assemblée nationale n'est absolument pas informée des questions qui y seront traitées.
M. Pierre Lellouche. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Chevènement. La présidence belge de l'Union européenne suggère qu'une convention, composée de personnalités non élues, soit mise en place pour élaborer une constitution européenne, comme s'y est engagé le Président de la République dans son discours du Reichstag en mai 2000 et comme le propose d'ailleurs le Parti socialiste dans son programme pour les prochaines élections législatives.
M. René Couanau. Tiens, il a un programme ?
M. Jean-Pierre Chevènement. M. Verhofstadt, le Premier ministre belge, ne pose la question que pour mieux y répondre. La Commission européenne deviendrait l'exécutif de l'Union européenne. Le Conseil européen serait ravalé au rang de deuxième chambre à la compétence mal définie. Le processus de codécision avec le Parlement européen serait généralisé. La politique étrangère et de sécurité serait, quant à elle, absorbée dans le communautaire.
Monsieur le Premier ministre, ce serait, là, un renversement complet du schéma institutionnel qui fonde la légitimité sur la volonté des peuples et l'expression du suffrage universel à travers les gouvernements élus représentés au Conseil européen et au conseil des ministres. Je rappelle que, dans une Europe à vingt-sept, la France disposera d'un commissaire sur vingt-sept et de moins de 10 % des députés au Parlement. La France entend-elle faire entendre sa voix fermement à Laeken et opposer à cette nouvelle offensive fédéraliste la volonté d'affermir le rôle du Conseil en lui donnant un pouvoir d'initiative et en organisant la publicité des débats et des votes ? C'est ainsi seulement, selon moi, que l'on réconciliera l'Europe et la démocratie.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale du contenu précis du mémorandum de M. Verhofstadt ? Pouvez-vous nous dire quelle est la position de la France par rapport à l'idée d'une constitution européenne avancée par le Président de la République et par le Parti socialiste ?
M. Jean-Louis Debré. Posez la question !
M. le président. Voulez-vous conclure, monsieur Chevènement !
M. Jean-Pierre Chevènement. Je conclus.
Y a-t-il à ce stade, monsieur le Premier ministre, une position commune entre le Président de la République et vous-même ? Peut-on affirmer qu'il n'y a pas, entre vous, sur ce sujet comme sur d'autres, l'épaisseur d'une virgule ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Philippe Auberger. Courage, fuyons !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, à l'issue du Conseil européen de Nice, qui a réglé un problème resté pendant à Amsterdam, il a été décidé d'entamer un nouveau processus pour résoudre un certain nombre de difficultés demeurées en suspens. Il a ainsi été décidé, après un large débat démocratique mené avec beaucoup de dynamisme en France sous l'impulsion du Gouvernement, de préparer une conférence intergouvernementale, qui devrait se conclure en 2004, grâce à une méthode originale associant divers représentants, notamment des parlements, au sein d'une convention.
Le Conseil européen de Laeken a lieu vendredi et samedi, c'est-à-dire avant que ne commence ce processus. Nous y débattrons de la méthode, mais pas encore des questions de fond que vous avez posées et qui sont contenues dans les conclusions de Nice. Ces questions sont importantes puisqu'il s'agit de clarifier, au terme du processus, la répartition des compétences entre le niveau européen et le niveau national et, au niveau européen, entre le Conseil, le Parlement et la Commission. Qui doit faire quoi ?
A Laeken, nous déciderons de la méthode, convention ou pas convention, avant la Conférence intergouvernementale. La convention ne prive pas la Conférence intergouvernementale de ses pouvoirs légitimes pour négocier. Elle rassemblerait des représentants des gouvernements, des parlements nationaux, du Parlement européen, de la Commission, ainsi que des représentants des pays candidats. L'accord s'est fait entre les gouvernements des Quinze à ce propos. C'est ainsi que nous allons clarifier les choses.
Pour préparer cette convention, le Premier ministre belge, M. Verhofstadt, a transmis aux gouvernements une première série de questions. Nous avons souhaité que celles-ci soient repensées parce qu'elles nous semblaient trop critiques vis-à-vis de la construction européenne telle qu'elle a été menée depuis cinquante ans. Celle-ci est certes à améliorer mais son bilan est tout de même remarquable. C'est pourquoi nous lui avons demandé de formuler les questions d'une façon qui ne préjuge pas le débat qui aura lieu ultérieurement sur le fond.
M. Lucien Degauchy Prêchi-prêcha !
M. le ministre des affaires étrangères. C'est aux gouvernements qu'il appartiendra de conclure cette négociation en 2004 à l'issue du travail préparatoire et nous avons rappelé que la convention devait préparer des options reprenant l'ensemble des solutions proposées.
Quant à l'idée d'une constitution que vous avez évoquée, vous avez pu constater que le Président de la République, le Premier ministre et d'autres dirigeants européens s'y sont déclarés favorables car elle permettrait sans doute une présentation plus claire des institutions européennes, comme les citoyens européens le demandent. Toutefois, le terme de « constitution » tel qu'il est employé jusqu'à maintenant peut recouvrir des réalités très différentes, des modèles les plus fédéraux aux constructions les plus intergouvernementales. Tout dépendra de son contenu, qui reste à discuter. Le mot ne préjuge donc pas le fond. Or l'essentiel relève du fond, et à chaque étape de la discussion, la France défendra ses intérêts et ses conceptions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Chevènement

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 décembre 2001

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