croissance
Question de :
Mme Anne-Marie Idrac
Yvelines (3e circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 21 janvier 1998
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Idrac.
Mme Anne-Marie Idrac. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Michel Bouvard. S'il est là !
Mme Anne-Marie Idrac. J'espère qu'il voudra bien y répondre au lieu de chercher, comme l'a fait le Premier ministre tout à l'heure, à répondre à une question qu'il se poserait éventuellement à lui-même.
Monsieur le ministre, je vous interrogerai sur les conséquences pour les Français de la crise monétaire asiatique.
Il y a quelques semaines encore, vous nous assuriez qu'elle n'aurait aucun effet sur notre pays. Il semblerait que vous ayez depuis modifié quelque peu votre appréciation... Ma question est donc la suivante: pour respecter malgré tout le niveau de déficit convenu, quelles dispositions allez-vous prendre ? En clair, les Français ont besoin de le savoir, quels impôts allez-vous augmenter, quelles restrictions budgétaires allez-vous appliquer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame le député, j'ai plaisir à répondre à votre question qui me permet, c'était le cas la semaine dernière et la semaine précédente, de tenir l'Assemblée, comme il est normal, au courant de l'évolution de la crise asiatique et du jugement que porte le Gouvernement.
M. Arnaud Lepercq. Tout va très bien, madame la marquise !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette crise, vous le savez, n'est pas encore terminée. Aucune prévision n'est à l'abri de la survenue, dans quinze jours ou dans trois semaines, d'un nouvel embrasement.
Pourtant, la communauté financière internationale estime aujourd'hui que nous arrivons vers la deuxième moitié de la crise et donc que nous en sortons doucement. Je dis cela sous toute réserve: ce genre de phénomène peut évidemment connaître des rebondissements. J'avais ce matin une longue séance de travail avec le président de la Banque mondiale, de passage à Paris, et nous convenions ensemble que l'effet que cette crise aurait serait double. Le premier, c'est celui auquel vous faites probablement allusion, c'est-à-dire sa conséquence directe sur la croissance mondiale, européenne et plus particulièrement française; les sondages des instituts qui ont interrogé les Français là-dessus ont montré que ceux-ci n'en mesureraient pas encore totalement l'ampleur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.) Mais vous avez raison de poser la question: les estimations effectuées laissent entendre que la perte serait de l'ordre de 0,3 à 0,5 point de croissance selon les pays. Mais comme notre économie, à la fin de l'année 1997 - et ce n'est plus là une prévision, mais une réalité, constatée par l'INSEE - se trouve, comme je l'évoquais devant cette assemblée il y a déjà quelque temps, sur une pente de croissance d'environ 3,5 % plutôt que 3 %, on peut estimer qu'avec 0,3 ou 0,5 % en moins, du fait de la crise asiatique, le résultat final restera très proche des 3 % initialement prévus par le Gouvernement - peut-être même supérieur.
M. François Léotard. Non !
M. François d'Aubert. Ce sont des comptes d'apothicaire !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La structure en sera modifiée: un peu moins de demande externe, un peu plus de demande interne. Mais, au total, il est raisonnable de penser aujourd'hui que nous restons sur cette pente de 3 %. La question que vous posiez tout à l'heure, sans aucune malignité, j'en suis certain, tombe donc à plat: il n'y aura évidemment aucun impôt nouveau lié à cette crise asiatique.
M. Jean Auclair. On est sauvés !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais la crise asiatique a une seconde conséquence, sur laquelle je me permets d'attirer votre attention. Lorsqu'elle sera passée, ces pays se retrouveront avec un potentiel de croissance intact, un système bancaire qui, dans la douleur, aura été restructuré, des devises fortement dévaluées...
M. Pierre Lellouche. C'est du libéralisme, ça !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et donc une compétitivité extrêmement forte.
Il nous faut donc aujourd'hui absorber ce léger choc, qui sera pas trop difficile, mais surtout nous préparer pour l'avenir à affronter des compétiteurs très puissants.
M. Arnaud Lepercq. Et vous voulez adopter les trente-cinq heures !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous devons donc continuer à préparer l'économie française à la compétition asiatique de demain...
M. Arnaud Lepercq. En travaillant moins ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et c'est sûrement ce à quoi vous pensiez en me posant votre question. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : Mme Anne-Marie Idrac
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 1998