euro
Question de :
M. Dominique Dord
Savoie (1re circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 21 janvier 1998
M. le président. La parole est à M. Dominique Dord.
M. Dominique Dord. Monsieur le Premier ministre, vous avez tenté il y a un instant de nous démontrer qu'il n'y avait pas de contradictions dans votre majorité gouvernementale. Je dois vous l'avouer, mais cela ne vous surprendra pas: vous ne nous avez pas convaincus.
M. Jean Glavany. C'est bon signe !
M. Dominique Dord. Sans vouloir ajouter aux difficultés de cohésion interne de votre propre camp, nous regrettons que votre pacte gouvernemental ait eu à connaître cette fin de semaine une nouvelle et profonde entaille. En effet, malgré vos rappels à l'ordre répétés, vos leçons de solidarité, le numéro un du second parti de votre attelage gouvernemental vous a sommé de choisir entre l'euro et l'emploi, c'est-à-dire entre les deux piliers de votre politique.
S'il ne s'agissait que de problèmes internes à votre majorité ou si les circonstances n'étaient pas si graves, nous pourrions, comme vous le souhaitiez il y a un instant, vous laisser à vos querelles, voire à certains égards nous en réjouir, compte tenu du nombre de fois où nous les avons dénoncées avant qu'elles n'éclatent au grand jour. Mais voyez-vous, monsieur le Premier ministre, vous êtes, avec vos alliés communistes, à la tête des affaires de la France. Vos divergences nous concernent donc, car elles portent atteinte à la crédibilité de notre pays vis-à-vis des autres pays et en particulier de nos partenaires européens. Vos divergences discréditent aussi le Gouvernement vis-à-vis de nos compatriotes...
M. Patrice Carvalho. Mazeaud ?
M. Christian Cuvilliez. Complètement maso, oui !
M. Dominique Dord. ... qui ne comprennent plus, qui ne supportent plus le spectacle que vous donnez, comme si notre pays n'avait pas de questions autrement plus importantes à régler.
Monsieur le Premier ministre, vous vous faisiez, il y a encore peu, le chevalier blanc d'une autre approche de la politique. Quelles mesures comptez-vous prendre pour que votre gouvernement, notre gouvernement, parle d'une seule et même voix ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste du groupe communiste.)
M. Michel Delebarre. Attention, c'est un piège !
M. Dominique Dord. Comment comptez-vous répondre à la question qui vous est désormais posée par vos propres alliés: l'emploi ou l'euro ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. Pour s'exprimer au nom de notre gouvernement, la parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, sitôt formé, le Gouvernement a été confronté au sommet d'Amsterdam où, aux côtés du Président de la République, comme la Constitution nous en fait l'obligation, il lui a fallu examiner les résultats des négociations conduites par le gouvernement précédent.
M. Jean Bardet. Si vous n'étiez pas d'accord, il fallait refuser !
M. le Premier ministre. Vous cherchez à nouer les termes d'une contradiction sur les questions économiques et sociales qui, à mes yeux sont essentielles. Conformément aux orientations que nous avions défendues devant les Français le Gouvernement, en plein accord avec sa majorité, a déclaré son engagement européen plein et entier...
Plusieurs députés sur les bancs du Rassemblement pour la République et de l'Union pour la démocratie française. Hue ! Hue !
M. le Premier ministre. ... et sa volonté, comme les Français l'avaient décidé par un référendum positif, de réaliser l'euro, à condition toutefois d'avancer dans plusieurs directions. La première était que l'euro soit une monnaie compétitive par rapport au dollar: cette condition est actuellement réalisée.
M. Arnaud Lepercq. Pas avec les trente-cinq heures !
M. le Premier ministre. La deuxième, que les pays du sud de l'Europe, l'Espagne et l'Italie, soient qualifiés pour la monnaie unique et y participent; or si, comme nous pouvons le penser, ils en respectent les critères, ils seront effectivement qualifiés et, grâce à notre action, aucune suspicion a priori ne pèse plus sur eux.
Troisième condition, réorienter l'Europe vers l'emploi et la croissance. Nous avons obtenu, avec l'accord du Président de la République - reconnaissant que nous étions au fond en train de faire ce qu'il aurait aimé voir réaliser avant, et par un autre gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)...
M. Arnaud Lepercq. Holà ! Vous n'êtes pas le porte-parole de l'Elysée !
M. le Premier ministre. ... nous avons obtenu la constitution d'un sommet sur l'emploi, suivi d'autres sommets réguliers, qui permettront de réorienter l'Europe.
Enfin, nous avons milité pour la coordination des politiques économiques afin que, face à la Banque centrale, organisme de caractère fédéral, s'affirme la légitimité des gouvernements. C'est pour cela que nous avons proposé un conseil de l'euro, et il faut croire que cette idée s'est fortement crédibilisée, puisque même le Britannique Tony Blair, dont le pays n'entrera pas dans l'euro tout de suite, a souhaité que son pays participe au Conseil de l'euro dont il a compris que c'était désormais une instance fondamentale pour l'avenir. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Il n'est pas vrai que la perspective européenne, si elle est comprise ainsi, s'oppose à la bataille pour l'emploi et la croissance en France. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Au contraire, à mon sens, elles se conjuguent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) La preuve en est que même les pays qui ne décident pas de faire l'euro, comme la Grande-Bretagne, la Suède et le Danemark...
M. Pierre Lellouche. Ce qui montre qu'il y a un problème avec l'euro !
M. le Premier ministre. ... essaient malgré tout de contenir leur déficit budgétaire, non pas parce qu'il y a l'euro, mais parce que le déficit budgétaire ne saurait dépasser la limite des 3 % sans créer des situations d'endettement qui pèsent sur les charges de l'Etat.
J'ai entendu que se faisaient des évolutions très importantes sur ces questions. Les rendez-vous sont pour bientôt. La France est engagée. Elle le fait de façon différente de celle que vous aviez entreprise.
Et si vous revenez sur le deuxième aspect du traité d'Amsterdam, à savoir la conférence intergouvernementale, sur laquelle j'avais compris que M. Séguin voulait m'interroger la semaine dernière, j'aurais l'occasion de vous donner mon analyse, et de vous dire pourquoi, effectivement, j'ai l'intention de respecter l'article 89 de la Constitution qui laisse en ce domaine l'initiative au Président de la République. («Non !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
J'aimerais qu'on revienne sur cette question. Je serai ravi que, demain, si vous le voulez bien, sur cette question aussi, pour éclairer l'opinion, on s'explique, et que je porte jugement sur la négociation du traité d'Amsterdam, que vous avez si mal réussie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Dominique Dord
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 1998