Question au Gouvernement n° 3183 :
budget de l'Etat

11e Législature

Question de : M. Michel Bouvard
Savoie (3e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 20 décembre 2001

FINANCEMENT DES MESURES NOUVELLES

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe du Rassemblement pour la République.
M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, lorsque vous étiez président de l'Assemblée nationale, vous avez contribué à la création de la Mission de contrôle et d'évaluation de la dépense publique. Nous avons ensemble, à l'unanimité, réformé l'ordonnance de 1959 et nous nous attendions à ce que cela se traduise par une amélioration de la gestion des crédits publics et de la procédure budgétaire.
Or que constatons-nous ?
La MEC a mis en lumière de nombreux dysfonctionnements de l'Etat et a conclu ses travaux par des recommandations visant à améliorer la gestion publique - par exemple la gestion des effectifs de la police. Mais elles ne sont pas suivies d'effets.
Quant à la réforme de l'ordonnance de 1959, elle n'est pas encore appliquée, mais, la semaine dernière encore, nous avons pu voir que la procédure budgétaire laissait à désirer : en dix minutes, nous avons dû étudier la pile d'amendements que voici portant sur le redéploiement de 800 millions de crédits au bénéfice de la gendarmerie !
M. François Fillon. Incroyable !
M. Michel Bouvard. Nous vous donnons acte que vous avez tenté d'obtenir un redéploiement des crédits mais nous sommes très interrogatifs quant à la nature de celui-ci pour le financement de la police et de la gendarmerie.
Qu'en est-il, en effet, des dépenses permanentes compensées par des économies occasionnelles ? Ainsi les 75 millions de minoration de crédits sur les frais de campagne des législatives et de la présidentielle à la charge du ministère de l'intérieur, et des 25 millions de réduction des moyens informatiques, notamment des moyens territorialisés, du ministère auxquels il faut ajouter - parce que tout le monde y passe ! - un prélèvement de 185 millions sur le budget de la politique de l'emploi et de 22 millions sur celui de la politique de la ville. Les réseaux d'annonce des crues voient également leurs crédits réduits, de même que l'action locale de la sécurité routière, la lutte contre la pollution accidentelle du littoral par les hydrocarbures et la maîtrise sanitaire des animaux. Même les bourses du fonds social des lycées et collèges, qui servent à suppléer les familles lorsqu'elles n'ont pas les moyens de payer la cantine des enfants, sont amputées de 30 millions de francs pour financer la police et la gendarmerie. Je pourrais encore citer l'établissement français des greffes qui avait déjà vu ses crédits diminués.
Ma question est simple. Les crédits qui ont été inscrits, il y a deux mois, au budget de l'Etat étaient-ils inutiles ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour que les rapports rendus au Parlement par la Mission d'évaluation et de contrôle aient des suites ? Comment, enfin, comptez-vous assurer durablement les mesures de dépenses nouvelles qui ont été adoptées par le Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je vous remercie de votre question qui va au fond d'un sujet fort important.
Tout d'abord, pour répondre au début de votre question, oui, la mission d'évaluation et de contrôle, que j'avais contribué à créer dans une autre fonction a un rôle essentiel. Ses travaux ont débouché sur un texte que vous avez adopté et qui est reconnu par tous comme fondamental : ce que nous appelons dans notre jargon la nouvelle constitution budgétaire. Comme vous êtes un spécialiste de ces questions, vous savez que son application va prendre du temps puisqu'elle s'étale sur une période qui court de cette année à 2005. Cependant, vous avez pu constater, puisque vous suivez ces sujets avec attention, que s'agissant, par exemple, de la gestion de la dette, nous avons pu d'ores et déjà prendre des décisions positives qui ont été reconnues comme telles par tous.
En ce qui concerne les décisions de dépenses nouvelles que, dans notre souci d'assurer la sécurité, nous avons choisi de retenir au profit des gendarmes et des policiers, il n'y a pas trente-six façons de les financer. Soit on augmente les impôts, et nous ne le voulons pas. Soit on augmente le déficit , solution facile mais qui signifie, puisqu'il en est d'un Etat comme d'une famille, qu'il faut rembourser les emprunts que l'on souscrit et donc, à terme, qu'il faut augmenter les impôts.
Ou bien alors, il faut opérer un redéploiement. C'est ce que nous avons fait. J'ai en main la liste - mais je ne veux pas être trop long - des propositions qui vous ont été faites et qui seront, aujourd'hui ou demain, votées en dernière lecture. Il est exact qu'elles portent sur la quasi-totalité des départements ministériels, mais nous avons pris le soin, en liaison avec les ministres, de ne pas amputer des dépenses qui auraient été indispensables.
M. Georges Tron. Ah bon ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez cité quelques têtes de chapitre. Quand les prélèvements sont opérés, cela veut dire que les chapitres étaient surdotés... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mais bien sûr ! Ne soyez donc pas choqués par cette expression. Elle signifie que par rapport à la consommation des crédits, nous savions d'ores et déjà qu'il y aurait des excédents. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je répète, parce qu'en vous entendant je ne suis pas sûr d'avoir été totalement convaincant (Rires et exclamations sur les mêmes bancs), que lorsqu'on décide une dépense, il faut qu'elle soit financée (Rires et applaudissements sur les mêmes bancs) : ou bien elle l'est par l'augmentation des impôts, ce dont nous ne voulons pas, ou bien elle l'est par l'augmentation du déficit, ce dont nous ne voulons pas non plus ; ou bien, et c'est le choix que nous faisons parce que nous sommes des personnes responsables, il faut procéder par redéploiement.
Mesdames et messieurs les députés de l'opposition, je crois - comme vous, je l'espère - au principe de cohérence : on ne peut à la fois, comme vous le faites, dire qu'il faut savoir écouter ceux qui revendiquent...
M. Georges Tron. Ce n'est pas la question !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et reprocher au Gouvernement de les avoir entendus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Michel Bouvard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Finances publiques

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 20 décembre 2001

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