Question au Gouvernement n° 3195 :
agressions sexuelles

11e Législature

Question de : M. Alain Juppé
Gironde (2e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 9 janvier 2002

DÉLINQUANCE SEXUELLE

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, pour le groupe RPR.
M. Alain Juppé. Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Jean Valleix, s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Le quartier des Aubiers à Bordeaux et la ville tout entière sont bouleversés par l'assassinat du petit Larbi, qui est intervenu dans les conditions que tout le monde connaît.
Mais vous permettrez au maire de Bordeaux d'exprimer une émotion toute particulière, puisque cela s'est passé dans sa ville.
Ce drame soulève de nombreuses et graves questions, à commencer par celle du fonctionnement de l'institution judiciaire et de ses relations avec la police. Mme la garde des sceaux a annoncé qu'elle demandait une enquête sur cette affaire ; nous en attendons les conclusions avec impatience et vigilance.
Ce drame soulève aussi la question du suivi des malades mentaux délinquants, ou anciens délinquants, qui sont laissés en milieu ouvert. Le législateur a tenté de la résoudre en instituant, notamment, une obligation de soins. Un projet de loi a été préparé par mon gouvernement ; il a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale et examiné en commission au début de l'année 1997. Il a été repris sans modification substantielle par votre gouvernement. Il a été voté en 1998 et les derniers décrets d'application sont parus en 2000.
L'affaire des Aubiers conduit à se demander si ce dispositif législatif est aujourd'hui suffisant. Qu'en est-il, par exemple, des délinquants qui ont commis leur acte avant la promulgation de la loi 1998, comme cela semble être le cas à Bordeaux ? Qu'en est-il des moyens mis en oeuvre pour l'application de cette loi ? Le nombre des médecins psychiatres est-il suffisant ? Leur formation au difficile problème de la délinquance sexuelle est-elle bien adaptée ? N'est-il pas temps, enfin, de renforcer le dispositif législatif en instituant une véritable coordination entre les secteurs psychiatriques chargés du suivi médico-social, les services de police ou de gendarmerie de proximité et les services sociaux de quartier ?
Aux Aubiers, personne ne comprend qu'un individu déjà condamné pour violence sexuelle sur mineur, ayant effectué plusieurs séjours à l'hôpital psychiatrique et toujours suivi médicalement pour cette raison, ait pu vivre dans le quartier sans être connu des différents services publics de proximité, ni du commissariat de quartier, ni de l'action sociale. J'ajoute qu'au moment de la disparition du petit Larbi, une meilleure circulation de l'information entre ces services aurait sans doute permis une enquête plus rapide, ce qui aurait évité à la famille de longues semaines d'attente, d'espoir et, finalement, de désespérance.
Le risque zéro n'existe certes pas. Mais quand il s'agit de la souffrance et de la mort d'enfants, le seul objectif qui puisse se fixer toute politique publique est de tendre vers ce risque zéro. Je vous demande donc, madame la ministre, les initiatives auxquelles vous réfléchissez pour répondre à l'exigence qu'exprime avec une très grande dignité la famille du petit Larbi et la population des Aubiers, exigence qui tient en une simple interjection : plus jamais ça ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député-maire de Bordeaux, vous venez d'évoquer avec beaucoup d'émotion, émotion que nous ressentons tous ici, cette effroyable affaire : le meurtre du petit Larbi. Nous devons avoir en cet instant une pensée pour ce petit garçon et pour sa famille.
Vous avez eu raison, monsieur le député, d'évoquer les mesures qui ont été prises. J'ai fait voter un texte qui avait, en effet, été préparé par mon prédécesseur Jacques Toubon et que nous avons renforcé.
La loi du 17 juin 1998 a ainsi permis d'assurer un meilleur suivi des victimes et d'éviter qu'elles aient à réveiller leur traumatisme. Elle a abouti à la création d'un fichier des empreintes génétiques des délinquants sexuels, qui nous a conduits à innover : d'abord en renforçant le suivi psychiatrique et médical des délinquants en prison ; ensuite et surtout en les obligeant, une fois sortis de prison - sous peine d'y retourner - à accepter un suivi médical et social.
Tous les textes d'application de cette loi sont sortis, même si le fichier sur les empreintes génétiques a pris du temps, parce qu'il était complexe à élaborer.
Nous avons mis en place un médecin coordonnateur dont le rôle est justement de faire le lien entre le médecin psychiatre qui suit le délinquant sexuel et le juge de l'application des peines.
Depuis que la loi a été promulguée, nous avons créé une commission interministérielle, pour assurer, en premier lieu, la formation de ces médecins coordonnateurs sur tout le territoire. Car ils ne sont pas encore présents partout. Donc, pour répondre à votre question, oui, nous allons faire en sorte que tout le territoire puisse être couvert par ces médecins coordonnateurs. En second lieu, un groupe de travail interministériel santé-justice définit très précisément la mise en oeuvre de ce lien entre le monde pénitentiaire et le monde de la santé. Je pense que nous devrons encore améliorer ce dispositif. Vous avez, en effet, souligné à juste titre que le meurtrier présumé du petit Larbi avait commis une première agression sexuelle en 1997 et avait purgé sa peine avant le vote de la loi. Par conséquent, au regard de cette terrible affaire, en relation avec Marylise Lebranchu, puisque nos deux ministères sont concernés, je donnerai pour instruction à ce groupe de travail interministériel d'examiner les possibilités de suivre aussi les anciens auteurs de crimes sexuels. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Alain Juppé

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 janvier 2002

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