services publics
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 31 janvier 2002
AVENIR DES SERVICES PUBLICS
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.
M. Jacques Desallangre. La réponse qu'a faite M. Gayssot il y a quelques instants aurait pu me satisfaire, mais, connaissant sa nature optimiste, je pose quand même cette question sur l'avenir des services publics.
En 1997, la question de leur éventuelle privatisation séparait encore la gauche de la droite. Aujourd'hui, que reste-t-il de la frontière ? La question mérite d'être posée. Je m'interroge en effet sur les orientations à venir du Gouvernement à la suite de récentes déclarations de ministres ou d'éminents membres du parti socialiste. Car il y a maintenant, exprimée publiquement, une certaine convergence de philosophie entre l'ensemble de la droite et certains dirigeants importants du parti socialiste. C'est la philosophie libérale imposant le marché. C'est ce qu'exige M. Romano Prodi. Et vos amis appellent cela « la fin des tabous à gauche ».
Les projets sont multiples : France Télécom, EDF, GDF, La Poste, demain la SNCF. Je rappelle que la défense du service public figure dans les priorités de notre programme de 1997. Devrait-on y substituer aujourd'hui la soumission à la loi du marché ?
M. François Filla et M. Philippe Séguin. Bravo !
M. Jacques Desallangre. Il serait dès lors difficile de crier au loup, de dire : « Au secours, la droite revient, elle va tout privatiser », car que resterait-il à privatiser ?
Ce virage sur l'aile droite ne peut qu'inquiéter nos concitoyens pour qui seul le service public est à même d'assurer l'égalité d'accès de tous les usagers en tous points du territoire et à un prix abordable. Le nécessaire choix politique en faveur du service public est corroboré par les exemples désastreux des Etats étrangers qui se sont fourvoyés dans l'ultra-libéralisme. Le rail britannique, l'électricité californienne ou la faillite du géant Enron illustrent bien les risques de la spéculation et de la recherche du profit à court terme. Nous ne voulons pas que ces exemples voient demain le jour en France.
Ma question est donc simple : le Gouvernement peut-il nous éclairer en montrant ce qui différencie ses propositions pour les services publics de celles de la droite et du Président de la République ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Philippe Séguin. Très bien.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je répondrai à votre question et je l'élargirai même, si vous le voulez bien, en parlant également des entreprises publiques.
Je commencerai par dresser rapidement le bilan de ce qui s'est fait dans le secteur public avant que ce gouvernement n'arrive aux responsabilités.
Mme Sylvia Bassot. Il y est depuis cinq ans !
M. Bernard Deflesselles. Depuis quinze ans !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le bilan du dernier gouvernement conservateur se résumait à une série de difficultés et même d'échecs. Vous vous rappelez, monsieur Desallangre, l'échec de la privatisation de Thomson Multimédia (« Un franc ! » sur les bancs du groupe socialiste), après l'opportun veto que la commission des privatisations avait mis à une cession à Daewoo, aujourd'hui en quasi-faillite, pour la somme d'un franc. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Après recapitalisation par l'Etat sur décision du Gouvernement, ce groupe, magnifiquement géré et très bien servi par ses personnels, vaut aujourd'hui plusieurs dizaines de milliards de francs et a multiplié par deux le nombre de ses salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)
De la même façon, je voudrais rappeler l'échec de la privatisation du CIC interrompue sous le gouvernement précédent en raison du blocage des salariés et des élus locaux, l'échec de la privatisation de la SFP en l'absence de repreneur, l'impossibilité de privatiser la SMC, la Société marseillaise de crédit. Deux dossiers seulement ont pu aboutir : la privatisation de la Compagnie générale maritime, cédée dans des conditions telles qu'elles font aujourd'hui l'objet d'une plainte devant le juge pénal et la privatisation des AGF qui a rapidement fait l'objet d'une OPA hostile d'un groupe allemand qui, aujourdhui, en détient la majorité.
Mme Odette Grzegrzulka. C'est honteux !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voilà ce qui avait été fait précédemment et qui, monsieur Desallangre, n'a absolument pas été fait par ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. François Goulard. Vous aviez déjà donné !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En 1997, la restructuration du secteur public a été menée à bien, à commencer par le secteur financier public. En 1997, cinq entreprises - le Crédit Lyonnais (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), le GAN, le CIC, la SMC et le Crédit Foncier - étaient menacées de liquidation, et trois attendaient de retrouver une stratégie : la CNP, les Caisses d'épargne et la banque Hervet. Ces huit entreprises ont désormais retrouvé une perspective. En cinq ans, les pertes cumulées du secteur financier public ont été réduites de 18 milliards d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
En ce qui concerne le secteur industriel public, en juin 1997, notre industrie aéronautique et de défense était paralysée après deux tentatives avortées de privatisation de Thomson-CSF. L'alliance Aérospatiale-Dassault était dans l'impasse et j'ai déjà parlé de TMM.
Aujourd'hui, monsieur Desallangre - et vous ne le contesterez pas - notre secteur industriel public, c'est Areva, qui est au premier rang mondial dans le secteur du nucléaire, Thales, qui constitue un des pôles de regroupement majeurs en Europe, TMM, dont le dynamisme est sans équivalent parmi les entreprises technologiques, Air France, qui fait jeu égal avec les plus grandes compagnies aériennes internationales (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), Renault, qui forme avec Nissan l'un des premiers groupes automobiles mondiaux, France Télécom, qui a été dotée des moyens à la hauteur de ses ambitions, EADS, qui est un acteur central de la restructuration aéronautique. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Yves Fromion. Vingt-quatre milliards de déficit pour le GIAT !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons deux objectifs : un projet industriel avec un ou plusieurs partenaires stratégiques, et la défense des intérêts du contribuable.
Pourquoi imaginer que ce que nous avons mené à bien au cours de la présente législature, nous ne pourrions pas le poursuivre, dans l'intérêt des salariés de la France, au cours de la législature suivante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) C'est le sens des propositions que nous faisons. Et j'espère que, une fois la présente période écoulée, vous nous rejoindrez sur ces propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jacques Desallangre. Non !
M. Georges Tron. Les Français ne vous croient plus !
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Secteur public
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 janvier 2002