Question au Gouvernement n° 3353 :
licenciement collectif

11e Législature

Question de : M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 20 février 2002

DÉFINITION DU LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe RCV.
M. Jacques Desallangre. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, tout le monde a en mémoire l'émotion qu'avait suscité, en 1999, l'annonce concomitante par M. Michelin de bénéfices records et de milliers de licenciements. Le bassin soissonnais, premier touché avec le licenciement des 401 salariés de Wolber, fut aussi le premier à se mobiliser et à proposer, par ma voix, les amendements dits Wolber puis une proposition de loi dite de restitution sociale.
Depuis 1999, j'ai présenté à cinq reprises ces propositions tendant à réformer au fond le droit du licenciement. Malheureusement, elles furent repoussées ici de façon constante, ce qui a permis au dogme selon lequel seul l'employeur est à même de décider du bien-fondé d'un licenciement économique de subsister.
Mes propositions, juridiquement étayées, tendaient à redéfinir le licenciement économique pour considérer qu'il n'existait pas de motif réel et sérieux lorsque l'entreprise réalise des bénéfices ou constitue d'importantes réserves.
De même, je proposais de réformer la procédure contentieuse pour permettre aux salariés de contester le caractère réel et sérieux du licenciement collectif avant que la situation ne soit irrémédiable et l'outil de production détruit.
Dans l'affaire Wolber-Michelin, le conseil des prud'hommes de Soissons a estimé avec lucidité, au début du mois de février, que les licenciements avaient été qualifiés abusivement de licenciements économiques dans la mesure où ils ne reposaient sur aucune cause réelle et sérieuse étant donné les bons résultats économiques de l'entreprise et l'absence de pertinence du motif tiré de l'amélioration de la compétitivité.
Toutefois, en dépit de cette victoire sur le fond - et elle est importante -, le cas Wolber illustre tristement l'état du droit actuel et l'impossibilité dans laquelle se trouve le juge d'imposer la réintégration des salariés, puisque, hélas ! l'outil de production est démantelé depuis fort longtemps.
Ma question sera donc multiple mais simple.
Considérez-vous toujours, comme votre prédécesseur, que seul l'employeur est à même d'apprécier le caractère économique d'un licenciement ?
Ne pensez-vous pas que le législateur devrait, lors de la prochaine législature, réformer la procédure en matière de licenciement pour permettre au juge de suspendre - il peut le faire dans le cadre du contentieux administratif du recours pour excès de pouvoir - la rupture du contrat de travail avant que la situation ne devienne matériellement irréversible ?
Ne faut-il pas mettre fin à l'absurdité des décisions qui reconnaissent le bien-fondé de la requête des salariés sans pouvoir, pour autant, leur proposer une réintégration ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. En effet, monsieur le député, en première instance, le conseil des prud'hommes a donné raison aux salariés de Wolber, estimant que les licenciements économiques ne reposaient sur aucune cause réelle et sérieuse, que les difficultés de l'entreprise Wolber - fabriquant des pneumatiques pour cycles - étaient surmontables et que celle-ci possédait une capacité d'autofinancement suffisante pour surmonter les difficultés passagères qu'elle traversait. Evidemment, le Gouvernement ne peut commenter une décision de justice ; il se borne à en prendre acte.
Toutefois, je présenterai quelques remarques supplémentaires.
La situation dans laquelle les salariés de Wolber se sont trouvés a conduit à un renforcement des droits des salariés - c'est ce que vous appeliez de vos voeux, monsieur le député - et à un encadrement plus strict des licenciements économiques. C'est ce que permettent de très nombreuses dispositions de la loi de modernisation sociale, qui donnent en effet aux salariés les moyens de faire expertiser la réalité du motif économique, la réalité du motif qui sous-tend les licenciements invoqués ou prévus par l'employeur. Ce rééquilibrage des pouvoirs au sein de l'entreprise était nécessaire car les salariés de Wolber se trouvent aujourd'hui dans une situation tout à fait particulière : leur licenciement est mis en question, et pourrait éventuellement être annulé, alors même que l'entreprise n'existe plus. La loi de modernisation sociale a donc prévu de donner aux salariés - c'était une nécessité - les moyens de prévenir de telles situations pour le moins étrange.
Sans attendre - et vous le savez, monsieur le député -, le Gouvernement a soutenu avec force la reconversion industrielle du bassin d'emploi de Soissons. Les premiers résultats de cette action sont d'ailleurs positifs, puisque nous constatons la création de plusieurs centaines d'emplois. Pour autant, cela n'exclut en rien la responsabilité du groupe Michelin, qui doit répondre des conséquences de ses décisions économiques. Bien entendu, le Gouvernement suit au jour le jour cette question avec une vigilance extrême.

Données clés

Auteur : M. Jacques Desallangre

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 février 2002

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