Question au Gouvernement n° 408 :
Irak

11e Législature

Question de : M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 25 février 1998

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Nous tous ici, notre peuple, tous les peuples, ne pouvons que nous réjouir que l'accord signé entre l'Organisation des Nations unies et les autorités irakiennes permette d'éloigner la perspective d'une aventure militaire, qui serait aussi meurtrière que dangereuse pour toute une région du monde et pour la paix sur notre planète.
Le groupe communiste et les députés qui lui sont apparentés l'apprécient d'autant plus qu'ils s'étaient opposés, et avec quelle détermination, à la guerre du Golfe et qu'ils s'étaient engagés avec la même détermination contre l'éventualité d'un nouveau conflit, que tout le monde redoutait.
Cet accord n'apporte pas seulement un grand soulagement: il montre aussi le rôle que devraient jouer demain les organisations internationales comme l'ONU dans le règlement préventif des conflits.
La France a eu raison de persévérer dans ses efforts pour faire aboutir une solution diplomatique.
Notre pays peut jouer un rôle original et positif pour répondre, par la paix et la coopération, aux grands problèmes du monde. Son action est plus que jamais nécessaire pour que toutes les parties respectent l'accord. Les Etats-Unis ne sauraient à cet égard revendiquer un droit automatique de frappe.
Concrétiser une paix durable suppose que soit très vite levé l'embargo qui pèse si brutalement sur la population civile et qui n'a contribué, l'expérience le montre, à régler aucun des problèmes évoqués pour le justifier. En réalité, il n'a fait que conforter l'autorité du dictateur irakien.
Monsieur le Premier ministre, qu'entend faire notre pays pour que ne se referme pas la porte de la paix que vient d'ouvrir l'ONU ? En particulier, quelles initiatives entend-il prendre pour que soit très vite levé l'embargo qui frappe le peuple irakien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous posez, à propos de la crise de l'Irak, qui connaît heureusement un dénouement non militaire, la question très importante de l'embargo qui frappe ce pays.
Quelle a été à cet égard la position de la France, depuis qu'il a fallu en 1991, compte tenu de la découverte des programmes d'armes de destruction massive de l'Irak, procéder au vote des résolutions qui ont instauré l'embargo ?
Dès l'origine, la France a cherché à en atténuer les conséquences humaines et humanitaires sur le peuple irakien. Mais ce n'est qu'au bout de plusieurs années que nous avons obtenu le vote de la résolution 986, dite «pétrole contre nourriture», permettant à l'Irak, malgré l'interdiction d'exporter son pétrole, d'en vendre 2 milliards de dollars par semestre afin d'acheter des médicaments et des produits de première nécessité.
Depuis lors, nous n'avons cessé de militer au sein du Conseil de sécurité pour que cette résolution soit élargie et que le chiffre que je viens de citer soit au moins doublé. Ces dernières semaines, cette position de la France a été rappelée aux membres permanents du Conseil, et surtout à M. Kofi Annan, par le Président de la République lui-même à plusieurs reprises, par le Premier ministre quand il l'a reçu, ainsi que par moi-même en de très nombreuses occasions. Nous avons obtenu, ce qui est passé quelque peu inaperçu du fait des tensions des derniers jours, un résultat important puisque le chiffre a été porté à 5,2 milliards de dollars.
Il faut souligner que, dans la pratique, la résolution antérieure avait rencontré de multiples obstacles à sa pleine mise en oeuvre, un peu du côté des Irakiens mais également de celui de nos partenaires anglo-saxons du Conseil de sécurité. La France, quant à elle, n'a cessé d'agir pour que cette résolution soit appliquée sans restriction et, lors des discussions récentes, nous avons demandé une autre adaptation de l'embargo, permettant à l'Irak d'importer des éléments de technologie pétrolière, faute de quoi ce pays ne pourrait même pas extraire ce qu'il a maintenant le droit d'exporter.
Mais il s'agit là d'une réponse à court terme. Le véritable objectif est la levée de l'embargo qui pèse sur l'Irak. Pour cela, il faudra que les résolutions soient pleinement respectées, en particulier les conditions qu'elles posent pour le contrôle des systèmes d'armes de destructions massive. Le dénouement actuel de la crise permet d'espérer que nous n'en sommes pas loin. Aux termes de l'article 22 de la résolution à laquelle j'ai fait allusion, les membres du Conseil de sécurité pourront alors - ils en auront même le devoir - constater que toutes les conditions sont réunies pour lever l'embargo. Il faudra alors organiser le retour de l'Irak dans la communauté internationale ainsi que sa reconstruction.
Toute la politique de la France vise, dans le respect des résolutions, à hâter ce moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Alain Bocquet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 février 1998

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