Question au Gouvernement n° 435 :
croissance

11e Législature

Question de : M. Henri Nallet
Yonne (2e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 4 mars 1998

M. le président. La parole est à M. Henri Nallet.
M. Henri Nallet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Depuis quelque temps les signes d'une meilleure santé de notre économie se multiplient.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. Merci Juppé ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Odette Grzegrzulka. Merci Jospin !
M. Henri Nallet. La croissance de l'économie se manifeste par une amélioration de la consommation et par une amélioration de l'investissement. Notre commerce extérieur présente par ailleurs un solde extrêmement positif. Conséquence de tout cela, les rentrées fiscales s'améliorent.
M. Jean-Paul Charié. Grâce à qui ?
M. Henri Nallet. Chacun sait la part que le gouvernement actuel a pris dans cette amélioration de la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) J'aimerais connaître, au-delà de l'analyse qu'il fait de l'amélioration de la situation, la façon dont il compte accompagner cette croissance retrouvée afin que celle-ci contribue le mieux possible à créer de l'emploi. Plus particulièrement, à quoi compte-t-il consacrer les marges de manoeuvre budgétaires qu'il va ainsi retrouver ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet, les comptes provisoires dont on peut disposer pour 1997 comme les indicateurs conjoncturels confirment, ainsi que vous l'indiquez, monsieur le député, que notre pays est en train de retrouver un chemin de croissance forte: en 1997, la croissance s'élèvera à 2,4 % - elle a été principalement acquise au cours du second semestre (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) - et, en 1998, elle devrait être de 3 %.
Cela valide la stratégie que le Gouvernement met en oeuvre depuis neuf mois.
D'abord, soutenir la croissance par la consommation; cela a valu pour la hausse du SMIC, de 4 %, et pour les mesures budgétaires - je pense à l'allocation de rentrée scolaire. Bref, du pouvoir d'achat a été distribué, il s'est transformé en consommation et nous le retrouvons dans la croissance.
Ensuite, réduire le déficit budgétaire, non pas en imposant les ménages par une augmentation de la TVA, comme l'avait fait le gouvernement précédent, mais en imposant les entreprises, afin de ne pas nuire à la croissance. Celle-ci est de retour. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Enfin, continuer à enrichir le contenu en emplois de la croissance, car celle-ci ne servirait à rien si elle n'était pas créatrice d'emplois. C'est l'esprit du texte sur la réduction du temps de travail que Martine Aubry vient de faire voter.
Cette stratégie est cohérente: elle privilégie la croissance et l'emploi et, bien entendu, nous avons l'intention de la poursuivre en 1998.
Toutefois, les conséquences du choc asiatique, dont on a dit qu'il ne ralentirait pas massivement notre croissance mais qu'il faudrait en tenir compte, vont apparaître cette année. Il faudra, lorsque ce choc se fera sentir dans nos entreprises, garder la tête froide. Pas plus qu'on ne doit dire, comme on l'a entendu sur certains bancs il y a quelques semaines: «Vous n'aurez jamais 3 % !», on ne devra s'effrayer des conséquences du choc asiatique.
Deux débats sont ouverts.
Le premier est un peu polémique et je ne veux pas m'y attarder...
M. Eric Doligé. Attardez-vous-y un peu tout de même !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... quel que soit le plaisir que j'aurais d'y revenir. Il porte sur le point de savoir à qui est due la croissance. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. A nous !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'aucuns affirment qu'elle est due à la demande internationale, mais ceux-là se trompent. En effet, comme les chiffres le montrent, la part de l'international dans la croissance de 1998 sera, notamment en raison de la crise asiatique, plus faible que par le passé. Cette croissance est due à l'économie française elle-même !
D'autres prétendent qu'elle est due à la politique du gouvernement précédent. («Oui ! oui !» et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Les députés de la majorité pourraient à la rigueur admettre, par honnêteté intellectuelle, que c'est peut-être le cas. Mais vous, mesdames, messieurs de l'opposition, vous ne pouvez pas le dire, car c'est parce que vous pensiez que votre politique était à ce point mauvaise et qu'elle nous conduisait dans le mur que vous avez été conduits à la dissolution ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Personne, en France, ne peut croire que la politique qui a été menée en 1996 et en 1997 porterait d'heureux fruits car, sinon, vous auriez été là pour les cueillir. Mais vous avez pensé qu'ils étaient pourris sur l'arbre. Vous aviez raison: c'est nous qui les avons fait pousser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Quant au second débat, il tient en une question: que faire des fruits de la croissance ?
L'ensemble des salariés et des travailleurs indépendants de ce pays vont recueillir ces fruits sous forme de pouvoir d'achat: 3 % de croissance équivalent à plus de 2 % de pouvoir d'achat supplémentaires. Ce pouvoir d'achat, que nous avons stimulé à la fin de 1997, est l'origine du regain de la consommation et il sera, demain, à l'origine des investissements et de l'emploi.
Au début de 1997, le taux de chômage était de 12,5 %. Il était encore à ce niveau au lendemain de l'été. Il est maintenant tombé à 12,1 %. La baisse est significative, mais elle est évidemment insuffisante.
Au-delà du pouvoir d'achat, c'est l'emploi qui reste la priorité.
M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ainsi que Lionel Jospin l'a répété à plusieurs reprises, le Gouvernement tout entier a une priorité: l'emploi.
Les fruits de la croissance seront recueillis pendant toute l'année par tous ceux qui trouveront un emploi grâce à cette croissance nouvelle.
Les bons résultats que nous enregistrons nous ont aussi permis de ne pas dépasser le plafond de 3 % de déficit public, chiffre bien inférieur à celui qui nous avait été légué. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Je tiens à le rappeler car je crois à l'efficacité de la dépense publique.
Quoi qu'il en soit, nous devrons continuer de faire diminuer ce déficit. En effet, un déficit trop élevé conduit chaque année le budget à consacrer une part de plus en plus importante de ses ressources au remboursement des intérêts.
Si nous voulons une dépense publique efficace, si nous voulons qu'elle serve à la politique industrielle comme à la construction des écoles, à la rénovation des routes comme à l'action culturelle, nous devons retrouver des marges de manoeuvre. Pour cela, il importe que nous poursuivions l'effort de réduction du déficit.
J'ajoute que nous n'avons, entre 1960 et 1991, dépassé qu'une seule fois ce déficit de 3 % qui apparaît à beaucoup comme miraculeux.
Notre pays n'a pas l'habitude d'avoir un déficit élevé et il n'y a d'ailleurs aucune raison pour qu'il conserve un tel déficit. Nous avons tout intérêt à ne pas continuer de faire porter nos dépenses par nos enfants en accroissant la dette ainsi qu'à retrouver des marges de manoeuvre pour le moment où la croissance sera moins forte et où nous aurons alors besoin d'un déficit un peu plus important. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Arthur Dehaine. C'est une réponse ou un discours ?
M. Bernard Accoyer. C'est trop long !
Mme Christine Boutin. Bla-bla-bla !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ces conditions,...
Mme Nicole Catala. Monsieur le président, intervenez !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... les fruits de la croissance seront recueillis en 1998 par le biais du pouvoir d'achat, de l'emploi et de l'assainissement de nos dépenses publiques.
Vous avez été, monsieur Nallet, ministre de l'agriculture. («Ca suffit !» et claquements de pupitres sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Sachons prendre modèle sur la sagesse des agriculteurs: ne pas manger son blé en herbe et être solidaire. La solidarité ira bien sûr en direction des exclus. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Un peu de silence, je vous prie !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je comprends...
M. Jean-Louis Debré. Ah non ! Il continue ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... que l'opposition soit désappointée. Néanmoins, la réalité est celle que je viens de décrire, et il lui faut l'accepter après avoir essayé de la nier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Henri Nallet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 1998

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