Question au Gouvernement n° 454 :
lutte contre l'exclusion

11e Législature

Question de : M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 5 mars 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité...
M. Pascal Clément. Elle n'est pas là !
M. Jean-Paul Bacquet. ... ou à son représentant.
Nous avons eu connaissance, la semaine dernière du rapport du Haut comité de la santé publique sur la progression de la précarité en France...
M. Eric Doligé. Depuis quinze ans !
M. Jean-Paul Bacquet. ... et, en particulier, sur ses conséquences sur la santé publique.
Ce rapport décrit la précarité comme un phénomène conduisant à des situations de fragilité sociale, économique et familiale. Ses auteurs estiment qu'elle touche en France 20 à 25 % de la population, c'est-à-dire 12 à 15 millions de personnes.
M. Eric Doligé. 20 millions !
M. Jean-Paul Bacquet. Il s'agit là d'un véritable bouleversement de la société française, qui creuse les inégalités et qui, à terme, risque de menacer la cohésion nationale.
La précarité provoque des sentiments non seulement d'exclusion mais aussi de dépréciation, d'inutilité, voire de honte et, de ce fait, des troubles psychiques majeurs. Nous avons conscience qu'une telle situation créera à moyen terme ou à long terme une dégradation de l'état de la santé des personnes les plus fragiles, ce qui ne sera pas sans conséquences sur la santé de la population tout entière.
Aussi, le Haut comité propose un certain nombre de mesures d'intégration et de cohésion sociales parmi lesquelles on trouve des mesures destinées à lutter contre l'illettrisme, à favoriser la simplification, à instituer l'universalisation des droits sociaux, à créer l'assurance maladie universelle, à généraliser le tiers payant, à exonérer du paiement du ticket modérateur les couches sociales les plus faibles, à attribuer un rôle pivot au médecin généraliste dans la distribution des soins et à mettre en place des réseaux.
Quelles propositions le Gouvernement peut-il nous faire pour répondre à une situation aussi préoccupante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le député, vous avez fait allusion au rapport du docteur Jean-Daniel Renoir et du professeur Grémy. Il en existe deux autres - l'un du docteur Lebas et l'autre du professeur Bredin - qui seront rendus publics demain et qui ont été évoqués lors de la conférence de presse qui a suivi la présentation en conseil des ministres du projet de loi contre les exclusions.
Vous avez parlé de santé publique. Les trois rapports proposent des mesures en cette matière, et, en particulier, de mettre en oeuvre ce que vous avez appelé l'assurance maladie universelle. Ce matin, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a présenté la couverture maladie universelle, système qui reprend les propositions qui ont été faites. Comme vous l'avez souligné, il est en effet nécessaire que, pour les 800 000 personnes qui en sont exclues, une «complémentaire» prenne en charge le paiement du ticket modérateur et du forfait hospitalier.
Un dispositif prévoira une dispense d'avance des frais. En effet, comme cela a été relevé dans le rapport que vous avez cité, un Français sur quatre aurait au moins renoncé une fois à consulter pour des raisons financières. Cela dit, on ne peut pas pour autant estimer que 12 à 13 millions de Français sont habituellement exclus des soins. Il n'empêche qu'un certain nombre d'avances ne peuvent être acquittées. On sait, par exemple, que le forfait hospitalier pour l'hospitalisation d'un enfant pendant dix jours s'élève à 8 000 francs. Comment une famille démunie peut-elle payer une telle somme ?
De même, des efforts doivent être faits en matière de remboursement de lunettes et de soins dentaires.
Toutes ces dispositions seront coordonnées et discutées avec les partenaires, les conseils généraux, l'assurance maladie, les mutuelles et l'ensemble des acteurs concernés. Un parlementaire, M. Boulard, est chargé de remettre ses réflexions à ce sujet dans le courant du mois de juin.
Par ailleurs, indépendamment de la couverture maladie universelle, nous avons fait ce matin d'autres propositions concernant des soins précis. Elles concernent, par exemple, la multiplication dans les centres hospitaliers - et on retrouve là la vocation sociale de l'hôpital - de lieux d'assistance et de prise en charge qui, loin de stigmatiser les plus démunis, les réintégreraient au contraire dans le cadre du dispositif naturel de soins de l'hôpital. Sur trois ans, il y aura 300 créations sur toute l'étendue du territoire. Certains hôpitaux connaissent déjà un tel dispositif, qui fonctionne pas trop mal.
Des programmes départementaux destinés à lutter contre la précarité et à venir en assistance seront élaborés. Ils contribueront à assurer une vigilance maintenue pour certaines pathologies telles que le saturnisme, la tuberculose, qui réapparaît, le sida, l'affection à VIH et l'hépatite C.
De plus, ces dispositifs devraient permettre à l'hôpital de s'ouvrir en amont et en aval.
En amont, sur les réseaux, sur les médecins libéraux qui travailleront avec l'hôpital non seulement pour assurer une meilleure prise en charge des plus démunis, mais aussi - et c'est ce que nous souhaitons - pour élaborer un nouveau système de prise en charge dans lequel le malade se déplacerait, mais aussi les médecins, et ce plus qu'ils ne le font actuellement.
En aval, il sera possible de faire participer le médico-social et les associations.
Tout cela - nous y veillerons - constituera la réponse, non à ces trois rapports qui mettent très bien l'accent sur les difficultés existentes, mais à des situations de précarité qui sont indignes de notre pays et qui concernent non seulement les 150 000 à 200 000 personnes qui sont hors de tout circuit, qui ont dérivé trop loin et qui sont trop brisées par la vie pour accéder à des droits qui sont pourtant les leurs, mais aussi les 800 000 personnes auxquelles j'ai fait allusion précédemment.
Dans le projet présenté ce matin, on trouve d'abord les dispositions qui permettront à ces 800 000 personnes de retrouver le chemin de leurs droits. Nous n'avons même pas besoin, à ce niveau, d'en proposer d'autres. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Bacquet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mars 1998

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