Question au Gouvernement n° 461 :
réforme

11e Législature

Question de : M. Bernard Accoyer
Haute-Savoie (1re circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 25 mars 1998

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.
M. Bernard Accoyer. Ma question, qui s'adresse à M. le Premier ministre, sera brève et précise. Monsieur le Premier ministre, quelles suites entendez-vous donner à l'intervention et aux intentions proclamées hier par M. le Président de la République lors de son intervention télévisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Ma réponse sera d'autant plus spontanée que je ne m'étais pas préparé à cette question (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française): mais je sens une telle force, une telle aspiration sur vos bancs que je m'y résigne bien volontiers. (Sourires.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il faut peut-être d'abord tirer quelques conclusions des élections. Les élections régionales et cantonales dans la moitié des cantons devaient, moins de dix mois après le changement de majorité, permettre à des collectivités locales d'être dirigées, qu'elles changent ou non de responsables. Elles donnaient aussi l'occasion aux Français d'exprimer, par la médiation de décisions locales, leur opinion sur la majorité, sur l'action du Gouvernement et peut-être sur l'opposition.
M. Renaud Muselier. Mme Royal a été servie !
M. le Premier ministre. En réalité, par certains développements, s'agissant non pas de la décision des citoyens, mais de la traduction donnée par certains des résultats du vote direct des citoyens, ces élections ont constitué une surprise et même un choc pour notre pays.
Mon intention n'est pas, mesdames, messieurs les députés, de minorer ce choc ou de chercher à l'amplifier.
En ce qui concerne les élections régionales, les résultats en voix ont été satisfaisants pour la majorité, donc pour le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Pierre Lellouche. Avec 140 000 voix d'écart !
M. Jean-Michel Ferrand. Moins cinq points !
M. le Premier ministre. Vous savez tous quelles majorités absolues et quelles majorités relatives se sont établies dans les régions; nous avons tous constaté qu'en dépit des prises de position fermes et claires adoptées par les principaux responsables de l'opposition, des conclusions différentes ont été tirées par les élus de celle-ci au sein des régions, notamment en ce qui concerne leurs relations avec l'extrême droite. («C'est vrai !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Cette situation a créé un trouble profond et ouvert un débat dans le pays. Je me suis exprimé. Le Président de la République s'est également exprimé deux fois, et encore hier avec force. Au moment où je vous parle, les choses ne sont pas terminées puisque, dans plusieurs régions, l'élection des présidents a été repoussée et que, dans cinq autres, des présidents sont actuellement élus par des majorités qui ont englobé le Front national.
Mme Christine Boutin. Allez-vous interdire le Front national ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. Madame Boutin, vous n'avez pas la parole. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Chers collègues, le spectacle donné ces derniers jours a été assez lamentable pour qu'il ne se reproduise pas ici. Je vous demande donc de vous taire.
Veuillez poursuivre, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le Premier ministre. S'agissant des élections cantonales, les résultats sont beaucoup plus nets, beaucoup plus clairs, peut-être parce que les citoyens et les citoyennes se sont là exprimés directement, imposant leurs volontés, comme il convient lors d'un suffrage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Adrien Zeller. Incroyable !
M. le Premier ministre. Je constate qu'à la faveur de ces élections la majorité a gagné plus de quatre cents sièges...
M. Charles Cova. Grâce au Front national !
M. le Premier ministre. ... et que l'opposition en a perdu tout autant.
M. Guy Teissier. Trois cents sièges !
M. le Premier ministre. De nombreux départements ont été gagnés par la majorité, même si, dans leur très grande majorité, les départements restent gérés par des élus issus de l'opposition.
M. Guy Teissier. Quelle hypocrisie !
M. le Premier ministre. Quant aux conclusions qu'il faut tirer de cette situation, je ne souhaiterais personnellement pas que nous-mêmes, ensemble, ou les observateurs, nous laissions aller, avec trop de complaisance, à rebattre le thème d'une crise politique que traverserait la France.
Le choc qui s'est produit au lendemain des élections régionales ne doit pas nous tétaniser les uns et les autres; il doit au contraire nous mettre en mouvement pour opérer de nouveaux progrès.
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
M. le Premier ministre. En l'occurrence, un trouble est apparu, un débat s'est engagé au sein de l'opposition. Je considère qu'il appartient à celle-ci de trancher. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Christine Boutin. Incroyable !
M. le Premier ministre. Par contre, il n'y a ni trouble ni crise dans la majorité...
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et de l'Union pour la démocratie française. Tiens donc ! Evidemment !
M. le Premier ministre. Le Gouvernement entend poursuivre son action. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Jean Ueberschlag. Vous, vous acceptez les voix du Front national sans vergogne !
M. le Premier ministre. Le Gouvernement poursuivra son action tant sur le terrain de la rénovation démocratique, comme il s'est engagé à le faire par ma voix lors de ma déclaration de politique générale, que dans d'autres domaines.
Cela dit, monsieur le député, afin d'avoir le temps de répondre à toutes les questions auxquelles j'avais prévu de répondre autant qu'à celles auxquelles je n'avais pas pensé répondre, je m'arrêterai là, me réservant d'en dire plus tard un petit peu plus si, d'aventure, on me réinterrogeait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Bernard Accoyer

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Etat

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 mars 1998

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