Question au Gouvernement n° 49 :
politique familiale

11e Législature

Question de : M. Pierre-Christophe Baguet
Hauts-de-Seine (9e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 9 octobre 1997

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, je pose ma question au nom de plusieurs de mes collègues du groupe UDF, et en particulier Christine Boutin. Elle s'adresse au Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, jeune parlementaire, je suis particulièrement attentif aux orientations que vous avez développées lors de votre discours de politique générale. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste.) Il s'agissait notamment de résorber le chômage, de favoriser l'épanouissement des hommes et des femmes et une meilleure solidarité nationale, enfin, de procéder à des changements dans le dialogue et le respect des autres.
Dans les mesures pour la famille, je ne retrouve aucune de ces quatre bonnes intentions. Pour le chômage, il faut savoir que les 60 000 bénéficiaires de l'AGED génèrent 50 000 emplois. Et ceux-ci sont essentiellement utilisés par des employeurs privés qui ne dépensent pas plus de 26 000 francs par an. Ils représentent exactement 84 % de ces employeurs. Aujourd'hui, la mesure que vous allez prendre risque de générer 10 000 licenciements secs. Où est la résorption du chômage ?
En ce qui concerne la solidarité, je suis assez favorable au principe qui vise à développer une meilleure solidarité entre les familles dites riches et celles dites moins riches. Mais, monsieur le ministre, comment, au nom de la solidarité nationale, allez-vous résorber ces différences de niveau de vie entre un célibataire riche et un célibataire moins riche ? Je crains que vous ne remettiez durement en cause la solidarité nationale !
Toujours au nom du même principe, quel choix allez-vous laisser à une femme médecin qui, appelée à dix-neuf heures à son domicile, devra soit répondre à un appel de malade soit laisser ses enfants seuls ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Eh oui, messieurs ! Cela, c'est du concret ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Monsieur le Premier ministre, quel choix allez-vous laisser à un professeur de lycée qui sera appelé par des parents ou un élève en détresse, mais qui devra allez chercher son enfant gardé dans un équipement public, qui ne lui accordera pas le quart d'heure nécessaire pour répondre à cette détresse ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, en ce qui concerne...
M. le président. Monsieur Baguet, je vous prie de conclure.
M. Pierre-Christophe Baguet. ... l'épanouissement des hommes et des femmes, nous le savons tous, la télévision est la première garde d'enfants en France. Depuis 1993, certains des emplois familiaux sont tenus par des hommes et des femmes qui remplacent la télévision. Où est l'épanouissement de l'homme et de l'enfant dans la décision que vous allez prendre ?
Enfin, monsieur le Premier ministre, sur le dialogue...
M. le président. Concluez, s'il vous plaît !
M. Pierre-Christophe Baguet. Je conclus, monsieur le président.
... pourquoi voulez-vous faire descendre des familles dans la rue ce week-end, alors que Mme Aubry a proposé un dialogue et un débat au printemps ?
Je m'interroge sur toutes ces incohérences et je souhaiterais avoir une réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Baguet, permettez-moi tout d'abord de vous dire que je suis heureuse que des députés de l'opposition aient été sensibles à la priorité donnée à l'emploi et à la solidarité dans la déclaration de politique générale du Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française. Répondez à la question !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. En France, la politique familiale - et nous en sommes tous heureux, je crois - permet des redistributions des «non-familles» vers les familles.
M. Jean-Michel Ferrand. Baratin !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il faut poursuivre dans cette voie au-delà même des prestations familiales, en agissant sur la politique du logement, que nous avons revalorisée cette année, ce qui n'avait pas été le cas depuis quatre ans, et sur l'éducation, qui pose problème à de nombreuses familles.
M. Louis de Broissia. Cela ne veut rien dire !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais nous sommes aussi l'un des rares pays où la redistribution se fait des familles les moins favorisées vers les plus favorisées. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vrai ! Lisez l'enquête de l'OCDE, elle est significative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.) La politique fiscale associée aux aides que vous défendez aujourd'hui, mesdames, messieurs de l'opposition, fait qu'une famille de trois enfants touche trois fois plus d'aides de l'Etat lorsqu'elle gagne 700 000 francs par an que lorsqu'elle en gagne 100 000.
M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Et vous me dites que vous croyez en la solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Nous sommes conscients qu'un certain nombre de familles qui ont aujourd'hui un employé à domicile - je pense notamment aux 30 000 familles qui ont un employé à temps plein - risquent d'avoir des problèmes d'organisation.
M. Louis de Broissia. Et les veuves ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais aujourd'hui, pour beaucoup de familles en France, c'est un problème de survie qui se pose (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste) pour emmener les enfants à l'école, pour payer la cantine scolaire, pour leur payer des livres de classe, pour les envoyer en vacances.
Aussi, ce que nous demandons à notre pays, et je suis convaincu que les familles le comprennent, c'est un geste de solidarité. («Non ! sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Enfin, aucun Etat au monde ne rembourse, comme c'est le cas aujourd'hui en France, 85 000 francs pour un emploi à temps plein, c'est-à-dire les trois quarts d'un employé de maison, ce qui représente deux fois et demie ce que touche un RMIste dans l'année. Voilà la solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Pierre-Christophe Baguet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 octobre 1997

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