politique familiale
Question de :
M. Étienne Pinte
Yvelines (1re circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 2 avril 1998
M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
M. Etienne Pinte. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, dans une remarquable étude récemment publiée, l'association des familles de France dénonce à juste titre, comme l'avait déjà fait ATD-Quart Monde, l'injustice dont sont victimes les familles qui bénéficient de minima sociaux, en particulier lorsqu'elles ont des enfants.
Cette étude révèle l'incohérence invraisemblable et la pénalisation qu'entraînent les différents types de minima sociaux, mais aussi les différences entre les couples selon qu'ils ont ou n'ont pas d'enfants et entre les personnes qui vivent en couple ou qui élèvent seules leurs enfants.
Elle révèle en particulier que les minima sociaux n'assurent pas aux familles avec enfants le même niveau de vie qu'aux célibataires ou aux couples sans enfants. Il n'est pas tenu compte non plus de la charge supplémentaire que représente un adolescent.
Je m'étonne que Mme Join-Lambert n'ait pas fait état de ces discriminations dans son rapport. Et puisque le Gouvernement envisage de consacrer plus de 50 milliards de francs à la lutte contre les exclusions, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, comment vous comptez améliorer le sort des familles qui vivent des minima sociaux, en particulier celui des personnes qui élèvent seules leurs enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, cette question a déjà été soulevée par l'association des familles de France, mais je crois qu'il convient de l'élargir. En effet, le problème n'est pas tant celui de l'inégalité de traitement entre familles touchant des minima sociaux que celui de l'inégalité majeure qui sévit en France entre les familles qui ont des enfants et celles qui n'en ont pas, selon le niveau de leurs revenus. En d'autres termes, le problème dépasse très largement celui des seuls minima sociaux.
Dans l'attribution des minima sociaux, un avantage a effectivement été donné, et nous y avons tous contribué, à ceux qui vivent seuls. En effet, l'allocation de parent isolé est plus favorable que le RMI ou que l'ASS que perçoivent les couples avec enfants. Faut-il pour autant remettre cet avantage en cause ? Je n'en suis pas sûre. Il s'agit souvent de femmes, et l'on sait qu'il est très difficile de reprendre un travail ou partir au loin pour se former quand on est seule avec des enfants et qu'il faut les faire garder. Quoi qu'il en soit, nous devons examiner la question.
Mais, au-delà, je voudrais vous rappeler que, dès cette année, le Gouvernement, dans la loi de financement de la sécurité sociale, a décidé d'élargir les allocations familiales à tous les jeunes jusqu'à dix-neuf ans, qu'ils poursuivent ou non leurs études. Nous mettons fin à une inégalité flagrante au détriment des familles les plus pauvres dont les enfants ne travaillent pas, sont au chômage et ne poursuivent pas d'études, et qui ne peuvent bénéficier de ce fait des allocations familiales.
Pour le reste, vous soulevez des questions plus larges encore: celles de la redistribution horizontale entre familles et non-familles, et de la redistribution verticale entre familles défavorisées et familles plus favorisées. Elles font l'objet de la réflexion que nous menons sur la politique de la famille et que Mme Dominique Gillot a été chargée par le Premier ministre de coordonner. En France comme ailleurs, la politique familiale ne doit pas se limiter à un transfert, normal, des «non-familles» vers les familles, elle doit aussi donner lieu à un transfert des familles riches vers les familles les moins favorisées. Car aujourd'hui, vous le savez comme moi, dans une famille riche, un enfant rapporte beaucoup plus, pardonnez-moi l'expression, par le jeu du quotient familial et des prestations familiales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Eric Doligé. Quand on a des enfants, que doit-on en faire ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est pourtant vrai ! C'est tout le problème du quotient familial. C'est donc bien l'ensemble de la politique fiscale, pas seulement les minima sociaux, qu'il faut réexaminer. Si tel est bien le sens de votre question, nous nous retrouverons, monsieur le député, sur les propositions que le Gouvernement présentera avant l'été. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Étienne Pinte
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 avril 1998