Question au Gouvernement n° 498 :
jeunes

11e Législature

Question de : M. Pierre Lellouche
Paris (4e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 2 avril 1998

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, vous me permettrez de profiter de cette question pour revenir sur la prestation de votre homologue socialiste - j'hésite à l'appeler ainsi -, M. Tony Blair, ici présent la semaine dernière. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. Blair a été très applaudi, sauf par Mme Aubry qui l'a traité de lamentable - et ce fut noté à Londres, je vous l'indique.
M. Blair, ici même, a notamment évoqué la présence à Londres de 100 000 jeunes Français. D'après une étude apparemment commandée par Bercy et effectuée en liaison avec notre consulat à Londres, rendue publique - ou «fuitée» - dans La Lettre de l'Expansion du 30 mars, le nombre de Français implantés au Royaume-Uni et immatriculés au consulat général a progressé de plus d'un tiers entre 1990 et 1996. On compte 185 000 recensés au consulat et le chiffre réel doit être très supérieur.
La moitié de ces Français sont de jeunes célibataires, pour la plupart surdiplômés. («La question !» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
D'après l'étude citée du ministère de l'économie et des finances, 57 % de ces jeunes Français ont choisi d'émigrer en Angleterre pour des raisons économiques: «Beaucoup déclarent préférer vivre à Londres que d'être chômeur en France», peut-on lire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Gérard Gouzes. C'est ça, la mondialisation !
M. Pierre Lellouche. Nombre de jeunes Français affirment éprouver en Grande-Bretagne un sentiment «de plus grande liberté sociale et professionnelle». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Je vous remercie de m'écouter avec tant d'attention ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence, je vous en prie !
M. Pierre Lellouche. La raison économique de cette délocalisation, de cette émigration, est malheureusement évidente: les charges sociales, notamment sur les salaires, n'atteignant que 10 % en Grande-Bretagne, contre 40 % en France, les entreprises britanniques peuvent, à coût égal, verser une rémunération bien plus élevée à leurs employés et leurs cadres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Ainsi, un célibataire délocalisé en Grande-Bretagne peut espérer disposer d'un revenu supérieur de 30 à 40 % aux salaires français, sans compter le fait que, pour les revenus élevés, la Grande-Bretagne ne connaît pas de taxation sur les stock options ni sur la fortune. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. Un peu de silence, M. Lellouche va poser sa question !
M. Pierre Lellouche. Du fait de la marche à l'euro et de l'ouverture du grand marché, les différentiels de fiscalité deviendront un élément déterminant dans la localisation des entreprises et de leurs salariés. Aussi, monsieur le Premier ministre, la question que je voudrais vous poser sera double. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste.)
Premièrement, confirmez-vous ou non la réalité de cette émigration, conséquence de ce qu'il faut bien appeler une deuxième révocation de l'édit de Nantes ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Deuxièmement, que comptez-vous faire pour stopper cette hémorragie des jeunes Français qui, faute de trouver un avenir en France, sont obligés de s'exiler ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme !
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, vous relevez un fait patent: de plus en plus de jeunes vont dans les pays étrangers pour les découvrir et y travailler. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Je crois d'ailleurs me rappeler que, à l'occasion de ses voeux du 14 juillet dernier, M. le Président de la République avait lui-même invité les jeunes Français à aller, en plus grand nombre possible, travailler à l'étranger. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. C'est faux !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela dit, le chiffre que vous relevez n'est pas la conséquence de l'invitation, trop récente, du Président de la République: pour la plus grande part, ces jeunes sont partis travailler à Londres avant que le Président de la République ne les ait invités (Rires sur les bancs du groupe socialiste) pour des raisons directement liées au chômage et à la gestion de notre pays avant le mois de juillet; reconnaissez qu'entre juin et juillet, nous n'avions pas eu encore beaucoup de temps pour redresser la situation. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Et compte tenu de la baisse du chômage, dont vous avez pu constater vous-même les effets depuis quelques mois,...
M. Arnaud Lepercq. Vous parlez des sous-fonctionnaires de Mme Aubry ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... nombre de Français, après avoir été se former à l'étranger, auront plaisir à revenir travailler en France. Au demeurant, je n'imagine pas qu'un membre de cette assemblée, élu de la nation veuille à toute force inciter des Français à s'expatrier et ne voie que des avantages à ce qu'ils aillent, par plaisir, travailler ailleurs que dans leur propre pays.
Enfin, monsieur le député, je ne résiste pas au plaisir d'une petite taquinerie, comme vous-même l'avez d'ailleurs fait dans votre question. Vous avez eu l'occasion d'être élu en divers endroits; mais vous est-il jamais venu l'idée d'aller vous faire élire sur les bords de la Tamise ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Lellouche

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Emploi

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 avril 1998

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