gouvernement
Question de :
M. Pascal Clément
Loire (6e circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 9 avril 1998
M. le président. La parole est à M. Pascal Clément.
M. Pascal Clément. Monsieur le ministre de l'intérieur, il paraît que vous vous étonnez de voir la gauche plurielle s'inquiéter de vos actions, de vos décisions, de l'application de la loi qui va porter notre nom. («Pas du tout !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Derosier. Parlez-nous plutôt de MM. Millon, Soisson et Blanc !
M. Pascal Clément. Monsieur Chevènement, vous avez accepté d'appartenir à un gouvernement qui a décidé l'abrogation des lois Pasqua et Debré, lesquelles étaient pourtant équilibrées (Exclamations sur les bancs du groupe socaliste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert), c'est-à-dire à la fois fermes et généreuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Vous vous étonnez, mais vous aviez donné de grands espoirs aux leaders d'opinion les plus irresponsables en matière d'immigration, ceux là mêmes qui aujourd'hui, du reste, vous rappellent par pétitions ce qu'ils pensent de votre politique.
Vous vous étonnez des réactions de certains groupes, alors que vous les avez utilisés avec vos amis socialistes, lors des manifestations d'il y a un peu plus d'un an à l'église Saint-Bernard. Aujourd'hui, vous qualifiez ces groupes de trotskistes et d'inciviques.
Vous vous étonnez, mais, après avoir condamné vigoureusement les charters au motif qu'ils auraient été contraires aux droits de l'Homme et à l'humanisme, vous vous apprêtez à les remettre en circulation.
Vous vous étonnez et vous morigénez l'évêque de Bobigny. J'indique au passage que je suis de ceux qui renverraient, respectueusement, l'évêque de Bobigny à ces paroles du Christ: rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. En d'autres termes, je l'inviterais à faire la distinction entre le spirituel et le temporel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.) Reste que vous vous étonnez !
Aujourd'hui, monsieur le ministre de l'intérieur, vous êtes dans la position de l'incendiaire qui crie «au feu !».
M. Richard Cazenave. Très juste !
M. Pascal Clément. Or votre majorité plurielle, ou plutôt la majorité sur laquelle vous comptez vous appuyer,...
Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
M. Pascal Clément. ... n'a pas l'air d'accord sur grand-chose.
M. Christian Bataille. Et à Paris ?
M. Pascal Clément. J'ai cru comprendre qu'elle n'était pas d'accord sur la modification du statut de la Banque de France, sur le changement de mode de scrutin, sur la limitation du cumul des mandats, sur l'euro, donc sur l'Europe. Et vous vous étonnez que s'agissant de l'immigration, elle s'élève bruyamment contre vos décisions ?
Ma question, vous la réclamiez, la voilà. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste.) Elle va vous intéresser au plus haut point.
Monsieur le ministre de l'intérieur, en conscience, estimez-vous pouvoir rester longtemps dans l'équipe gouvermentale à laquelle vous appartenez ? (Rires.)
Par ailleurs, malgré le manque de majorité politique derrière vous, pensez-vous pouvoir faire appliquer la loi que les députés socialistes vont voter dans un instant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Michel Ferrand. Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je tiens à vous rassurer, monsieur Clément: le projet de loi que je défends, je le défends au nom du Gouvernement tout entier. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur les bancs du groupe socialiste.) Par conséquent, j'ai tout à fait conscience de la responsabilité qui est la mienne lorsque je défends un texte, qui, en effet, diffère profondément des lois Pasqua et Debré...
M. Jean Besson. Hélas !
M. le ministre de l'intérieur. ... pour ce qui est du droit de vivre en famille, grâce notamment à cette fameuse carte de séjour «vie privée et familiale», que je vous entends encore combattre avec une extrême vigueur à cette tribune,...
M. Jean Besson. A juste titre !
M. le ministre de l'intérieur. ... car je n'ai rien oublié de votre intervention ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur les bancs du groupe socialiste.)
M. François Vannson. Le contraire m'eût étonné !
M. le ministre de l'intérieur. Je conçois que vous puissiez ne pas être d'accord avec le projet de loi que je porte au nom de la majorité plurielle. Je le fais parce que je crois que c'est une condition nécessaire à sa réussite, parce que je crois que cela correspond à ce que souhaite le peuple français. («Non !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Un sondage commandé par la Commission nationale consultative des droits de l'homme à l'institut CSA le démontre abondamment (Exclamations sur les mêmes bancs. - Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur les bancs du groupe socialiste),...
M. Jean Marsaudon. C'est faux !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
M. le ministre de l'intérieur. ... et ce d'ailleurs toutes familles politiques confondues ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
J'en viens aux difficultés que vous avez évoquées.
J'ai appelé un chat un chat. J'ai décrit un petit groupe auquel je reproche, non ses opinions - elles sont parfaitement libres -, mais ses agissements qui s'accompagnent d'allégations mensongères. En effet, je n'hésite pas à dire que ces allégations sont mensongères, dans la mesure où elles visent à convaincre des passagers à s'opposer à des reconduites à la frontière en leur faisant croire que les intéressés sont drogués ou bâillonés, ce qui est totalement faux et invraisemblable. Comment pourrait-on imaginer que cela soit possible sur un avion de ligne régulière ?
Le Gouvernement a toujours rejeté tout ce qui pouvait ressembler à une gesticulation inutile. En ce sens, il n'est pas partisan, je l'indique très clairement, d'agir comme à une autre époque où l'on publiait des communiqués triomphants et diffusait des images télévisées sur des départs de charters.
M. Bernard Accoyer. Les charters, c'était du temps où ça marchait !
M. le ministre de l'intérieur. Pour autant, la loi doit s'appliquer, et elle s'appliquera.
M. Thierry Mariani. Quand ?
M. le ministre de l'intérieur. Toutefois, elle s'appliquera avec humanité et en tenant compte autant que possible des voeux des intéressés.
Quant à ce qui a été dit sur la compagnie Air France, c'est faux. Les propos d'un syndicaliste n'engagent que lui. D'ailleurs, la direction vient d'apporter un démenti. Par conséquent, laissez-nous travailler sereinement et calmement.
S'agissant des pseudo-divisions que vous croyez apercevoir dans nos rangs, je vous renvoie à la fable de la poutre et de la paille. («Très bien !» sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.) J'aimerais que M. Tiberi et M. Toubon viennent nous donner des leçons d'unité, de cohérence et de cohésion ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)
Auteur : M. Pascal Clément
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Etat
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 avril 1998