Turquie
Question de :
M. Guy Teissier
Bouches-du-Rhône (6e circonscription) - Union pour la démocratie française
Question posée en séance, et publiée le 22 avril 1998
M. le président. La parole est à M. Guy Teissier.
M. Guy Teissier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je souhaiterais d'ailleurs y associer François Rochebloine.
Avril 1915, avril 1998, il y aura, le 24 avril, très exactement 83 ans que s'écrivait la plus terrible page de l'histoire du peuple arménien: plus d'un million et demi de morts, la fuite et l'exil pour une communauté d'hommes, victimes de l'intolérance et de la haine.
Un grand nombre de réfugiés trouvèrent asile dans notre pays qui a toujours su créer et conforter des relations harmonieuses entre les hommes et les femmes de toutes origines qui, au fil des ans, ont constitué les différentes composantes de sa population.
Les plus anciens se souviennent. Ils ont transmis leur histoire et leur mémoire à leurs enfants. Chaque année, toutes les communautés arméniennes dans le monde organisent une journée de commémoration au cours de laquelle un hommage est rendu aux victimes du génocide et un appel adressé à toutes les instances locales, nationales et internationales, afin que justice soit rendue au peuple arménien.
Considérant que la réalité du génocide et de l'intention génocidaire des dirigeants turcs de l'époque est attestée par de nombreux témoignages de rescapés, de résidents et de diplomates étrangers dans les archives diplomatiques et que ce crime a été sanctionné par la cour martiale ottomane en 1919, considérant que l'extermination du peuple arménien a été reconnue comme un génocide à part entière par le rapport sur les génocides de la sous-commission des droits de l'homme de l'ONU en 1985, par le Parlement européen, dans une résolution de 1987, et, hier, par le Sénat belge, je souhaiterais, monsieur le Premier ministre, qu'une vraie réponse nous soit donnée, et non de pieuses intentions comme il y a quelques instants.
Est-il dans vos intentions ou dans celles de votre gouvernement de reconnaître officiellement le génocide arménien et de saisir les instances internationales compétentes pour qu'elles le reconnaissent ?
En outre, est-il dans vos intentions de proposer l'extension de la loi punissant la négation de tous les génocides et crimes contre l'humanité au génocide des Arméniens comme notre collègue François Rochebloine, avec de nombreux collègues des différents bancs de notre assemblée, l'ont demandé ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, je ne reviens pas sur ce qui faisait le corps de ma réponse il y a quelques instants: d'abord, nos liens d'amitié avec l'Arménie, ensuite le fait que le Gouvernement français a reconnu depuis longtemps le massacre, l'extermination du peuple arménien.
Plusieurs députés. Le génocide !
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. Tout cela s'est déroulé en 1915, et nous sommes proches de cet anniversaire auquel nous nous associons. Nous manifestons notre deuil au côté du peuple arménien. C'est clair.
Il est vrai qu'il y a autour de cette question à la fois les positions d'organes internationaux et une sensibilité diplomatique très forte de nos amis turcs. Cela dit, et je n'hésite pas à le dire à titre personnel,...
M. Jean-Louis Debré. Vous ne parlez pas à titre personnel !
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. ... pourquoi ne pas reconnaître que ces massacres, que ces exterminations ont pu revêtir le caractère d'un génocide (Exclamations sur de nombreux bancs) et, dès lors, que nous avons aussi le devoir d'en tirer les conséquences du point de vue de la mémoire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Richard Cazenave. C'est au nom du Gouvernement qu'il faut parler !
Auteur : M. Guy Teissier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires européennes
Ministère répondant : affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 avril 1998