politique d'aménagement du territoire
Question de :
M. Patrick Ollier
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 30 avril 1998
M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.
M. Patrick Ollier. Madame le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, depuis onze mois, vous n'appliquez pas la loi d'aménagement du territoire - nous expliquant que vous allez la réviser. Depuis quelques jours, la presse, visiblement mieux informée que les parlementaires, nous donne les grandes orientations de cette révision. («Mauvaises orientations !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Tout d'abord, il semble que vous souhaitiez privilégier les zones urbaines au détriment des zones rurales...
M. Alain Rodet. Un peu facile !
M. Patrick Ollier. ... et que vous vouliez faire de la ville l'élément moteur de création de richesses et de développement du territoire, souhaitant même qu'elle aille jusqu'à «féconder» l'espace rural environnant. C'est stupéfiant, parce que vous prenez totalement à contre-pied la politique d'aménagement du territoire que nous avions mise en place. On en revient aux années 80 où l'absence de politique d'aménagement du territoire avait entraîné le développement des banlieues et des zones urbaines et la désertification du monde rural. C'est intolérable pour les personnes qui vivent dans ce monde rural et veulent le préserver et le voir se développer.
Il semble également que vous souhaitiez confier aux seules régions le soin de maîtriser l'aménagement du territoire et retirer à l'Etat - là je m'adresse à M. Chevènement - le pouvoir de fixer les objectifs et de mettre en place les politiques destinées à préserver les équilibres et à compenser les handicaps. Dans ces conditions, comment allez-vous assurer l'égalité des chances pour chacune des parties du territoire ? Je pense, par exemple, au Limousin, dont on connaît la richesse par rapport à l'Ile-de-France. Avec un tel dispositif, monsieur Chevènement, bonjour la souveraineté nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Attendre onze mois pour un texte dont le principal effet sera de casser le ressort du développement local est pour nous une immense déception. Vous allez créer une France à deux vitesses avec, d'un côté, les zones urbaines, qui vont grossir et se développer, et, de l'autre, un monde rural qui, telle une peau de chagrin, va continuer à dépérir.
Cela s'ajoutera aux abandons déjà programmés par le Gouvernement dans le cadre de la politique agricole européenne et au retrait des fonds structurels qui, pour l'aménagement du territoire, apportent beaucoup au monde rural. Les responsables de l'aménagement du territoire ont donc toutes les raisons d'être inquiets car ce projet de loi va créer les conditions d'une fracture territoriale irréversible et dommageable pour l'avenir de la France. («La question !» sur les bancs du groupe socialiste.)
C'est l'inverse d'une politique d'aménagement du territoire. Dans ces conditions, madame le ministre, comment allez-vous préserver l'équilibre des territoires nationaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rasssemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. J'ai cru comprendre que cette question s'adressait à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous avez la parole, madame !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le député, je vous remercie de me donner l'occasion de poursuivre un échange récurrent, qui nous a amenés à évoquer très régulièrement devant la représentation nationale les problèmes d'aménagement du territoire. Vous avez cité vous-même quelques étapes de cette saga, qui a conduit à privilégier d'abord la ville au détriment de la campagne, puis la campagne au détriment de la ville. Mon ambition est suffisamment complexe pour justifier le temps que nous consacrons à l'élaboration de nouvelles règles. Il faut cesser d'opposer la ville, ou plutôt les villes, à la campagne, ou plutôt aux différentes facettes du monde rural et restaurer des continuités, des solidarités, des coopérations entre le coeur des villes, les quartiers, les communes de périphérie et le monde rural qui les entoure.
D'ailleurs, c'est une évidence, alors que 80 % de la population vit aujourd'hui en ville, elle n'est pas pour autant devenue hostile au monde rural puisqu'elle en vient et y retourne souvent pour ses loisirs. Même dans l'Oisans, monsieur Ollier, à Serre-Chevalier, au Monêtier-les-Bains, la qualité du développement local dépend de l'harmonie des relations entre les petites villes et leur périphérie, entre les bourgs-centres et les communes à proximité. Notre souci est donc aujourd'hui de réconcilier la ville et le monde rural, de ne plus traiter celui-ci de façon défensive, comme un malheureux monde handicapé pour lequel il faudrait seulement avoir des attentions d'infirmier. Il faut parier sur des potentialités de développement endogène, de développement local («Baratin !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) ... en synergie avec les acteurs du développement, aux niveaux régional, départemental et local. («Très bien !» sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Concrètement, pour quand cette loi ? Je vous rassure, nous avons commencé à examiner trois projets, tout à fait compatibles et cohérents: le projet de révision de la loi d'orientation, d'aménagement et de développement du territoire, le projet que prépare Jean-Pierre Chevènement sur l'organisation intercommunale et sur les agglomérations et le projet sur la rationalisation des aides économiques des collectivités locales aux entreprises, préparé par Emile Zuccarelli. Nous nous donnons les moyens de terminer ce travail de mise en cohérence et d'affinage pour que ces projets soient présentés en conseil des ministres avant la fin du mois de juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. Alain Barrau. Très bien !
Auteur : M. Patrick Ollier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement
Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 1998