DOM : octroi de mer
Question de :
M. Alfred Marie-Jeanne
Martinique (4e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 13 mai 1998
M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour une question rapide.
M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, l'octroi de mer constitue avant tout un dispositif global d'une grande importance financière pour les collectivités territoriales et un levier de la politique économique aux mains des Martiniquais. Pour l'année 1997, il a permis, selon la douane, de rapporter 802 millions de francs aux communes, 254,5 millions au conseil régional, et d'exonérer les entreprises de 83 millions de francs de charges.
Pour nous, cet outil est loin d'être une entrave. Et dans la perspective d'une évolution prochaine du statut, l'octroi de mer doit rester un attribut de pouvoir.
Or si deux arrêts récents de la Cour de justice des Communautés européennes - l'arrêt Chevassus-Marche et l'arrêt Roger Albert - ont bien confirmé le principe de l'octroi de mer sur la base combinée des articles 226 et 227-2 du traité instituant la Communauté européenne, ils l'ont fait de façon frileuse en s'opposant aux exonérations générales et systématiques. Toutefois, l'abrogation de l'article 226 par le traité d'Amsterdam risque de réduire à néant les décisions de la Cour.
D'où ma question, monsieur le secrétaire d'Etat: l'article 227-2, dans sa nouvelle rédaction, permettra-t-il à lui tout seul d'assurer la pérennité du dispositif, étant entendu que l'examen de la compatibilité de la loi du 17 juillet 1992 avec le droit communautaire a été de surcroît renvoyé aux juridictions françaises. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le député, vous avez rappelé le rôle que joue l'octroi de mer dans la gestion des quatre départements d'outre-mer.
Cette institution ancienne remplit une double fonction: d'une part, protéger le marché local; d'autre part, procurer des ressources aux collectivités locales - ainsi, en 1996, l'octroi de mer a procuré 3,5 milliards de recettes aux quatre départements d'outre-mer. C'est donc un élément important et de l'activité économique et de l'autonomie des collectivités locales.
L'octroi de mer est assimilable à des droits de douane. En conséquence, la Communauté européenne a été conduite à s'y intéresser dès les années 80. Et c'est en 1989 qu'une décision du Conseil des Communautés a validé le principe de l'octroi de mer sous une double condition: d'une part, que les productions locales soient elles aussi taxées; d'autre part, que le régime d'exonération ne soit pas général.
Pour appliquer cette décision du Conseil, une loi a été prise en 1992.
Ce sont ces deux dispositions - la décision du Conseil et la loi de 1992 - qui ont été attaquées devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Deux arrêts viennent d'être rendus. L'essentiel est que le dispositif de l'octroi de mer, que l'on croyait un instant menacé, est préservé dans son fondement. En effet, les décisions de la Cour de justice précisent que, en ce qui concerne les productions locales, les exonérations ne sauraient être d'ordre général ou systématiques et qu'elles devaient être proportionnées à une analyse économique.
S'agissant des dispositions de la loi de 1992, ils renvoient à une étude au cas par cas.
C'est pourquoi nous sommes en train de procéder à une analyse juridique des conséquences de ces deux arrêts. Sur cette base, nous réunirons les quatre régions d'outre-mer concernées pour faire le point sur l'évolution juridique et l'avenir de l'octroi de mer, sachant que son principe est préservé.
J'ajoute que l'article 227-2, devenu par la suite l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, confirme le fondement même de l'octroi de mer.
Ces arrêts permettent donc de conserver l'essentiel. Quant au traité d'Amsterdam, il permet de préserver le principe de l'octroi de mer pour l'avenir. Mais nous devons maintenant analyser les conséquences de ces arrêts et voir comment nous pouvons adapter ces décisions en droit français. Nous le ferons en concertation avec les conseils régionaux, car il est essentiel de préserver le principe de l'octroi de mer, compte tenu notamment de l'intérêt qu'il présente à la fois pour les productions locales et pour les finances des collectivités dont vous êtes l'un des représentants, monsieur le député. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Alfred Marie-Jeanne
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : outre-mer
Ministère répondant : outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 mai 1998