cours d'assises
Question de :
M. Noël Mamère
Gironde (3e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 15 octobre 1997
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.
L'affaire qui est jugée en ce moment à Bordeaux a déjà été évoquée par l'une de mes collègues. Mais notre pays a étouffé pendant tant d'années cette mémoire honteuse sous le couvercle de l'hypocrisie qu'il n'est pas inconvenant que la représentation nationale revienne sur ce sujet au cours des questions au Gouvernement.
M. Robert Pandraud. L'heure passe !
M. Noël Mamère. Je me sens une responsabilité particulière: je suis député de la Gironde, et c'est en Gironde que M. Papon a commis ses méfaits.
M. Arnaud Lepercq. Vous êtes député de la France, pas de la Gironde !
M. Noël Mamère. Je suis aussi le maire de Bègles, et c'est un Béglais, M. Michel Slitinsky qui, par son acharnement, a découvert l'affaire Papon et permis que ce monsieur comparaisse devant la cour d'assises.
Le Président de la République, en juillet 1995, a reconnu le rôle de l'Etat dans la déportation des juifs. Notre Premier ministre, M. Lionel Jospin, a courageusement continué dans cette voie en juillet 1997. L'Eglise, enfin, a reconnu la vérité et a fait repentance devant le pays il y a quelques jours. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Et voilà que le président de la cour d'assises de la Gironde remet M. Papon en liberté !
Il ne s'agit pas ici de juger la décision de droit rendue par le président de la cour d'assises mais, à travers M. Papon, de juger ce que l'on pourrait appeler la bureaucratisation de l'horreur. Ce n'est pas M. Papon qui est jugé devant le pays et devant notre mémoire, ce sont les heures les plus noires de notre pays, qu'il s'agisse de la collaboration, de l'Algérie, ou du 17 octobre 1961, lorsque M. Papon était préfet de police et que 250 personnes ont été tuées avec barbarie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Thierry Mariani. Une question courte !
M. Noël Mamère. Je sais qu'il y a ici des hommes et des femmes qui sont des enfants de déportés,...
M. le président. Pouvez-vous conclure, je vous prie ?
M. Noël Mamère. ... déportés parce qu'ils étaient résistants, déportés parce qu'ils étaient juifs. Le souvenir du malheur, c'est encore le malheur. Et les souffrances qu'ils vivent aujourd'hui sont indicibles. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Arnaud Lepercq. La question !
M. Noël Mamère. Nous le savons, un jugement ne leur rendra pas ce qu'ils ont perdu et ne dissipera pas leurs souffrances.
Madame le garde des sceaux, l'un de nos collègues parlementaires, le sénateur Dreyfus-Schmidt, a rédigé une proposition de loi tendant à ce que la cour d'assises puisse présenter un mandat de dépôt visant un prévenu. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Pouvez-vous conclure, monsieur Mamère ?
M. Noël Mamère. Cette proposition de loi me semble aller dans le bon sens. Vous pouvez, madame le garde des sceaux, en faire un projet de loi que vous nous appelleriez à voter avant le mois de décembre afin qu'il puisse s'appliquer dans ce cas car, dans notre pays, les lois ne sont pas rétroactives.
M. Jean-Paul Charié. La question !
M. Noël Mamère. Pouvez-vous nous indiquer votre position à ce sujet ?
M. le président. Monsieur Mamère, vous avez été trop long. Je signale toutefois que nous avons jusqu'à seize heures cinq pour les questions.
M. Thierry Mariani. Il ne reste même pas un quart d'heure !
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. La mise en liberté de M. Papon soulève l'importante question de la garantie d'exécution de la décision de la cour d'assises.
Devant les tribunaux correctionnels, les juges peuvent décider un mandat de dépôt ou un mandat d'arrêt à l'audience en vue d'une exécution immédiate de la peine. Mais cette possibilité n'existe pas devant la cour d'assises.
La proposition de loi présentée au Sénat permettrait de résoudre cette difficulté. Cependant, je ne pense pas que nous devions légiférer sur des cas particuliers car je crois que les lois de circonstance ne sont pas de bonnes lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Cela dit, il s'agit d'une vraie question qu'il conviendra d'étudier dans le cadre de la réforme de la procédure pénale que je soumettrai à votre assemblée au début de l'année prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Noël Mamère
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 octobre 1997