DOM : banques et établissements financiers
Question de :
M. Alfred Marie-Jeanne
Martinique (4e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 27 mai 1998
M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.
M. Alfred Marie-Jeanne. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Créée en 1964 par l'Etat, la SODERAG - société de développement régional antillo-guyanaise - se meurt, malgré l'injection, en 1994, de 350 millions de francs de fonds publics par l'intermédiaire de la Caisse française de développement, récemment rebaptisée Agence française de développement.
Au vu des carences constatées dans la gestion et des risques juridiques encourus - condamnation de deux débiteurs à rembourser leur apport initial -, au vu d'une politique de recouvrement abusive ayant abouti à détruire une fraction non négligeable de petites et moyennes entreprises, cet outil de financement des investissements doit disparaître sans tarder.
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures envisagez-vous pour remplacer un tel outil par la création d'une banque de développement ad hoc, avec la région notamment ? Quel sort sera réservé aux vingt-quatre employés déjà licenciés dont treize en Martinique, huit en Guadeloupe et trois en Guyane ? Quelles dispositions sont prises pour arrêter les procédures judiciaires et les saisies à l'encontre des clients victimes ? Les fonds publics ont-ils été utilisés à bon escient pour le redressement ? Que sont devenus les fonds privés du fonds de garantie mutualisé et géré abusivement par la SODERAG pour le compte de ses emprunteurs ?
Comme il ne saurait y avoir d'économie saine avec un système financier en piteux état, je vous exhorte, monsieur le Premier ministre, à mettre en place une commission d'enquête parlementaire afin d'éclaircir toutes ces affaires plus ou moins ténébreuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur - qui n'est guère un spécialiste des affaires ténébreuses. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, en l'absence de M. Queyranne,...
M. Alfred Marie-Jeanne. La question gêne-t-elle le Gouvernement ?
M. le ministre de l'intérieur. ... c'est moi qui vous répondrai.
La SODERAG est victime d'une situation très difficile qui résulte, d'une part, d'une gestion contestable et, d'autre part, d'un environnement économique difficile dans nos trois départements d'Amérique.
Les efforts de l'Etat n'ont cependant pas manqué. Alors que la SODERAG affichait une perte de 164,2 millions pour 1997, aboutissant à une perte cumulée de 456 millions de francs, les fonds mis à sa disposition par l'Agence française de développement, donc par l'Etat, ont atteint 300 millions de francs. De tels fonds ne permettent de faire face qu'à un risque dont le montant pourrait atteindre, selon les estimations qui me sont fournies, 900 millions de francs. Aussi, malgré le rachat de la SODERAG par la CFD, on s'achemine vers une liquidation qui semble inéluctable, faute que les ratios prudentiels aient été respectés. La commission bancaire a exigé soit le retrait d'agrément, soit une nouvelle recapitalisation qui porterait sur plusieurs centaines de millions de francs, ce qui n'apparaît pas possible. Dans ces conditions, un plan social, qui a été jugé suffisamment satisfaisant pour qu'un protocole ait été signé le 19 mai par les représentants du personnel, a été adopté.
Par ailleurs, sur le point de savoir comment remplacer la SODERAG dans les départements des Antilles et de la Guyane, sachez, monsieur le député, que d'ores et déjà l'activité de cet organisme est assurée par des sociétés de crédit du groupe de l'Agence française de développement.
Globalement, il faut bien voir que le fait de prêter à des entreprises dont la rentabilité, pour beaucoup d'entre elles, est faible, représente très souvent un risque considérable. L'Assemblée nationale, à son initiative, avait rendu moins favorable la défiscalisation des investissements. C'est un processus que l'on a appelé «la tunnelisation». Le Gouvernement s'attache à corriger cette situation. Il travaille à favoriser le développement des investissements productifs en renforçant les dispositifs de garantie au bénéfice des PME-PMI de l'outre-mer. Cela dit, nous nous acheminons vers un dispositif moins opaque, plus efficace et, je l'espère aussi, moins coûteux pour les finances publiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Alfred Marie-Jeanne
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : outre-mer
Ministère répondant : outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mai 1998