Question au Gouvernement n° 667 :
délinquance

11e Législature

Question de : M. Patrick Braouezec
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 28 mai 1998

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.
M. Patrick Braouezec. Madame la ministre de la justice, le 2 juin prochain se tiendra une réunion du conseil de sécurité intérieure consacrée à la délinquance des mineurs.
Face à des actes qui mettent en cause l'intégrité des rapports humains, la tentation est grande de céder à des mesures spectaculaires et uniquement répressives.
Le rapport élaboré par nos deux collègues, Mme Lazerges et M. Balduyck,...
M. Jean Glavany. Très bon rapport.
M. Robert Pandraud. C'est vrai.
M. Patrick Braouezec. ... réaffirme à juste titre la primauté des mesures éducatives marquée par l'esprit de l'ordonnance de 1945.
C'est ce que confirme Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, quand il préconise de «réunir les moyens réellement éducatifs qui font trop souvent défaut à la justice des mineurs et, surtout, de s'attacher aux facteurs déclenchants de cette délinquance». Ces propos prennent un sens particulier au regard de la situation en Seine-Saint-Denis: 400 mesures éducatives prononcées par des juges pour enfants attendent que l'on trouve un éducateur pour être appliquées. Les services de la protection judiciaire de la jeunesse ont perdu 50 postes en dix ans. Un foyer d'hébergement situé au Raincy est fermé depuis deux ans. Le centre d'action éducative de Saint-Denis continue d'intervenir sur un secteur couvrant une population correspondant au double de la moyenne admise en zone urbaine. C'est encore la brigade des mineurs qui a vu ses effectifs fondre en quelques années de soixante-quinze à douze personnes.
La Seine-Saint-Denis, comme d'autres départements, n'a pourtant pas connu une évolution de la délinquance qui justifierait cette cure d'amaigrissement de l'ensemble des dispositifs d'Etat concernant les mineurs.
Je souhaite donc, madame la ministre, que les orientations qui seront prises lors du conseil de sécurité intérieure confirment l'engagement de mener une politique éducative incluant les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre et ne cèdent pas à la tentation d'une justice d'exception aggravant les exclusions.
C'est pourquoi, je vous demande de bien vouloir m'indiquer les dispositions qui seront prises pour que la justice des mineurs soit en mesure de mener à bien sa mission éducative dans le cadre de la protection de l'enfance en danger et du traitement de la délinquance des mineurs, tant en Seine-Saint-Denis qu'au niveau national. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, à qui je demanderai d'être assez brève, afin de laisser à M. Bocquet le temps de poser sa question.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, dès son entrée en fonctions, le Gouvernement a pris des mesures pour mieux traiter ce très grave problème de société qu'est la délinquance des mineurs.
J'ai, pour ma part, inscrit cette question au premier rang des priorités budgétaires de mon ministère, en accordant, pour la première fois depuis des années et des années, cent postes d'éducateur supplémentaires, en augmentant le nombre de juges pour enfant - seize postes ont ainsi été créés, ce qui, là encore, est sans précédent -, en affectant aux quartiers des mineurs dans les prisons, cinquante nouveaux postes de surveillant.
Pour sa part, le ministre de l'intérieur a engagé 2 000 agents de sécurité dans vingt-six agglomérations où les problèmes sont les plus préoccupants. Avec les ministres de l'éducation, de l'emploi et de la solidarité, de l'enseignement scolaire et de la ville, nous avons engagé un travail de lutte contre les violences scolaires. Le Gouvernement entend renforcer encore ce dispositif en assurant une meilleure détection en amont des familles et des enfants à problèmes et en responsabilisant davantage l'ensemble des acteurs - familles, travailleurs sociaux, enseignants, policiers, gendarmes et magistrats. Il importe que les services de l'Etat soient mieux coordonnés comme avec les conseils généraux.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite une plus grande rapidité de réaction des services, car il ne faut pas que les actes de délinquance puissent rester sans réponse. A cet égard, vous avez noté que je vais déposer à l'Assemblée nationale un projet de loi sur la simplification des procédures pénales...
Mme Odette Grzegrzulka. Très bien !
Mme la garde des sceaux, ... qui tend à généraliser sur le territoire ce qui a été expérimenté en Seine-Saint-Denis, c'est-à-dire une convocation en temps réel des enfants et des adolescents avec leurs parents pour une responsabilisation immédiate, la confrontation avec les victimes et une intervention rapide de la justice.
Ce sont toutes ces questions que le Gouvernement a voulu approfondir, car un phénomène aussi complexe ne peut recevoir qu'une seule réponse.
En Seine-Saint-Denis, la situation est particulièrement difficile, je le reconnais.
M. le président. Il vous faut conclure, madame la garde des sceaux !
Mme la garde des sceaux. J'ai décidé de créer un service de la protection judiciaire de la jeunesse à Pierrefitte, de faire en sorte - et j'espère que nous en aurons les moyens - que les mesures éducatives ne restent pas sans réponse car cela décrédibilise l'intervention de la justice. Il importe également de multiplier les réponses éducatives pour faire face à la diversité des situations.
C'est à toutes ces questions que sera consacré le conseil de sécurité intérieure que le Premier ministre réunira la semaine prochaine et sur lesquelles nous avons la ferme volonté d'apporter des réponses adaptées au terrain et qui tournent le dos aux effets d'annonce. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Patrick Braouezec

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Jeunes

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 mai 1998

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