politique fiscale
Question de :
M. Philippe Armand Martin
Marne (6e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 28 mai 1998
M. le président. La parole est à M. Philippe Martin.
M. Philippe Martin. Madame la ministre de l'environnement, dès qu'il s'agit de taxer les Français, le Gouvernement auquel vous appartenez fait preuve d'une imagination débordante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Depuis quelques jours, vous affichez l'introduction d'une nouvelle fiscalité écologique comme l'une de vos priorités. Passons sur la future taxe européenne sur l'énergie, dite «taxe CO2», destinée à réduire l'effet de serre et dont vous détournez d'ailleurs le produit puisqu'elle servirait essentiellement à éponger la baisse des cotisations patronales lors du passage aux 35 heures. C'est donc une première taxe verte pour compenser les méfaits de votre mauvaise politique économique et qui ne contribuera en rien à la qualité de notre environnement.
Mais parlons plutôt de la suppression du différentiel de prix entre l'essence et le gazole.
Vous avez choisi d'accélérer l'alignement de la fiscalité des carburants. Votre ami, l'économiste vert Alain Lipietz, auteur d'un récent rapport sur la question, explique pourtant que l'avantage actuel du diesel profite d'abord aux moins riches. M. Strauss-Kahn affirmait quant à lui, la semaine dernière, que le différentiel de prix ne se justifierait pas du point de vue industriel.
Pourtant, son collègue du Gouvernement, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, refuse lui, je le cite, «que l'on fustige le gazole». Et il ajoute: «A force de montrer du doigt le diesel, on risque de fragiliser l'industrie automobile française qui fait travailler plus d'un million de personnes.»
Ma question sera simple, madame la ministre. («Ah» ! sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Quand cesserez-vous donc, par vos décisions idéologiques et vos marchandages politiciens (Protestations sur les bancs du groupe Radical, citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République), de fragiliser l'emploi et de freiner la compétitivité de nos entreprises, notamment celle des transporteurs routiers, au moment précis où l'Europe s'ouvre à la déréglementation et au cabotage ?
Quelle est enfin l'opportunité de ces nouvelles taxes si nous sommes les seuls en Europe à les appliquer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, pour une réponse courte.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le député, votre question comporte deux aspects fort différents.
Ainsi que vous l'avez noté, nous sommes en train de discuter au niveau européen sur une directive européenne relative à la taxation de l'énergie.
M. Jacques Myard. Une de plus !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La discussion n'a pas encore permis de trancher si cette directive devait concerner uniquement l'énergie ou si elle devait lancer un signal par rapport aux émissions de CO2, dans la mesure où nous avons pris des engagements internationaux pour réduire de façon significative ces dernières.
M. Robert Pandraud. C'est quoi le CO2 ?
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. S'agissant de cette discussion, les choses sont relativement claires: il est hors de question d'alourdir la fiscalité, mais il s'agit de donner des signaux fiscaux différents. Nous souhaitons en encourager tel ou tel type de comportement ou décourager tel ou tel autre type de comportement néfaste d'un point de vue écologique, tout en allégeant la fiscalité qui pèse sur le travail afin de favoriser le maintien et la création d'emplois.
Pour ce qui est du différentiel entre le prix de l'essence et celui du gazole, je me vois contrainte de vous rafraîchir la mémoire. En effet, vous devez savoir que, à l'initiative de mon prédécesseur et en concertation avec le ministre de l'industrie de l'époque, un rapport avait été annexé au projet de loi de finances pour 1997, qui démontrait que l'avantage dont bénéficiait le gazole n'était justifié ni sur le plan écologique, ni sur le plan économique. (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Mais le précédent gouvernement n'avait pas eu le courage de dire la vérité aux Français.
La plupart des pays de l'Union européenne ont choisi de maintenir un différentiel entre le prix de l'essence et celui du gazole. Il est en moyenne de 0,94 franc en Europe alors qu'il est de 1,43 franc en France. Il n'y a donc rien de scandaleux d'imaginer effectuer un rattrapage en plusieurs années: il ne nuirait pas aux camionneurs français, dans la mesure où il viserait seulement à aligner le différentiel français sur le différentiel européen.
J'insisterai sur un point qui me paraît fondamental: la nécessité de dégager les moyens qui permettront une modernisation sociale du secteur du transport routier. En effet, vous savez comme moi, que, malgré de nombreux mouvements sociaux, largement soutenus par la population et par les membres de cette assemblée, ce secteur n'est pas encore parvenu à mettre en place des mesures sociales justes. Il est absolument indispensable que l'Etat joue son rôle et fasse les propositions qui s'imposent, y compris sur le plan financier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Auteur : M. Philippe Armand Martin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement
Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 mai 1998