Question au Gouvernement n° 686 :
Asie

11e Législature

Question de : M. Alain Tourret
Calvados (6e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 3 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.
M. Alain Tourret. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense nationale.
Monsieur le ministre, l'Asie, et plus spécialement le sous-continent indien, vient de relancer la course au tout-nucléaire. Après les cinq essais de l'Inde, ceux du Pakistan compromettent à nouveau le régime de contrôle des armements nucléaires. Le risque d'engrenage est évident, de même que le risque de prolifération. Le Pakistan est la première puissance islamique à se doter de l'arme nucléaire et l'on peut se demander si l'Iran, Etat frontalier du Pakistan, ne va pas s'inspirer de son exemple. Or Israël, puissance dotée, semble-t-il, de la bombe atomique il y a près de quarante ans avec l'appui de la France, vient de préciser par la voix de son Premier ministre que la face de tout le Proche-Orient en serait changée.
Le Président de la République, au vu de cette situation explosive («Oh que oui !» et sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), vient d'inviter le club des cinq pays nucléaires à se réunir le plus vite possible.
Quelle est la position du Gouvernement français ?
En contrepartie du moratoire proposé par l'Inde, les grandes puissances, dont la France, sont-elles prêtes à offrir des garanties de sécurité et une aide en matière de nucléaire civil ?
De quels moyens dispose la France pour convaincre l'Inde et le Pakistan de signer le traité d'interdiction totale des essais nucléaires et de se joindre aux négociations sur l'arrêt de la production de matière fissile à des fins nucléaires ?
La France qui, pour l'instant, semble réservée sur l'idée de sanctions, restera-t-elle sur cette position si de nouveaux essais atomiques avaient lieu ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, d'abord les essais auquels ont procédé l'Inde et le Pakistan ne changent absolument rien à la doctrine française de dissuasion nucléaire telle qu'elle a été définie, exprimée et adaptée, quand il le fallait, par les cinq présidents successifs de la Ve République.
S'agissant de la situation nouvelle créée par ces essais, il faut distringuer deux volets. D'une part, ces essais portent atteinte, avec, effectivement un risque de contagion et d'engrenage au régime actuel de non-prolifération tel qu'il a été instauré par le traité du même nom en 1967 et qui régit l'ordre stratégique mondial depuis lors. La première priorité de notre action consiste à tout faire pour restaurer la crédibilité de cet instrument de régulation et de maîtrise stratégique, voire de le conforter si possible. Ce sera l'un des objets de la réunion des membres permanents du Conseil de sécurité qui se tiendra à Genève jeudi après-midi, au niveau des ministres des affaires étrangères.
Notre politique, et c'est un autre de ses aspects, vise en quelque sorte à prendre au mot l'Inde et le Pakistan qui, après avoir effectué ces essais, se sont déclarés prêts à engager, dans certaines conditions restant à préciser, une négociation leur permettant d'adhérer au traité sur l'interdiction des essais. Il en va de même pour l'autre négociation qui n'a pas encore commencé mais à laquelle vous avez fait allusion: celle qu'on appelle le cut off dans le jargon. Elle porte sur l'arrêt de la production de matières fissiles à des fins d'énergie nucléaire militaire puisque d'autres usages eux, sont tout à fait judicieux, au contraire. Tel est le sens dans lequel s'organise l'action des membres permanents du Conseil de sécurité et de toute une série d'autres puissances motivées également par cette situation. Le Japon a pris, lui aussi, plusieurs initiatives.
D'autre part, et j'en viens ainsi au second volet qui nous occupe au sein du Conseil de sécurité qui porte sur la tension dans la région «indépendamment» de la situation nucléaire. Cette tension est ancienne. Remontant aux conditions de la création du Pakistan, à côté de l'Inde, elle est essentiellement centrée sur la question du Cachemire. Une très forte activité diplomatique se déploie à ce sujet. Des émissaires pakistanais et un envoyé indien, qui a été reçu hier par le Président de la République et que j'ai vu moi-même ce matin, sont en visite à Paris. Nous essayons de travailler en termes de mesures de confiance, de réouverture d'un dialogue entre les deux pays et de recherche d'une solution sur un problème qui est à la source de l'ensemble du différend. Les essais n'en ont été qu'une expression, pas la cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Données clés

Auteur : M. Alain Tourret

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juin 1998

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