Question au Gouvernement n° 699 :
Air France

11e Législature

Question de : M. François Bayrou
Pyrénées-Atlantiques (2e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 10 juin 1998

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.
M. François Bayrou. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et, en son absence, à son représentant.
La grève d'Air France est sous les projecteurs en raison du Mondial. Mais, nous le savons tous, même si les dégâts causés à l'image de la France sont considérables dans une période aussi médiatique, le Mondial n'est pas seul en cause. L'économie nationale, et en particulier l'économie des régions les plus éloignées de la capitale, est profondément atteinte.
Je prendrai un seul exemple. Nous avons, à Pau, huit liaisons aériennes quotidiennes avec Paris, toutes assurées par Air France. Aujourd'hui, mardi, sept liaisons sur huit sont annulées et demain, mercredi, les huit liaisons seront annulées. Tous nos collègues savent ce que cela signifie en termes économiques et humains.
Tout le monde a parlé des responsabilités internes à l'entreprise, mais les responsabilités ne sont pas seulement internes.
La décision prise par le Gouvernement au mois de septembre de renvoyer, ou de laisser démissionner, le PDG de l'entreprise, M. Christian Blanc, a été un signe très important dans le déclenchement de ce conflit. D'autant que cette décision a été accompagnée de déclarations de plusieurs membres du Gouvernement, dont le ministre des transports, laissant entendre qu'il s'agissait de changer de politique.
M. Jean-Claude Gayssot a en particulier déclaré, comme le relate une dépêche du 5 septembre: «Le président d'Air France a choisi de rester lié à la logique de MM. Balladur et Juppé, et chacun sait ce qu'il est advenu de cette logique aux élections du mois de juin.» Comment voulez-vous, monsieur le ministre des transports, qu'à l'intérieur de l'entreprise, les différents partenaires du dialogue social ne comprennent pas...
Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
M. François Bayrou. ... que c'était un changement de politique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que supposait la nomination de M. Spinetta à la place de M. Blanc ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Et lorsque votre ami M. Hue a dit il y a quelques jours: «Jean-Claude Gayssot ne sera pas le ministre de la baisse des salaires», comment voulez-vous que cela ne soit pas ressenti à l'intérieur de l'entreprise comme un signe de soutien à certaines résistances à la modernisation d'Air France ?
Ma question est donc simple («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste): de quelle manière le Gouvernement, qui porte une responsabilité importante dans ce conflit, compte-t-il éteindre l'incendie qu'il a contribué à allumer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le député, votre chute est significative. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
M. Pierre Lellouche. Parlez de la vôtre !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous préféreriez sans doute que, comme les précédents, ce gouvernement soit celui de l'ultralibéralisme et de la baisse des salaires. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Eh bien, ce ne sera pas le cas ! Nous avons fait un choix différent. Celui-ci s'inscrit dans une démarche somme toute logique, qui mérite débat, mais il ne s'agit pas, sur une question aussi grave, de se jeter des anathèmes (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants); il faut regarder la situation en face.
Air France était dans une situation très difficile en 1993.
M. Jacques Baumel. A cause de qui ?
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cette situation a commencé à se rétablir grâce à un effort considérable des salariés, grâce aussi à un effort considérable de l'Etat, puisque 20 milliards de francs ont été investis dans la société.
M. Pierre Lellouche. Grâce à qui ? A Juppé !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Aujourd'hui, nous sommes à un moment charnière. Il s'agit de tout faire pour que cette entreprise, qui est en train de se redresser (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...
Je sais que vous préféreriez, pour justifier votre argumentation, une situation inverse, mais l'entreprise est bien en voie de redressement (Protestations sur les mêmes bancs), et nous allons tout faire pour que sa situation soit non seulement confortée, mais aussi pour qu'elle se concrétise dans un développement de l'emploi, du rayonnement de la compagnie et de sa place dans le monde. Et nous allons y arriver !
Le Gouvernement a, depuis le début du conflit, un seul souci: faire en sorte que le redressement engagé se poursuive mais aussi se traduise par des succès. Cette entreprise publique a de vrais atouts pour un développement durable, des atouts importants pour les années à venir en ce qui concerne non seulement l'emploi mais aussi la place de la compagnie dans le monde.
Monsieur le député, vous avez parlé de votre région et nous sommes favorables à ce que cette entreprise publique puisse jouer tout son rôle de service public dans l'économie régionale. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Trouver une issue au conflit est indispensable. Cela ne peut se faire que dans le respect des objectifs économiques fixés par le Gouvernement et par le président de l'entreprise. C'est d'ailleurs pourquoi un conseil d'administration est prévu prochainement.
Pour ce qui me concerne, je parie toujours sur l'esprit de responsabilité de chacun. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Chaque heure, chaque minute doit être utilisée pour la discussion et la négociation. Si je vous ai bien compris, mesdames, messieurs de la droite, vous préférez la contrainte. Nous, nous préférons convaincre (Mêmes mouvements) et nous ne ménagerons aucun effort pour parvenir à une solution rapide dans l'intérêt d'Air France et dans l'intérêt de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste, et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. François Bayrou

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : équipement et transports

Ministère répondant : équipement et transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 juin 1998

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