Question au Gouvernement n° 712 :
Air France

11e Législature

Question de : M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 11 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin.
M. Yves Nicolin. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, après dix jours de grève,...
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est fini !
M. Yves Nicolin. ... l'une des plus déplorables pour l'image de notre pays, Air France aura perdu plus de 1 milliard de francs, alors même que cette entreprise reste endettée à hauteur de plus de 27 milliards.
M. Charles Cova. Grâce à Gayssot !
M. Didier Boulaud. Il faut prendre l'argent dans les caisses du RPR !
M. Yves Nicolin. L'image de la compagnie tout comme sa santé financière se trouvent aujourd'hui lourdement pénalisées. Loin d'être glorieuse, la sortie du conflit que votre gouvernement vient d'entériner confirme le reniement de vos propres engagements personnels. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Comme le relèvent le SNPL, la CFDT et la presse d'aujourd'hui, vous vous étiez engagé par écrit, en mai 1997, à mettre fin à toute pratique de substitution entre les salaires et la participation au capital. Autrement dit, vous condamniez les échanges d'actions d'Air France contre des baisses de salaires. Qu'est devenue cette promesse de campagne au premier conflit rencontré ? Vous l'avez reniée.
Mais il y a plus grave. Vous acceptez cet échange dans des conditions qui ne pourront être réunies très longtemps. En refusant de privatiser l'entreprise, cet accord est en fait en véritable marché de dupes. Il ne règle rien; il vous permet tout au plus de gagner un peu de temps. Rapidement surviendront d'autres grèves et des millions de Français seront à nouveau pris en otage, des entreprises à nouveau fragilisées, des emplois à nouveau perdus.
En acceptant de rester l'otage du dogme communiste, vous contribuez au déclin d'Air France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Quand permettrez-vous, monsieur le Premier ministre, à cette entreprise et à notre économie de pouvoir se battre à armes égales contre leurs concurrentes étrangères ? Vous le savez, mais vous vous y refusez, alors que des millions d'emplois nouveaux sont en jeu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur divers bancs, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Mme Martine David. Quel clown !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, un accord a été effectivement conclu ce matin entre le président d'Air France et le principal syndicat de pilotes de cette compagnie. Il permet une reprise rapide de l'activité.
Comme je l'avais souligné à l'issue de l'entretien que j'avais eu avec M. Jean-Cyril Spinetta, en plein accord et en présence du ministre des transports, M. Jean-Claude Gayssot, et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Dominique Strauss-Kahn, la préoccupation du Gouvernement devant ce conflit a été d'assurer l'avenir d'Air France, notre compagnie nationale. A mon sens, l'accord trouvé répond à cette préoccupation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Pierre Lellouche. Vous avez tout lâché !
M. le Premier ministre. Si ce conflit a été long, trop long...
M. Philippe Auberger. A qui la faute ?
M. le Premier ministre. ... le dialogue a permis néanmoins d'aboutir. Un cadre est désormais fixé, conforme aux objectifs de développement de l'entreprise, qui reposent sur l'indispensable renforcement de sa compétitivité.
La nécessité d'une maîtrise des coûts des personnels navigants techniques est reconnue; elle se traduit en particulier par le maintien en francs courants de la grille de rémunération pour toute la durée de l'accord.
Le principe d'un échange salaires-actions, voulu par la direction, est acquis sur une base volontaire. Comme il a été annoncé, la double échelle de salaires se verra substituer un système de rémunération spécifique pour les jeunes pilotes formés par l'entreprise - et en raison même de cette formation.
M. René André. Cela existait auparavant !
M. le Premier ministre. De leur côté, les pouvoirs publics ont créé les conditions favorables au développement d'Air France, après la recapitalisation de 20 milliards au profit de l'entreprise: lancement des travaux de construction de deux nouvelles pistes à Roissy, («Les Verts ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui donneront à cet aéroport des perspectives sans commune mesure en Europe, conclusion avec les Etats-Unis d'un accord bilatéral de trafic aérien, qui doit aboutir à la création de nouvelles liaisons transatlantiques et faciliter les partenariats entre Air France et les grandes compagnies américaines - qui recherchent ce partenariat sans se préoccuper au même point que vous du statut de l'entreprise.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. C'est faux !
M. le Premier ministre. Il appartient désormais aux partenaires de préciser, d'ici à la fin août, les conditions de mise en oeuvre des principes fixés par l'accord de ce matin, dans le respect des objectifs d'amélioration de compétitivité, garants du développement durable de la compagnie.
Quant à la privatisation, monsieur le député, j'ai du mal à comprendre votre logique: en quoi les problèmes auraient-ils été résolus par miracle du fait de la privatisation d'Air France ? Une compagnie privatisée, me semble-t-il, aurait insisté davantage encore sur la rigueur salariale, nécessaire à l'égard de ses pilotes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Arnaud Lepercq. Les actions Air France auraient une valeur !
M. le Premier ministre. Au demeurant, il n'est nullement nécessaire qu'une entreprise soit totalement privatisée pour que ses actions soient valorisées. France Telecom en a fait l'éclatante démonstration sur les marchés lorsque nous avons ouvert son capital. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et nous avons l'intention d'ouvrir le capital d'Air France.
Je suis de ceux qui se réjouissent que ce conflit se termine alors que j'ai eu l'impression que vous le déploriez. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous n'avons pas la même philosophie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Et comme il ne me paraît pas qu'en matière de conflits sociaux, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, vous soyez apparus au cours de ces dernières années comme les meilleurs spécialistes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), laissez à la direction d'Air France, avec le Gouvernement en appui, le mérite d'avoir su négocier autant qu'il était possible, d'avoir su dialoguer sans rien céder sur l'essentiel, si bien qu'aujourd'hui ce conflit difficile est enfin résolu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Yves Nicolin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juin 1998

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