Question au Gouvernement n° 716 :
délocalisations

11e Législature

Question de : M. Patrice Carvalho
Oise (6e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 11 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.
M. Patrice Carvalho. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les délocalisations pratiquées par les grands groupes industriels.
Ces pratiques se poursuivent au gré de stratégies qui ignorent les salariés et l'intérêt des nations. Si nous n'y mettons pas un terme, il faudra renoncer à toute perspective d'amélioration de la situation de l'emploi et de relance économique.
Je prendrai l'exemple de la Biscuiterie Nantaise, installée à Compiègne dont la fermeture vient d'être brutalement annoncée pour la fin de l'année.
La Biscuiterie Nantaise a été récemment partagée entre deux géants de l'agroalimentaire: d'un côté le groupe américain Pepsi-Cola, qui annonce la délocalisation de la production compiégnoise vers la Hollande ou la Belgique il n'est pas besoin de s'étendre sur les résultats de Pepsi-Cola qui sont colossaux; de l'autre, le groupe anglais United Biscuits, qui n'est pas non plus une multinationale en difficulté et a pourtant décidé de fermer l'usine de Compiègne.
Or, ces deux groupes ont bénéficié de fonds publics importants sous diverses formes.
Il est urgent de prendre des mesures contre ces délocalisations. Aucun plan de licenciements ne doit pouvoir se concrétiser sans que toutes les solutions permettant un maintien de la production sur place et une relance n'aient été examinées. C'est le cas, dans l'Oise, de la BN, à Compiègne, mais c'est aussi le cas de Desnoyer.
M. Lucien Degauchy. Les trente-cinq heures ?
M. Patrice Carvalho. Que compte faire le Gouvernement sur ces dossiers majeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. Rien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, tous les investissements réalisés par des entreprises françaises à l'étranger ne sont pas obligatoirement mauvais, vous en serez sûrement d'accord. D'ailleurs, au cours des années 80 et 90, nous avons rattrapé un certain retard en ce domaine, notamment en direction de pays industrialisés, non pas pour des questions de coût de main-d'oeuvre, mais pour conquérir des marchés. Ces investissements-là, je pense que nous devons les soutenir. Si je peux me permettre une comparaison, en ce jour particulier, je dirai que nous devons battre l'adversaire sur notre terrain, mais aussi aller le battre au match retour sur le sien !
Nous ne pouvons pas pour autant laisser faire, sans réagir, d'autres départs de productions qui, eux, ne constituent pas un avantage de conquête de marchés extérieurs, mais sont une perte de substance pour l'économie française. Il faut bien les distinguer des précédents.
S'agissant de ces derniers, il est clair que nous devons examiner la situation de l'entreprise de très près. Ma collègue, ministre de l'emploi et de la solidarité, qui est aujourd'hui au Sénat, m'a autorisé à vous dire que ses services regarderont avec attention la façon dont la Biscuiterie Nantaise de Compiègne remplit ses obligations. Vous avez raison: les actionnaires en cause sont très riches; ce n'est pas une entreprise en difficulté; au contraire, la situation est saine. Il n'y a aucune raison d'accepter qu'une pareille entreprise puisse faire reposer sur la collectivité, au lieu de les prendre à sa charge, les conséquences d'une décision que, par ailleurs, nous n'approuvons pas.
Les services du ministère de l'emploi seront donc très vigilants notamment quant aux emplois de substitution qui seront proposés sur le même site. Car il ne suffit pas de s'acquitter «proprement» d'une délocalisation qu'on a décidé, encore faut-il que, sur le site concerné, des emplois nouveaux soient créés.
Pour ce qui est de la Biscuiterie Nantaise, je veux vous apporter aujourd'hui les apaisements nécessaires: le ministère en charge de cette question la suivra attentivement.
A l'inverse, considérons aussi l'importance des investissements étrangers en France. Notre pays est au deuxième rang européen pour l'accueil des investissements étrangers. Et nous sommes heureux lorsque notre territoire accueille - le dernier exemple, le plus connu, est celui de Toyota - des emplois qui pourraient se délocaliser ailleurs.
Au passage, cela montre que le territoire français est attractif et que, contrairement à ce que j'entends parfois sur certains bancs, ni notre droit social, ni notre droit du travail, ni notre fiscalité, ni nos cotisations sociales n'empêchent les investisseurs étrangers de venir en France lorsqu'ils cherchent une bonne implantation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Dans ces conditions, soyons ouverts aux investissements qui viennent de l'extérieur. Soyons attentifs aux entreprises françaises qui vont conquérir des marchés dans d'autres pays. Mais surveillons celles qui décident de quitter notre territoire sans raisons évidentes. Cherchons toutes les solutions pour éviter ces délocalisations. Et lorsque nous ne sommes pas en mesure de les empêcher, veillons à ce que les entreprises, lorsque elles en ont les moyens, assument toutes les responsabilités qui leur incombent, notamment en matière de création de nouveaux emplois.
S'agissant de Compiègne, c'est cette voie qui sera suivie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Patrice Carvalho

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juin 1998

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