Question au Gouvernement n° 718 :
livrets d'épargne

11e Législature

Question de : M. Serge Poignant
Loire-Atlantique (10e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 11 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.
M. Serge Poignant. Monsieur le président, j'aurais aimé que M. le Premier ministre fût présent,...
M. Pierre Lellouche. Il est parti à la Coupe du monde !
M. Serge Poignant. ... car je souhaitais lui demander d'apporter une attention particulière à la question qui va suivre.
M. le président. Mes chers collègues, le Premier ministre et le président de l'Assemblée nationale sont aujourd'hui, à la demande personnelle du Président de la République, à la cérémonie d'ouverture de la Coupe du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Pierre Lellouche. Le devoir du Premier ministre est d'être ici, ce n'est pas d'être au foot.
M. le président. Poursuivez, monsieur Poignant.
M. Serge Poignant. Je le regrettais simplement ! Je voulais, en effet, revenir quelques instants sur cette question majeure de la diminution du taux du livret A.
Lorsque des modifications de ce taux ont eu lieu dans le passé - il y en a eu -, c'est toujours parce que le taux d'inflation avait fortement baissé. Or, heureusement, depuis plusieurs années, l'inflation est maîtrisée en France. La décision que vous avez prise n'a donc rien à voir avec cet aspect.
Il y a plusieurs millions de Français qui, sur leur livret A, détiennent 1 000 francs. C'est donc de l'épargne populaire, de petites économies, et la mesure que vous prenez revient à amputer leur pouvoir d'achat.
Vous justifiez cette décision en expliquant que cela va permettre de relancer le logement social. Essayons d'être précis. S'il n'y a pas de diminution de la collecte du livret A, cela veut dire qu'il y aura une amputation du pouvoir d'achat, et si un certain nombre de nos concitoyens choisissent le livret populaire, cela signifie qu'il n'y aura plus de base à de nouveaux efforts en faveur du logement social. Par conséquent, quelle que soit la manière dont on prend le problème, cela revient à une amputation du pouvoir d'achat pour des millions et des millions de Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Ma conclusion est simple. Ce dont l'économie française a besoin aujourd'hui, ce n'est pas d'une amputation par des prélèvements supplémentaires. Cette voie-là ne peut pas réussir et c'est pourquoi nous la condamnons. Je voudrais savoir ce qu'en pense M. le Premier ministre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Millon dehors !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je vais reprendre, rapidement, rassurez-vous, chacun des points que vous venez d'évoquer.
Vous avez expliqué que, d'habitude, lorsque le taux du livret A baissait, c'était parce que l'inflation venait de baisser. Cela fait plus d'un an qu'elle est à 1 %, et il y a donc plus d'un an que le taux du livret A aurait dû baisser. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Vous n'avez pas eu le courage de le faire alors que c'était nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Comme vous semblez l'ignorer, l'argent déposé sur le livret A sert, en effet, à financer le logement social. Celui-ci doit être financé à un taux permettant à ceux qui en ont besoin de se loger. Je pense que, même parmi vos électeurs, il y a des gens qui bénéficient du logement social et qui ont besoin que celui-ci soit financé à des taux lui permettant de se développer. Lorsque le taux du livret A est trop élevé par rapport à l'inflation, le financement du logement social est trop cher.
M. Patrick Ollier. Une fois de plus, vous touchez les classes moyennes !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer à l'Assemblée nationale il y a quelques jours, ce sont 25 000 francs par logement qui vont être économisés grâce à la mesure qui vient d'être prise, avec évidemment des conséquences sur le nombre de logements et sur les loyers.
Enfin, vous avez parlé de tous ceux qui avaient 1 000 francs sur un livret A. La baisse qui vient d'être décidée leur fera perdre 5 francs par an. Par conséquent, il vaut mieux qu'ils les déposent sur un livret d'épargne populaire. Son taux est resté à 4,75 %, contrairement à ce qui se passait auparavant: en même temps que vous baissiez le taux du livret A, vous baissiez celui du livret d'épargne populaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
M. Philippe Auberger. On a créé le livret jeunes !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ces conditions, je pense que chacun admettra que la baisse qui vient d'être décidée pour soutenir le logement social est justifiée. C'est la meilleure solution pour les petits épargnants, car le taux du livret d'épargne populaire ne bouge pas, ce qui correspond à la fois à un souci de justice sociale et au besoin de financer l'économie, notamment l'économie sociale, de façon satisfaisante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Serge Poignant

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Banques et établissements financiers

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juin 1998

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