Question au Gouvernement n° 726 :
politique familiale

11e Législature

Question de : Mme Christine Boutin
Yvelines (10e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 17 juin 1998

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.
Mme Christine Boutin. Monsieur le Premier ministre, lors de la conférence sur la famille (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), vous avez annoncé la restauration des allocations familiales pour tous. Nous ne pouvons que saluer cette décision, qui revient sur votre erreur idéologique de l'automne dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Tous les partenaires familiaux souhaitaient ce recul.
Vous avez même, paraît-il, inventé une «politique familiale de gauche» !
Mme Dominique Gillot. Tout à fait !
Mme. Christine Boutin. Mais les orientations que vous avez annoncées lors de cette conférence prouvent à l'évidence que la famille n'est pour vous qu'un groupe de pression comme un autre et qu'elle n'a d'intérêt que lorsqu'il s'agit de la récupérer à des fins électorales. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française, du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Pour nous, au contraire, la famille est un socle à partir duquel se construit la nation; nous prenons en compte sa composition et sa stabilité. Vous comprendrez donc que nous soyons inquiets devant les menaces que fait peser sur le droit matrimonial et familial le nouveau groupe de travail mis en place auprès de Mme Aubry et de Mme Guigou.
Mais revenons au caractère universel des allocations familiales. Ce principe est profondément battu en brèche par votre décision d'abaisser le plafond du quotient familial. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En effet, pour financer votre décision, le prix à payer est élevé: plus de 4 milliards de francs seront prélevés sur les familles et uniquement sur les familles !
Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe communiste. Quelles familles ?
Mme Chritine Boutin. L'extension des allocations familiales aux grands enfants à charge, l'extension de l'allocation de rentrée scolaire, l'augmentation de l'aide au logement, la majoration des allocations familiales pour les RMistes ainsi que d'autres décisions ne sont toujours pas financées.
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre: jusqu'où abaisserez-vous le plafond du quotient familial ? Avez-vous l'intention de le supprimer pour vous permettre de financer votre «politique familiale de gauche» ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame la députée, la famille ne peut être préemptée par personne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Chacun a une famille. La famille est le lieu naturel où l'on naît, où l'on se construit affectivement, où l'on trouve ses premiers repères, où l'on apprend à la fois l'autorité et la liberté et où l'on apprend - et c'est peut-être ce qui nous différencie - à se préparer à la solidarité et à la vie collective. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblemment pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La famille n'a de sens que si elle n'est pas repliée sur elle-même, si elle permet à l'enfant de grandir, de s'adapter et de s'insérer dans la société.
En effet, il y a une politique familiale de droite. Et il y a une politique familiale de gauche, une politique de solidarité et de justice. C'est cette politique que nous avons essayé de mener depuis un an. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je sais que cela vous gêne ! Mais à vous qui prétendez défendre la politique familiale, je rappelle qu'à notre arrivée au gouvernement, la branche famille était en déficit de 12 milliards de francs !
C'est cela attaquer la famille !
Je vous rappelle également que la loi présentée par M. Balladur, votée en 1994, n'était pas financée.
Or ne pas être capable de prévoir le financement de la politique familiale de demain, c'est aussi porter atteinte à la famille. Ce n'est pas ce que nous avons fait vendredi.
L'année dernière, nous avons été amenés à prendre une mesure de solidarité, la mise sous condition de ressources pour l'attribution des allocations familiales. Mais, à la suite des réactions d'un certain nombre d'associations familiales et d'organisations syndicales (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), nous avons accepté de travailler avec elles pour rechercher les meilleures solutions techniques, conformes à nos objectifs politiques et à une vraie politique de la famille, accordant toute leur place à la solidarité et à la justice.
La décision que M. le Premier ministre a prise vendredi est une bonne décision, qui a fait l'unanimité des organisations familiales et syndicales - sans doute est-ce la raison de vos réactions - et qui renforcera encore la politique de justice sociale que nous avons commencé à mettre en place dès l'année dernière.
Rassurez-vous, madame Boutin: peut-être ne le saviez-vous pas, mais 230 000 familles vont gagner au transfert du plafonnement vers le quotient familial. Les familles qui vont y perdre, 200 francs en moyenne par mois, sont celles ayant un enfant et dont les revenus dépassent 36 000 francs nets par mois, celles ayant deux enfants et dont les revenus dépassent 48 000 francs nets et celles ayant trois enfants et dont les revenus dépassent 62 000 francs nets.
M. Bernard Accoyer. Vous nous avez déjà fait la démonstration avec les 500 000 familles concernées par la mise sous condition de ressources pour les allocations familiales !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme l'a bien dit M. le Premier ministre, la politique, et certains pourraient se le rappeler, ne consiste pas à avoir raison contre tout le monde; elle consiste à accepter de discuter et de se concerter. Vendredi, et je m'en réjouis, grâce au travail de Mme Gillot, des rapporteurs et du Gouvernement, les associations familiales ont accepté, contrairement à l'année dernière, d'introduire une certaine solidarité dans la politique familiale efficace que nous souhaitons mettre en place. C'est peut-être cela qui vous gêne le plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

Données clés

Auteur : Mme Christine Boutin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 17 juin 1998

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