commerce intracommunautaire
Question de :
M. Jean Auclair
Creuse (2e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 18 juin 1998
M. le président. La parole est à M. Jean Auclair.
M. Jean Auclair. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, les 22 et 23 juin, vous aurez à vous prononcer sur la levée de l'embargo qui frappe la viande bovine anglaise. Même si la Commission européenne a pris une position favorable, céderez-vous - comme le Gouvernement a d'ailleurs souvent l'habitude de le faire - à ce lobby ou à ce diktat européen ou prendrez-vous une position courageuse et responsable en refusant la levée de l'embargo ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Glavany. N'a-t-il pas entendu ce qu'a déclaré M. Chirac à Londres ? Je crois rêver !
M. Jean Auclair. Rappelez-vous la situation catastrophique engendrée par la crise de la vache folle. Le traumatisme créé par l'importation de viande anglaise est encore trop frais. La traçabilité mise en place par le précédent gouvernement n'a pas encore suffisamment convaincu les foyers français et le doute est encore dans l'esprit des consommateurs, d'autant plus que l'étiquetage des viandes, avec mention obligatoire de l'origine, n'est pas appliqué au niveau européen et cela est très grave.
Monsieur le ministre, prendrez-vous le risque de voir une deuxième crise en autorisant de nouveau l'importation de viande bovine anglaise alors que l'on sait que l'identification des bovins britanniques est aléatoire, voir douteuse ?
Les données expérimentales confirmant que l'agent de la maladie de la vache folle a contaminé le mouton, c'est un embargo sur toutes les importations de viande ovine anglaise que vous devriez faire appliquer, et ce en vertu du principe de précaution.
M. Didier Boulaud. Et les hormones ?
M. Jean Auclair. Monsieur le ministre, je ne lis pas dans le marc de café, mais j'imagine d'ores et déjà la tragédie en trois actes que vous êtes en train d'écrire.
Acte I, vous allez sans doute accepter la levée de l'embargo malgré tous les risques qu'elle comporte.
Acte II, vous allez faire voter une loi d'orientation qui conduira rapidement à la suradministration de l'agriculture, donc à son déclin.
M. Dominique Baert. Ridicule !
M. Jean Auclair. Acte III, vous allez accepter l'inacceptable, comme vous dites, c'est-à-dire, à la virgule près, le paquet Santer et, ce faisant, vous porterez, là encore, un mauvais coup à notre agriculture, notamment au bassin allaitant du grand Massif central.
M. Albert Facon. Posez votre question !
M. Jean Auclair. Monsieur le ministre, le héros de cette tragédie, ce ne sera pas vous. Ce seront les agriculteurs et, plus particulièrement, les éleveurs qui, par votre faute, disparaîtront. Vous aurez ainsi prouvé une nouvelle fois le peu de crédit et d'intérêt que porte la majorité plurielle à une agriculture moderne, tournée vers l'avenir et propre à nourrir les hommes et à exporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française).
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, j'aurais été tenté de dire à M. le député Auclair: «Vous posez une bonne question et je vous en remercie.» Mais il est dommage que cette première question ait été associée à d'autres, l'une tenant au bassin allaitant et à son avenir, l'autre à la loi d'orientation.
M. Eric Doligé. Elles sont liées !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Avez-vous lu ce qui a été publié, monsieur le député ? («Non !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Aujourd'hui même, les professionnels du bassin allaitant se sont exprimés. Ils considèrent, dans un texte qui a été rendu public, que, sur cette question, le ministre a des positions qui vont dans le bon sens, et que la loi d'orientation agricole, notamment l'idée de contrat territorial, constitue une innovation intéressante.
M. Jean Auclair. On en reparlera !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. On en reparlera, dites-vous. Mais, pour l'instant, c'est vous qui m'en parlez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Par ailleurs, s'agissant de l'autre sujet que vous avez abordé, il ne vous aura pas échappé, si vous êtes attentif, que le comité vétérinaire permanent ne s'est pas prononcé sur la demande de levée de l'embargo et sur la proposition de la Commission. Cette question ne pourra donc pas être abordée lors du conseil agricole de la semaine prochaine.
Il n'en demeure pas moins que cette question est posée et que nous appliquerons en l'espèce la procédure prévue par l'accord de Florence: il impose de vérifier que toutes les conditions sanitaires sont réunies, notamment que le dispositif de traçabilité en Grande-Bretagne répond aux exigences définies.
Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi vous nous intentez un procès d'intention en prétendant que l'avenir est écrit. Rien n'est écrit d'avance, puisque, en ce domaine, nous appliquons, dans la lettre comme dans l'esprit, le principe de précaution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Auteur : M. Jean Auclair
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Commerce extérieur
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 juin 1998