Question au Gouvernement n° 761 :
caisses d'épargne

11e Législature

Question de : M. Dominique Dord
Savoie (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 25 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord.
M. Dominique Dord. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous vous apprêtez à transformer le statut des caisses d'épargne. Cette évolution est devenue souhaitable, semble-t-il. Nous y sommes donc favorables sur le principe, même si nous craignons, comme vous sans doute, une rapide banalisation de cette institution financière de grande proximité. Mais vous semblez vouloir profiter une nouvelle fois d'une réforme nécessaire pour opérer une ponction financière très importante sur l'épargne des Français. Vous comprendrez que nous y soyons résolument opposés.
De la même manière que vous avez profité du rétablissement, acrobatique et tardif, des allocations familiales, il y a quelques jours, pour prélever 4 milliards supplémentaires sur les familles de France,..
M. Bernard Accoyer. C'est vrai !
M. Arnaud Lepercq. Effet d'aubaine !
M. Dominique Dord. ... vous vous apprêtez ici à ponctionner au passage plus de 30 milliards de francs, dont, selon le président du directoire des caisses d'épargne lui-même, 17 milliards sur les fonds centraux des caisses d'épargne, c'est-à-dire sur l'épargne patiemment, difficilement constituée au jour le jour par plus de 20 millions de petits épargnants français. (Exclamation sur les bancs du groupe socialiste).
Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Scandaleux !
M. Dominique Dord. Monsieur le ministre, nous sommes résolument opposés à cette forme indolore de spoliation des Français, pour deux raisons.
La première, c'est qu'il nous paraît choquant d'assécher, de nationaliser ainsi de telles sommes...
M. Philippe Auberger. C'est du pillage !
M. Dominique Dord. ... sur un groupe financier qui n'a jamais rien demandé à l'Etat, alors que d'autres établissements financiers - publics, il est vrai - lui coûtent des milliards.
La seconde raison, qui est essentielle, c'est que les petits épargnants, après les retraités, après les familles - et ce sont d'ailleurs souvent les mêmes - n'ont pas à payer les factures de vos dépenses publiques excessives. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Vous avez déjà, monsieur le ministre, baissé la rémunération des livrets de caisse d'épargne il y a quelques jours.
M. Christian Bourquin. La question !
M. Dominique Dord. Ne vous acharnez pas sur les petits épargnants français.
Laissez-moi vous poser une question («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste) sous forme de suggestion. Ces sommes vertigineuses sur lesquelles vous allez faire main basse ne vous appartiennent pas.
M. Christian Bourquin. La question !
M. Dominique Dord. Elles n'appartiennent pas à l'Etat. Elles appartiennent aux Français, à travers le réseau des caisses d'épargne, et souvent à des Français très modestes. Pourquoi ne pas leur faire confiance, au moins une fois, en les laissant disposer librement de leur argent, en les laissant choisir ce qu'ils souhaitent faire de ces sommes qui sont les leurs ?
M. Christian Bourquin. La question !
M. Dominique Dord. Pourquoi ne pas les leur rendre, par exemple, en abaissant d'autant les impôts et les charges qui pèsent trop lourdement sur chacun d'entre eux ?
Mme Martine David. Il fallait le dire à Juppé !
M. Dominique Dord. Vous en convenez vous-même, mais seulement dans vos discours, hélas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que je dois - malheureusement - prier d'être bref dans sa réponse, car, sur les cinq minutes imparties au groupe DL, quatre se sont déjà écoulées.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, je vais être aussi bref que vous me le suggérez.
Monsieur le député, les caisses d'épargne sont un grand réseau. C'est une réussite de la France, que l'on retrouve dans certains autres pays, mais pas dans tous. Ce réseau a su dans le passé, et encore aujourd'hui, travailler au plus près des collectivités locales, de l'épargne locale, et a contribué à financer le logement social. Nous avons tous des raisons d'être fiers de la façon dont il s'est développé.
M. Yves Fromion. Jusque là, nous sommes d'accord !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il reste que ce réseau est aujourd'hui à un tournant de son histoire.
M. Bernard Accoyer. La réponse à la question !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Son organisation a besoin d'être revue, sa rentabilité est trop faible. Il faut en faire un vrai groupe décentralisé, et pas seulement un réseau décentralisé. Sa réforme est donc nécessaire, comme vous le disiez vous-même.
Si les aspects financiers de la réforme devaient prendre l'aspect que vous avez décrit, je comprendrais, monsieur le député, que vous vous y opposiez. Fort heureusement, il n'en est rien et toutes les informations que vous venez de délivrer sont fausses. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
En aucun cas, l'Etat n'envisage, pour honorer ses dépenses, de prélever 37 milliards. Ce chiffre ne repose sur aucun fondement.
M. Jean-Claude Lenoir. 35 milliards alors !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pas davantage ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Vous pouvez continuer ainsi, cela ne vous mènera à rien.
La réalité est que le réseau des caisses d'épargne a besoin de renforcer son système de retraite, et nous y veillerons. De la même manière, il a besoin de ratios de fonds propres confortables mais qui néanmoins n'ont aucune raison d'être deux fois supérieurs à ceux de l'ensemble des réseaux financiers. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Cette somme, comme vous le disiez, appartient à la nation.
La question est de savoir ce qu'il est le plus opportun pour la nation de faire de cette somme, qui n'appartient ni aux épargnants - car ce ne sont pas des fonds d'épargne mais des réserves accumulées -, ni aux dirigeants, ni aux salariés ni, permettez-moi de le dire, aux représentants de la nation, mais à la nation tout entière.
Dans le cadre d'un projet de loi, le Gouvernement vous proposera une affectation conforme à cet intérêt national.
M. Guy Teissier. C'est nouveau, ça !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ces sommes ne doivent pas être utilisées en dépenses ponctuelles, mais être engagées là où la nation a besoin de financements structurels.
M. Arnaud Lepercq. Le Crédit lyonnais ! La SNCF !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le moment venu, je suis sûr que vous soutiendrez l'intégralité du projet de réforme. Vous en acceptiez les principes au départ; vous en accepterez aussi les modalités lorsque le texte viendra en discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Charles Cova. Ce serait étonnant, à moins d'être suicidaires !
M. le président. Je rappelle à tous que la question et la réponse ne doivent pas dépasser, au total, cinq minutes.

Données clés

Auteur : M. Dominique Dord

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Banques et établissements financiers

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 juin 1998

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