Question au Gouvernement n° 769 :
banques et établissements financiers

11e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Brard
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 25 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les salariés des caisses d'épargne ont décidé de se mettre en grève. Ils sont très inquiets et nous ne le sommes pas moins. Notre inquiétude concerne non seulement les caisses d'épargne, mais également le devenir de l'ensemble du secteur financier public et parapublic, dont le Gouvernement a absolument besoin pour mener de façon déterminée ses politiques en faveur de l'emploi.
De ce point de vue, je vous le dis très franchement, monsieur le ministre, la manière dont vous traitez ces dossiers ne nous convient pas. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Bien que député et membre de la commission des finances, c'est dans les journaux que j'apprends vos décisions concernant le GAN, le CIC. Il paraît même que le Crédit foncier serait vendu, ce qui serait un comble, à l'américain General Motors. (Mêmes mouvements.)
S'agissant des caisses d'épargne, je suis loin de la question qui a été posée tout à l'heure. Mais cette dernière n'était pas en contradiction avec l'appétit de l'Association française de banques, qui veut démanteler le réseau des caisses d'épargne. Les salariés des caisses d'épargne, et au-delà plus de vingt millions de déposants, ont besoin de savoir quelles sont vos intentions quant à ce réseau.
M. Jacques Myard. Elles ne sont pas avouables !
M. Jean-Pierre Brard. Contrairement aux conclusions d'un rapport qui vous a été remis récemment, reconnaissez-vous aux caisses d'épargne le rôle de banquier de millions de familles modestes ? Admettez-vous que, grâce à leurs milliers de guichets, elles tiennent une place importante dans l'aménagement du territoire ? Quelles sont vos intentions sur le statut des caisses d'épargne. Quel est votre calendrier ?
Enfin, monsieur le ministre, quand discuterons-nous ici de ce que doit être la politique de la nation sur l'ensemble du pôle financier public et parapublic ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je ne reprendrai pas à l'occasion de cette réponse l'ensemble de la gestion du secteur financier. Je regrette que vous n'en appréciez pas les modalités, car je constate, s'agissant par exemple du CIC, que sa privatisation, qui vous a été imposée par la Commission de Bruxelles - sinon, sans doute ne l'aurions-nous pas faite - en raison des recapitalisations effectuées, a été saluée par l'ensemble des organisations syndicales. Elles ont remercié le Gouvernement pour la façon dont l'opération avait été conduite et pour le résultat obtenu. Mais chacun peut en juger comme il l'entend.
J'en viens à votre question importante sur les caisses d'épargne. Comme je l'ai dit, les caisses d'épargne constituent un grand réseau à vocation d'intérêt général, aussi bien dans la collecte des ressources que dans les emplois de celles-ci. S'agissant des ressources, il propose un produit particulier, le livret A, que tous les Français connaissent, mais aussi d'autres services, tels les comptes chèques, à une population qui n'est pas des plus favorisées, en effet.
S'agissant des emplois, l'argent ainsi collecté sert à financer le logement social, qui est une des missions de base du réseau des caisses d'épargne à laquelle personne n'a envie de déroger d'une quelconque manière.
Il faut assurer l'avenir du réseau des caisses d'épargne. Or, aujourd'hui, sa spécialisation sur le livret A est trop grande, ce qui conduit à des parts de marché trop faibles et, au bout du compte, à une rentabilité insuffisante. Il faut donc assurer sa pérennité et, à cet effet, lui donner vocation, toujours dans cet esprit d'intérêt général, à couvrir un champ plus large.
Une vaste concertation a d'ores et déjà été conduite. Votre collègue, Raymond Douyère, a rédigé un rapport, après six mois de discussion, d'un profond dialogue avec tous les acteurs - les salariés, leurs organisations syndicales, les dirigeants, l'Etat -, qui aboutit à un ensemble de proposition que le Gouvernement a l'intention de suivre assez largement.
La concertation ne s'arrête cependant pas à l'excellent travail de M. Douyère. Elle continue aujourd'hui: le Gouvernement consulte les différents acteurs sur un avant-projet de loi qu'il a esquissé. Lorsqu'il aura recueilli leurs sentiments, il rédigera un projet de loi qui sera soumis à la représentation parlementaire pour discussion.
Quelles en sont les grandes orientations ?
Tout d'abord, ces caisses appartiennent à la nation. Il convient dès lors de leur donner un statut proche d'autres structures mutualistes ou coopératives; même si ce n'est pas exactement la même chose, c'est le même esprit.
Ensuite, ce qui est encore aujourd'hui un réseau doit devenir un vrai groupe, avec une structure de groupe, capable de se défendre contre la concurrence.
Enfin, il faut réaffirmer - je réponds à votre question principale - le rôle d'intérêt général des caisses d'épargne.
Voilà l'objet du projet de loi sur la protection de l'épargne populaire qui vous sera bientôt soumis.
Soyez assuré que, pour les caisses d'épargne, comme pour d'autres sujets, la volonté du Gouvernement est d'avoir un secteur puissant qui puisse fournir de l'emploi à ses salariés, des financements aux entreprises qui en ont besoin ou au logement social dans le cas des caisses d'épargne, et donc contribuer de manière optimale au financement de l'économie.
Vous m'avez interrogé sur le calendrier.
La discussion de l'avant-projet devrait être terminée avec les partenaires concernés, les caisses d'épargne elles-mêmes, dans quelques semaines.
Le projet de loi pourrait alors être présenté au conseil des ministres.
La discussion devant l'Assemblée s'engagerait à l'automne, de sorte que la réforme puisse être appliquée à partir du 1er janvier 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Brard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Secteur public

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 25 juin 1998

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