PACS
Question de :
M. Dominique Dord
Savoie (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 14 octobre 1998
M. le président. La parole est à M. Dominique Dord.
M. Dominique Dord. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, l'échec que vous avez subi vendredi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance)...
M. Bernard Outin. Echec et PACS !
M. Dominique Dord. ... et cela malgré la présidence complaisante de M. Cochet (Protestations sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Huées sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), au-delà du fait politique rarissime qu'il constitue, montre le désarroi, pour ne pas dire plus, de l'ensemble de la représentation nationale.
Mais, au-delà de notre assemblée, c'est le pays tout entier qui s'interroge et qui refuse de vous suivre dans cette affaire. Juristes, fiscalistes, praticiens du droit, sociologues, philosophes, psychologues, pédiatres, plusieurs milliers d'élus locaux, la plupart des associations familiales, l'ensemble des confessions religieuses...
M. Didier Boulaud. Et Mme Boutin !
M. Dominique Dord. ... ont exprimé leurs réserves sur cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Dans son intervention mesurée, pragmatique et équilibrée, notre collègue de Démocratie libérale, Jean-François Mattei, a su trouver les mots pour faire valoir, au nom de l'opposition rassemblée...
M. Albert Facon. Avec de Villiers, Soisson et Blanc !
M. Dominique Dord. ... notre position contre le PACS mais en faveur d'aménagements de nos différentes réglementations, sans idéologie, permettant ainsi de répondre clairement et précisément aux problèmes qui se posent aux concubins hétérosexuels et homosexuels vivant ensemble.
Monsieur le Premier ministre, toutes ces interrogations vous laisseraient-elles de marbre ? Sur un sujet aussi essentiel, face à tant de doutes, tant d'hésitations, vous aviez matière à un grand débat national, dans un esprit de tolérance et d'ouverture. Au lieu de cela, les Français viennent d'apprendre que ce texte reviendra en urgence devant l'Assemblée dans quelques jours, sans doute un peu modifié. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe communiste.)
Mes chers collègues, vous étiez moins optimistes vendredi dernier !
Cet acharnement, cette crispation, cette volonté de passer en force nous semble la plus mauvaise réponse possible aux questions légitimes des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Un peu de silence !
M. Dominique Dord. Par ailleurs, monsieur le Premier ministre, cette décision viole délibérément, quoi que vous en disiez, les dispositions de l'article 84, alinéa 3, de notre règlement, que je vous livre puisque vous ne les connaissez pas: «Les propositions repoussées par l'Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d'un an.» On ne saurait être plus clair ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Votre manoeuvre, car c'est d'une manoeuvre qu'il s'agit, constitue donc un véritable détournement de procédure ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Grâce à un petit bricolage supplémentaire sur ce texte qui devient le plus grand mécano de la Ve République, vous fragilisez encore un peu plus le PACS en l'exposant désormais à la censure éventuelle du Conseil constitutionnel.
Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
M. Dominique Dord. Mes questions sont donc très simples.
Pourquoi violez-vous notre règlement ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Pouvez-vous conclure, monsieur Dord ?
M. Dominique Dord. Compte tenu de la gravité des circonstances politiques et de l'importance que vous accordez à ce texte, pourquoi ne le reprenez-vous pas à votre compte ?
Pourquoi vous dérobez-vous ainsi au circuit normal, traditionnel, des projets de loi de cette importance, qui ferait passer ce texte d'abord en conseil des ministres, puis en Conseil d'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et de nombreux députés du groupe communiste se lèvent et applaudissent.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous pouvons constater que la majorité existe bel et bien, que la majorité a bien l'intention d'adopter le pacte civil de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Claquements de pupitres et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Voyez-vous, monsieur le député, ce projet mérite mieux que des petites polémiques (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...
M. Philippe Séguin. Il mérite surtout de la présence !
Mme la garde des sceaux. ... et nous aurions besoin d'un débat serein.
Ce dont il est question, c'est de permettre à près de cinq millions de nos concitoyens de vivre dans la dignité, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels, ou encore qu'ils éprouvent tout simplement, sans être liés par des liens charnels, le besoin d'organiser leur vie commune et de bénéficier, à ce titre, d'un minimum de sécurité juridique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Quant à l'initiative parlementaire, j'estime qu'elle est particulièrement justifiée sur ce texte, qui a toute une histoire parlementaire derrière lui, puisque sept propositions de loi à ce sujet ont été déposées à l'Assemblée nationale ou au Sénat depuis dix ans. Je m'étonne qu'à droite de cette assemblée on s'insurge lorsque la représentation nationale prend des initiatives, conformément à l'article 39 de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Répondez à la question !
Mme la garde des sceaux. Je puis vous dire une chose, c'est que le Gouvernement, depuis le début, soutient cette initiative. Les premières réunions ont eu lieu à la chancellerie, avec les rapporteurs et les initiateurs du projet, en juillet 1997.
M. Dominique Dord (brandissant le règlement). Je vous ai interrogée sur le règlement !
Mme la garde des sceaux. A chaque étape, j'ai dit, au nom du Gouvernement, quelle était mon opinion à ce sujet. J'ai dit aussi ce que je ne voulais pas, car il était important de poser des repères et des balises.
Je puis vous dire, en tout cas, que l'incident de vendredi ne nous servira qu'à mieux montrer encore, le 3 novembre, à quel point nous tenons à ce projet, à quel point toute la gauche est réunie autour de lui. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Dominique Dord
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 octobre 1998