Question au Gouvernement n° 836 :
maintien

11e Législature

Question de : M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 21 octobre 1998

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin.
M. Yves Nicolin. Décidément, le courant ne passe plus entre le Gouvernement et les Verts. (Sourires.)
Monsieur le ministre chargé de l'intérieur, après les prises de position du Premier ministre et de votre majorité sur la sécurité, après quelques effets d'annonce, voici que le premier secrétaire du parti socialiste affirme: «Il faut de l'ordre, mais aussi prévenir les causes du désordre.» (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Après les discours, les actes («Ah !» sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance): tel pourrait être le souhait de millions de nos concitoyens en matière de sécurité.
Aujourd'hui, en effet, les actions inacceptables commises en marge des manifestations de lycéens de jeudi dernier, sous le regard impuissant des forces de police, marquent encore les esprits. A cet égard, je vais citer quelques extraits de dépêches AFP. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Le 15 octobre : «Une quinzaine de boutiques et de cafés ont été cassés et pillés, des voitures retournées, des cabines téléphoniques brisées place de la Nation.»
Encore le 15 octobre : «Les forces de l'ordre se tiennent à distance ne se risquant pas sur la place.»
Toujours le 15 octobre : «Les forces de l'ordre sont peu nombreuses sur place. Plusieurs dizaines de jeunes lycéens peu rassurés ont quitté la manifestation.»
Le 16 octobre : «Excepté un jeune Turc et un jeune Français, pas un casseur, pas un auteur d'actes graves de violence constatés jeudi n'a été présenté au tribunal.»
Le 17 octobre : «Cinq mineurs de moins de seize ans ont été mis en examen vendredi pour vol, recel, dégradation. Les cinq mineurs ont été remis à leurs parents.»
Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
M. Yves Nicolin. Aujourd'hui, enfin, mais sûrement trop tard, des mesures semblent avoir été prises («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste) : 5 500 policiers sont actuellement déployés dans Paris pour faire face aux éventuels débordements liés à la présence de casseurs en marge de la manifestation.
Comment, monsieur le ministre, vous qui êtes chargé du maintien de l'ordre, avez-vous pu sous-estimer ce qui allait se passer ? Pourquoi les forces de sécurité étaient-elles cantonnées à certaines entrées de rue, faute de recevoir l'ordre adéquat de leur hiérarchie, sans pouvoir protéger les lycéens, les commerçants, les passants ? Comment quelques dizaines de jeunes munis de cagoules ont-ils pu se regrouper en toute impunité, casser, piller, sous l'oeil passif de plusieurs centaines de CRS et devant les passants médusés ?
Enfin, que pensez-vous, monsieur le ministre, des propos tenus par Mme la ministre de la justice, vendredi dernier, à vingt heures onze, au journal télévisé de TF 1, où, interrogée sur les suites à donner aux interpellations, elle a affirmé devant des millions de Français : «Je n'ai pas de consignes à donner à la justice.» (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Il ne suffit pas de sauter comme un cabri devant les caméras en criant: «La sécurité ! La sécurité ! La sécurité !» Au-delà des effets d'annonce, les Français attendent des actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur par intérim.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur le député, je vais d'abord vous rappeler des chiffres que j'ai déjà cités: à l'occasion de la manifestation qui s'est déroulée jeudi, 146 personnes ont été interpellées; 122, dont 75 mineurs, ont été placées en garde à vue, et 63 ont été déférées à la justice. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Nicolin. Trop tard !
M. le ministre de l'intérieur par intérim. On ne peut pas dire, monsieur le député, que la police, impuissante, ait laissé faire.
M. Yves Nicolin. Quatre peines de prison seulement !
M. le ministre de l'intérieur par intérim. Elle est intervenue, en tenant compte de la difficulté des conditions, puisqu'il s'agissait d'une manifestation de jeunes. Il était, en effet, indispensable de bien distinguer entre les jeunes qui voulaient manifester de façon pacifique et ceux qui essayaient de profiter des circonstances. En la matière, il n'est pas possible de procéder à une distinction fondée sur la mine ou sur l'apparence. En tout cas, telle n'est pas la pratique d'une police républicaine. Or - puis-je me permettre de vous le rappeler ? - notre police agit dans le cadre et le respect de nos lois. C'est un élément indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Cela étant, je vous confirme que la volonté du Gouvernement est d'éviter toutes ces formes d'exaction et de vandalisme.
Je vous rappelle d'ailleurs que des gouvernements de droite ont également été confrontés à ce genre de violence. Je pense en particulier aux manifestations contre le CIP. Or, à l'époque, la gauche n'a pas utilisé ces événements pour lancer de telles accusations (Vives exclamations, puis huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) contre les forces de sécurité et mettre en cause la détermination du Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Mme Odette Grzegrzulka. Exactement !
M. Richard Cazenave. Menteurs !

Données clés

Auteur : M. Yves Nicolin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 octobre 1998

partager